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Large fleuve, maigre mémoire.

Etriquée, petit bras, devant une plaque de même métal, la commémoration de l’esclavage et de la traite des noirs, est à Bordeaux une cérémonie municipale.

Il y a deux sens à ce mot : organisé par la Mairie, alors que comme à Paris, cette commémoration dont Christiane Taubira est à l’initiative, devrait être une manifestation organisée par l’Etat, selon son protocole et sous son drapeau. Le deuxième est simple : le Maire en décide l’ordonnancement et par exemple, établit qu’il sera seul -comme l’an dernier- à s’exprimer aux côtés  du Préfet. « Par le Maire, pour le Maire » définit à Bordeaux une cérémonie municipale. La traite des noirs qui saigna l’Afrique pendant 3 siècles et concerna tant de côtes et de pays va bien au delà.

Sauf que, cette année, il n’était pas là. Sauf que si il y a une commémoration qui devrait être ouverte à tous les représentants de notre Cité et de la nation,, c’est bien celle-là ; sauf que, ceux qui ont combattu depuis des années pour  cette célébration, pour la prise de conscience du passé négrier de notre ville, avaient plus grande raison de s’exprimer que ceux qui ont tardé à s’y résoudre.

Lors d’une des premières de ces cérémonies qui avait alors lieu au musée d’Aquitaine, le Maire avait même refusé la parole à Christiane Taubira, auteur de la loi du 21 mai 2001 qui fit de notre pays le premier à reconnaitre et commémorer l’esclavage et la traite des noirs.

Quel dommage, le temps était si beau, le fleuve si large, que l’esprit eût été ce matin si étroit. Une trentaine de personnes dont beaucoup de retour du marché des Chartrons passaient là. Ils ont vu un groupe, l’uniforme préfectoral, une poignée de conseillers municipaux qu’ils n’ont pas reconnus, et s’en sont en suite allés comme ils étaient venus. sans gravité au plus beau sens de ce terme pour la mémoire de ce qui fut, sans joie de la diversité qui est aujourd’hui celle de notre pays.

Quel dommage, le temps était si beau, le fleuve si large, que l’esprit eût été aujourd’hui si étroit.

Die « transition démographique » !

S’il y a un pays où on ne barguigne pas avec la transition démographique, c’est l’Allemagne. Alors que chez nous, on ne prononce encore les mots que du bout des lèvres, y compris « aux plus haut niveaux de l’Etat », les Allemands affrontent tout ce que cela va changer et change déjà dans nos sociétés. Un colloque récent où j’intervenais à Berlin m’en a donné la preuve.

Il faut dire qu’ils y ont encore plus de raison que nous. Si notre natalité permet de voir la longévité en France d’un oeil majoritairement positif, la faible natalité en Allemagne fait que depuis 1972, les naissances y sont moins nombreuses que les décès. Le triptyque « Kinder, Kirche, Küche » (enfants, église, cuisine) dont on décorait les Allemandes à natte blonde d’il y a pas si longtemps ne fait plus recette et, si les femmes travaillent à l’extérieur toujours moins qu’en France, elles font aussi notablement moins de bébés. Plus vieux, comme nous le serons aussi, les Allemands seront aussi moins nombreux ; en 2060, ils seront entre 68 et 72 millions quand ils sont aujourd’hui 81 millions.

Le nombre de personnes en âge de travailler va passer de 49 millions aujourd’hui à moins de 43 millions en 2025 et entre 34 et 38 millions en 2060. Les Allemands devant ces chiffres parlent de « demokalypse » et s’inquiètent à plus d’un titre.

Première remarque : les travailleurs en Allemagne seront moins nombreux, le travail (c’est à dire l’emploi) y sera toujours présent. Du moins en 2025, les déclinistes les plus sombres ne prévoient pas de baisse d’activité à relatif court terme dans ce pays.. Et si c’était une chance pour les pays européens voisins (et pas seulement, bien sûr) ?  Aurons-nous en France d’ici dix ans retrouvé le plein emploi, particulièrement dans les secteurs productifs ? Cela reste incertain et demandera sans doute plus de temps, même dans une vision positive et volontariste de notre pays.

Dans cette période de transition, l’emploi en Allemagne peut-il être une chance pour les jeunes français qui seront justement en âge d’y accéder ? Très simplement, je le crois, à condition que nous ayons l’intelligence de ne pas l’exclure et, par exemple, de favoriser l’apprentissage de l’allemand dès aujourd’hui, lequel malgré l’espéranto anglais, constituera et constitue déjà  une plus-value considérable pour accéder là-bas à des emplois de qualité.

