m

Hollande et les jeunes seniors

Les médias l’ont peu souligné, mais dans son intervention de mi-mandat François Hollande a montré en quelques phrases et une proposition  qu’il avait compris la problématique des « jeunes seniors ».

Je reprends le terme qui a été utilisé. Il s’agissait de répondre à la parole d’une femme de 60 ans, chômeuse et découragée de ne voir aucune porte s’ouvrir pour reprendre une activité et préparer sa retraite.

Cette Française a aujourd’hui 28 ans d’espérance de vie moyenne, ce qui veut dire qu’elle peut aussi allègrement vivre 40 ans ou plus et là voilà, d’ores et déjà sur la touche, laissée-pour-compte, vouée au sentiment d’inutilité, de déclassement et cela avec de modestes revenus. Elle fait partie de la première tranche de ces « boomers »  qui porteront (qui portent déjà) la transition démographique. C’est bien mal commencer..

Le Président a eu les justes mots qui résument le problème : vous devez retrouver un emploi et préparer, aménager votre prochaine retraite comme tous les autres Français. Il a même eu ce trait qui montre une grande connaissance du problème: « Vous devez pouvoir fêter avec vos collègues votre départ à la retraite. »

Le rôle et la place des retraités dans la société constituent jusqu’alors un véritable trou noir de la pensée politique. Le voilà qui commence de s’éclairer. Un contrat aidé sera proposé à cette Française et elle n’aura pas ce sentiment mortifère (je pèse le mot) d’être mise en retrait par anticipation. Elle retrouvera des collègues, partagera avec eux des projets et verra ses revenus améliorés.

Notre jeune senior(e) n’est pas seule dans son cas puisqu’un Français sur deux de plus de 55 ans n’est pas dans l’emploi (congé de longue durée, invalidité, chômage..) et le nombre de ces laissés pour compte risque encore d’augmenter avec la génération des boomers. Voilà enfin une porte qui s’ouvre, une prise en compte qui s’affirme avec ces maîtres-mots que François Hollande, presque timide et pourtant profondément chaleureux lui a glissé au moment de clore l’échange avec elle :

-« Le pays a besoin de vous! »

 

La politique basée sur l’évidence et l’expérience

La vie universitaire et hospitalière m’a installée dans le crâne deux notions, apparemment simples mais en tout cas essentielles :

– le progrès scientifique en médecine est basé sur la preuve, ce que nous appelons savamment « évidence based medicine ». Pas d’essai thérapeutique qui ne passe sous les fourches caudines d’une méthodologie rigoureuse et d’une lecture critique des résultats avant d’être déclaré valide.

– la pratique médicale est, quant à elle, le produit des amours coupables de cette « evidence based medicine » et de l’expérience. La formule est moins brevetée, mais cette « expérience based medicine » vient compléter au jour le jour la précédente.

Ces deux notions me servent toujours en politique. Avouons que la première s’impose rarement. Rarement est loin d’être jamais. La priorité de l’emploi et de la lutte contre le chômage est basée sur des chiffres. Elle ne souffre pas de discussion. Aucun pays, aujourd’hui comme hier, ne peut avoir de politique libre, décisionnelle et, en particulier de politique sociale, sans un taux d’emploi lui permettant d’assurer budgétairement.

L’ « experience based politics » est au contraire une arme de tous les jours : essayer de ne rien dire, rien affirmer, rien promettre qui ne réponde à des attentes, à des besoins ou à des espoirs, et si possible aux trois à la fois. Le « terrain », comme on dit, en est le terreau.

La lutte contre le tabac a un privilège : elle est à la fois basée sur l’évidence et sur l’expérience.

L’évidence : aucune discordance dans les études scientifiques, quelles soient médicales, épidémiologiques et économiques :

-le tabac est dans le monde la première cause de décès. La prévision pour le XXIe siècle est d’un milliard de morts si nous ne parvenons pas à éteindre cette industrie et ce commerce de mort.

– Chaque année désormais, ce sont 73 000 personnes qui meurent du tabac et ce chiffre est appelé à croître.

– De nombreux cancers sont en liaison directe avec le tabagisme : voies aéro digestives supérieures (lèvres, bouche, pharynx, larynx, bronches) ; ce dernier, le cancer du poumon est de tous les cancers le plus grand « tueur » (plus que sein, prostate et intestin réunis)

– En plus de sa mortalité, le tabac est responsable d’une forte morbidité (maladies chroniques comme l’insuffisance respiratoire ou vasculaire) considérable.

– le tabac est la drogue la plus addictogène et dont le sevrage est le plus difficile.

