Les députés girondins, dont je suis l’honorable descendante en politique, avaient des idées claires : celui qui prenait les armes contre la Nation ne méritait plus d’en faire partie. Les Jacobins en disaient autant mais on comprendra que je fasse faveur aux premiers.
Les uns comme les autres ne pouvaient être taxés de « socio-traitres », ni de « sociaux-libéraux » vendus à quelque pouvoir d’argent. Tous moururent décapités à cause de leurs idées. Que l’on compte ceux qui en feraient aujourd’hui autant pour (ou contre) la déchéance de nationalité. Sinon, comme dirait Brassens, « de mort lente ».
Les temps n’étaient pas les mêmes. Les députés révolutionnaires pensaient aux armées qui se liguaient à nos frontières contre la République. Nous pensons au terrorisme, où l’acte de lever les armes contre la Nation est encore s’il est possible plus évident, voire revendiqué.
La Constitution de 1791 que l’on cite souvent comme acte de naissance du droit du sol, l’ébauche en effet mais demande à ce droit 3 compléments : soit un père Français, soit un long « établissement » dans le pays, soit le prêt d’un serment civique qui pourrait être aujourd’hui d’actualité. Elle introduit par ailleurs la dégradation civique (impossibilité de voter et d’être élue) qui pourrait être aujourd’hui une réponse (ou plus justement: une porte de sortie) en répondant à la symbolique sans lier directement terrorisme et nationalité).
Pour autant, ne soyons pas manichéens, la déchéance de nationalité n’ébranle pas les fondements de notre République. Le Conseil d’Etat le dit lui même, laissant la responsabilité au Pouvoir exécutif de la présenter et au Parlement de la voter (ou non, dans les deux cas)
Est-ce à dire qu’elle ne pose pas question ? Si, pour une raison principale qui ne figure pas dans nos principes républicains : l’obligation de ne pas créer d’apatrides, et donc obligeant à ne pouvoir déchoir de la nationalité française que ceux qui en ont une autre.
Cela ne faisait pas grand monde il y a peu. Même des citoyens européens étaient obligés de faire un choix en demandant la nationalité française et étaient obligés pour la recevoir d’abandonner leur qualité d’Allemand ou de Suédois ou bien d’autres.. Ce n’est plus le cas : la suppression quasi-générale du service militaire a éclairci le paysage.
D’autres pays, non européens, n’acceptent pas le principe de double nationalité. Et donc un enfant né Français et entendant le rester, n’a que cette nationalité.
Au total, si la déchéance de nationalité est votée, elle introduira une « section du peuple » entre ceux qui peuvent être déchus et ceux qui ne le peuvent pas.
Bien d’autres interrogations ont été soulevées et en particulier celle de l’utilité de la mesure. L’accord est plus ou moins en train de se faire pour reconnaître qu’en cas d’actes de terrorisme, le pouvoir dissuasif est nul. On a vu au contraire des soldats de Daesh brûler leur carte d’identité française devant les caméras.
Reste encore une question : un citoyen déchu pourra-t-il être surveillé, jugé, en France ? Oui si l’acte est commis en France et si nous n’avons pas d’accords d’extradition avec le pays d’origine.
Mais pourrons nous l’extrader si nous en avons la volonté : oui seulement si le pays ne pratique ni la torture, ni la peine de mort. Reconnaissons que cela exclut pas mal de ceux qui sont dans notre viseur.
Alors, alors.. J’ai à cette heure UNE certitude : ne déchirons pas la gauche autour de ce sujet, et pas même n’envisageons pas de déchirer notre carte du PS comme l’a envisagé un homme pour lequel j’ai affection et estime en Gironde. Si l’on peut regretter aussi que la question de la nationalité puisse être liée dans l’esprit des Français au terrorisme, reconnaissons qu’il y a de la République de part et d’autre et, dans tous les cas, sachons qu’une loi démocratiquement votée EST républicaine.
N’oublions pas non plus que dans le cas, l’ennemi est une force barbare qui ne s’embarrasse ni d’arguties, ni de constitutionnalité. Lors du Concile de Constantinople une discussion occupait tous les esprits et les propos : fallait-il dire « Esprit Saint » ou « Saint Esprit ».. La discussion trainait, les évêques rivalisaient d’arguments. C’est alors que les janissaires turcs entrèrent et firent tomber toutes les têtes…