Deuxième aspect : les âgés. De plus en plus nombreux, de plus en plus âgés, ou plutôt accédant en nombre à des âges que l’on considérait il y a 20 ans comme remarquables. De plus en plus désireux de qualité de vie et, comme chez nous, majoritairement et longtemps en bonne forme. Avec un détail en plus : les générations qui accèdent aujourd’hui à l’âge, ne sont pas dépourvues de moyens financiers.

Une chance pour des territoires attractifs comme notre future grande région. Je chausse ici la casquette de « Silver Economiste » que nous avons cousue, aux couleurs nationales avec Arnaud Montebourg lors de mes deux années ministérielles et que je décline aujourd’hui avec Alain Rousset pour notre future grande Aquitaine.

Les trois territoires (Aquitaine, Limousin, Poitou-Charentes) de cette future grande région n’ont que des atouts, et en premier lieu l’attractivité côtière de l’Aquitaine et de Poitou-Charentes ; mais aussi la gastronomie, l’oenotourisme et le haut niveau de services dans nos territoires (santé en particulier). Et si nous anticipions là-aussi ?

Les Allemands sont attirés par nos régions à l’égal des Anglais qui y occupent aujourd’hui des villages entiers. Le handicap pour nos voisins germaniques ? La langue, puisque là aussi personne n’anticipe et n’imagine qu’un hôtel, une station balnéaire ou thermale, un hôpital, où quelques pimpins parleraient convenablement la langue de Goethe constitueraient un réel atout pour que nos voisins y viennent en visite et y trouvent l’envie de prendre racine.

Laurent Fabius est venu récemment à Bordeaux saluer l’élection de la ville au titre de « destination privilégiée 2015 ». Pour autant, voyez-vous en nombre des publicités pour des locations de villas ou de résidences, des échanges d’appartement .. en nombre dans la « Süddeutsche Zeitung » ou  la « Frankfurter Allgemeine ».  Eh bien, que nenni ! Non plus qu’il n’y a, même en été, de lignes directes entre notre Région et  les principales villes allemandes.

A vrai dire, nous devrions sans doute, outre la langue, peaufiner un peu nos qualités d’accueil et mieux mesurer le goût de nos voisins pour ce qui fonctionne plutôt que pour ce qui a le cachet de l’antique..  Mais, bon, l’amélioration n’est pas exclue de part et d’autre.

Résolument positive, je demeure persuadée que la transition démographique ouvrira un champ d’opportunités considérables et en particulier d’échanges et de partenariats européens auxquels nous ne pensons même pas aujourd’hui. Et c’est bien là le problème.

 

 

 

 

 

 

 

Laurent Fabius à Bordeaux

Pour la 3ème fois, j’accueille Laurent Fabius à Bordeaux. Les deux premières étaient toutes différentes : il s’était arrêté dans notre ville en soutien de mes campagnes électorales. Je le revois dans ma minuscule permanence de campagne cantonale, un peu à l’étroit eu égard à tous ceux qui étaient venu le saluer et le remercier de sa venue. La deuxième visite avait déjà plus d’envergure, dans ma permanence de campagne législative. Courte visite mais dont je lui avais su grand gré, car les candidats et les équipes étaient nombreux à souhaiter sa présence.

La 3ème se situe dans tout autre décor. Nouveau Ministre du Tourisme, entré dans son très large portefeuille des Affaires étrangères lors du dernier remaniement, « Laurent » était ce matin dans notre ville pour visiter, aux côtés de son quasi frère jumeau (devinez qui ?), le chantier de la cité des civilisations du vin, un bateau de croisière en escale dans le port de la Lune et enfin, signer à la Mairie le contrat « Bordeaux, première destination touristique 2015 ».

Une parenthèse à ce beau programme : Laurent suivait pendant tout ce temps l’avancée (ou plutôt l’absence avancée) du sort de M Atlaoui, condamné à mort par la justice indonésienne, pour soupçon de trafic de stupéfiant. M Atlaoui est ouvrier soudeur, dans tous les cas peu suspect d’être un « gros bonnet » de la drogue. Le problème majeur n’est pas là pourtant : la justice indonésienne n’a pas été sur le dossier exempte du soupçon d’appliquer une consigne dogmatique d’exemplarité et par ailleurs, la France rejette la peine de mort pour ses ressortissants où qu’ils soient et plaide pour l’abolition universelle de la peine de mort.

