S’il y a un pays où on ne barguigne pas avec la transition démographique, c’est l’Allemagne. Alors que chez nous, on ne prononce encore les mots que du bout des lèvres, y compris « aux plus haut niveaux de l’Etat », les Allemands affrontent tout ce que cela va changer et change déjà dans nos sociétés. Un colloque récent où j’intervenais à Berlin m’en a donné la preuve.
Il faut dire qu’ils y ont encore plus de raison que nous. Si notre natalité permet de voir la longévité en France d’un oeil majoritairement positif, la faible natalité en Allemagne fait que depuis 1972, les naissances y sont moins nombreuses que les décès. Le triptyque « Kinder, Kirche, Küche » (enfants, église, cuisine) dont on décorait les Allemandes à natte blonde d’il y a pas si longtemps ne fait plus recette et, si les femmes travaillent à l’extérieur toujours moins qu’en France, elles font aussi notablement moins de bébés. Plus vieux, comme nous le serons aussi, les Allemands seront aussi moins nombreux ; en 2060, ils seront entre 68 et 72 millions quand ils sont aujourd’hui 81 millions.
Le nombre de personnes en âge de travailler va passer de 49 millions aujourd’hui à moins de 43 millions en 2025 et entre 34 et 38 millions en 2060. Les Allemands devant ces chiffres parlent de « demokalypse » et s’inquiètent à plus d’un titre.
Première remarque : les travailleurs en Allemagne seront moins nombreux, le travail (c’est à dire l’emploi) y sera toujours présent. Du moins en 2025, les déclinistes les plus sombres ne prévoient pas de baisse d’activité à relatif court terme dans ce pays.. Et si c’était une chance pour les pays européens voisins (et pas seulement, bien sûr) ? Aurons-nous en France d’ici dix ans retrouvé le plein emploi, particulièrement dans les secteurs productifs ? Cela reste incertain et demandera sans doute plus de temps, même dans une vision positive et volontariste de notre pays.
Dans cette période de transition, l’emploi en Allemagne peut-il être une chance pour les jeunes français qui seront justement en âge d’y accéder ? Très simplement, je le crois, à condition que nous ayons l’intelligence de ne pas l’exclure et, par exemple, de favoriser l’apprentissage de l’allemand dès aujourd’hui, lequel malgré l’espéranto anglais, constituera et constitue déjà une plus-value considérable pour accéder là-bas à des emplois de qualité.
Deuxième aspect : les âgés. De plus en plus nombreux, de plus en plus âgés, ou plutôt accédant en nombre à des âges que l’on considérait il y a 20 ans comme remarquables. De plus en plus désireux de qualité de vie et, comme chez nous, majoritairement et longtemps en bonne forme. Avec un détail en plus : les générations qui accèdent aujourd’hui à l’âge, ne sont pas dépourvues de moyens financiers.
Une chance pour des territoires attractifs comme notre future grande région. Je chausse ici la casquette de « Silver Economiste » que nous avons cousue, aux couleurs nationales avec Arnaud Montebourg lors de mes deux années ministérielles et que je décline aujourd’hui avec Alain Rousset pour notre future grande Aquitaine.
Les trois territoires (Aquitaine, Limousin, Poitou-Charentes) de cette future grande région n’ont que des atouts, et en premier lieu l’attractivité côtière de l’Aquitaine et de Poitou-Charentes ; mais aussi la gastronomie, l’oenotourisme et le haut niveau de services dans nos territoires (santé en particulier). Et si nous anticipions là-aussi ?
Les Allemands sont attirés par nos régions à l’égal des Anglais qui y occupent aujourd’hui des villages entiers. Le handicap pour nos voisins germaniques ? La langue, puisque là aussi personne n’anticipe et n’imagine qu’un hôtel, une station balnéaire ou thermale, un hôpital, où quelques pimpins parleraient convenablement la langue de Goethe constitueraient un réel atout pour que nos voisins y viennent en visite et y trouvent l’envie de prendre racine.
Laurent Fabius est venu récemment à Bordeaux saluer l’élection de la ville au titre de « destination privilégiée 2015 ». Pour autant, voyez-vous en nombre des publicités pour des locations de villas ou de résidences, des échanges d’appartement .. en nombre dans la « Süddeutsche Zeitung » ou la « Frankfurter Allgemeine ». Eh bien, que nenni ! Non plus qu’il n’y a, même en été, de lignes directes entre notre Région et les principales villes allemandes.
A vrai dire, nous devrions sans doute, outre la langue, peaufiner un peu nos qualités d’accueil et mieux mesurer le goût de nos voisins pour ce qui fonctionne plutôt que pour ce qui a le cachet de l’antique.. Mais, bon, l’amélioration n’est pas exclue de part et d’autre.
Résolument positive, je demeure persuadée que la transition démographique ouvrira un champ d’opportunités considérables et en particulier d’échanges et de partenariats européens auxquels nous ne pensons même pas aujourd’hui. Et c’est bien là le problème.