Laurent Fabius avait eu la veille (d’après ce que j’ai compris de ses dires aux médias) le condamné au téléphone pour l’assurer de la mise en oeuvre de tous les moyens diplomatiques de la France, y compris à titre humanitaire. Il était en contact permanent avec notre ambassade. Laurent a de multiples collaborateurs, mais dans cette circonstance comme dans tant d’autres, la responsabilité est sienne et, dans ce type de drame, elle n’est pas légère. Je tenais à écrire cela, pour lui faire l’hommage de la multiple charge que représente au jour le jour un Ministère de cette importance.

Je reviens à son séjour bordelais, O combien moins pesant. Un mot, intentionnellement souriant, de l’étape bateau de croisière qui bien sûr relevait du tourisme et de l’attrait de notre territoire, mais où j’aurais eu toute ma place dans mon ancienne fonction de Ministre des personnes âgées et de la Silver Economie.

La Silver Economie ne faisait aucunement partie de l’intitulé officiel de mon Ministère, non plus que du programme de la visite de Laurent. Avouons qu’elle présidait pour autant à cette étape : l’âge des croisiéristes mais surtout le décor intérieur du navire la rapprochaient davantage de cette noble ambition de faire de l’avancée en âge un atout, y compris économique, que des défis de la marine du XXIème siècle. De fait, une magnifique démonstration de la place et du rôle des âgés dans la société. Point n’est besoin cependant d’assimiler mes conscrits et au delà, à un décor de plantes artificielles, de canaris empaillés et de photographies de Luis Mariano..

Dernière étape dans l’enceinte de la Mairie. Discours d’Alain, discours de Laurent, le second rappelant que le dernier discours qu’ils avaient prononcé côte à côte datait de mai 2012, quand le premier avait remis les clefs du Quai d’Orsay entre ses mains.

Rien de désagréable dans ce souvenir que Laurent sut rendre gratifiant pour Alain en rajoutant : « je tiens cependant tout de suite à rassurer tous ceux qui nous entourent, rien de commun aujourd’hui dans ce beau lieu, nulle intention fâcheuse, que de nous réjouir ensemble du choix qui a été fait de Bordeaux, destination touristique d’excellence 2015 et féliciter Alain Juppé et son équipe d’y avoir largement contribué ».

La vie politique est faite de diversité. Divers aussi cet hommage en forme de 2ème clin d’oeil à ce Ministre unanimement respecté, dans comme au dehors de nos frontières. Ne boudons pas les raisons de nous faire du bien, non plus que de croire et d’espérer.

 

 

 

Magie des tweets

Faites l’expérience : prenez 6 tweets occupés d’autre chose que du seul quotidien, ramassez-les ensemble dans l’ordre inverse de leur ponte, laissez entre chacun ce qu’il faut de silence; et c’est le début d’un livre … Ou d’un poème, ou d’une forme nouvelle fruit d’un PACS improbable entre l’un et l’autre.

On néglige trop -y compris dans l’enseignement du français- cette approche. La langue se construit. Il y a des innovations de rupture (« les essais » de Montaigne), des tâtonnements de génie (les petits poèmes en prose), des expérimentations, des destructions, des réussites, des catastrophes… Mais il y a toujours à faire pour que vive la francophonie, y compris dans notre propre pays, car ce n’est pas là qu’elle est dans son meilleur état de santé.

Une expérience, hier soir . Par conformisme, l’ordre des tweets est ici à l’inverse de l’ordre où ils ont été écrits (mais ça marche aussi dans l’ordre « naturel »)

« Même au cœur de la nuit, quand le cœur de la ville n’a pas encore cessé de battre, l’incroyable sérénité de mon jardin ../..

 

Toute la tension de l’écriture, on peut la trouver dans une suite de courtes phrases, rien qu’en introduisant entre elles le silence ../..

 

Prenez des tweets (mot détestable, impropre, ennemi),  faites les se succéder, jouer ensemble, l’écriture est déjà là

 

Le rythme est donné, le style s’impose. Il suffit d’assez de nuits pour écrire le livre entier, le poème déjà y est entré ../..

 

Magie du silence, ce vide particulier qui appelle le plein, curieuse loi d’un curieux organe nourri de rien ../..

 

../.. que de silences. Vide de bruits et plein de mots ». 

 

Une autre expérience, plus contemporaine dans son esprit est de mettre à la suite une dizaine de tweets, tels quels, dans l’ordre où ils sont apparus sur l’écran. Préoccupations quotidiennes, drames de partout, invectives, chiffres accablants.. Toute la cacophonie du monde dans un texte pas plus grand qu’une page de carnet.

Une troisième, et ce n’est pas la moindre : prendre un texte, le découper en tweets comme on le sent, le rythme s’y engouffre et change tout. D’ailleurs Racine, Vauvenargues, Chamfort, ont-ils jamais fait autre chose que des tweets de génie ?

 

 

 

 

 

 

 

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