L’expérience ne dit pas autre chose : le taux de guérison du cancer du poumon n’a pratiquement pas progressé depuis le début de mes études de médecine il y a 50 ans. La mort par cancer des « VADS » (voies aéro digestives supérieures) est l’une des plus pénibles que l’on puisse concevoir). Les accidents vasculaires cérébraux, pour la moitié dus au tabac, sont de gros pourvoyeurs de handicap et de perte d’autonomie, et ceci souvent à un âge relativement jeune.

Aucun de ces faits, aucun de ces chiffres n’est remis en question par personne, nulle part dans le monde. On peut s’écharper sur les méfaits de 1 degré de réchauffement climatique, pour le tabac rien ni personne ne met en doute ses méfaits dont, au demeurant, le coût est entrain de faire fléchir tous les systèmes de santé du monde occidental.

La lutte contre le tabac est pour moi du même ordre que le combat contre la peine de mort. Il n’y a aucun doute que si la politique ne prend pas le sujet à bras le corps elle sera un jour pas si lointain mise en accusation pour n’avoir rien fait.

Ce combat dépasse les partis et les pays. Comme le petit colibri de Pierre Rabhi, je veux avoir fait ma part. Les forces contraires sont pesantes, quelquefois violentes, leurs méthodes sont raffinées, leurs moyens immenses, mais l’évidence assistée de l’expérience sera le plus forte.

 

La mort va rentrer dans nos vies

Il n’y a guère que le « jour des morts » ou, la veille, la « Toussaint », que les médias osent ce mot brutal et rustre par son absence de circonlocutions: « la mort ». Dès demain, nous reviendrons à la « fin de vie » et à tous ces mots des faire-parts « nous a quittés », »s’en est allé », qui ont majoritairement effacé les « montées au ciel » « a rejoint le  Seigneur », et tant d’autres formules qui habillent de libre arbitre ou d’espoir ce mot de quatre lettres qui est  de tous, le plus « gros mot ».

Nous entrons dans une période particulière, accélératrice de ce que l’on appelle aujourd’hui « la transition démographique » : il s’agit de l’arrivée dans le champ de l’âge des générations des trente glorieuses : les « boomers ».

Ceux-ci, tels l’éléphant dans le boa du Petit Prince, vont déformer les courbes démographiques, puis d’ici 2040, 2050, peut-être davantage, « s’en aller » comme tous les autres avant et après eux. La longévité continuera d’augmenter, mais cette bosse démographique s’atténuera et s’effacera.

Je n’en suis pas autrement contente, faisant partie de ces « early boomers » qui sont appelés à prendre la tête du peloton. D’autres le sont à ma place : les groupes d ‘ entreprises funéraires que les fonds d’investissement se disputent toujours plus, les fondations et les associations caritatives qui appellent chaque jour sur les ondes aux dons et aux legs, et quelques autres petits métiers comme ceux qui récupèrent les métaux précieux des couronnes dentaires et des prothèses après incinération. J’en oublie, comme par exemple les assureurs qui vendent « clefs en mains » des contrats-obsèques sans préciser quelle porte ouvre la dite clef.

Une embellie majeure donc pour le funéraire. Qui le mérite bien, après une mauvaise année 2014, où la clémence du temps a gardé sur terre 5% des promis à leur business plan. Ajouté à la concurrence de la crémation (un Français sur trois), avouons que le désagrément est fort et qu’il est grand temps que les générations 1945-50 envisagent de remplir leurs devoirs.

Il est difficile de parler de la mort autrement qu’avec ce qu’on appelle « la politesse du désespoir ». Un élément plus profond et que d’aucuns trouveront peut-être réconfortant vient compléter, et peut-être radicalement modifier, les perspectives des 30 ou 40 prochaines années.

Le nombre de décès annuel, grossièrement stable depuis 1950, va dans cette même période augmenter  de 50%. Chiffre considérable, surtout au regard de ce que l’on appelle « le nombre d’aidants potentiels » (les proches disponibles) et l’évolution obligatoire du système de santé. Ces fins de vie, de plus en plus nombreuses, devront être accompagnées. Tous et heureusement, ne pourront mourir à l’hôpital, dans les services d’urgence ou, seuls, dans les EHPAD ou ce qui en fera office. La mort va ainsi retrouver le décor de la maison, s’installer de manière plus apparente et plus marquante dans la vie des familles, familles biens souvent beaucoup plus difficiles à cerner qu’il y a 60 ou 70 ans quand cela était encore fréquent. (Rappelons en effet qu’à 80% aujourd’hui la mort survient en « établissement » et non à domicile).

Ces familles (décomposées, recomposées, construites sur d’autres bases) n’y sont pas préparées. Elles le seront : une nécessité si prégnante et si brutale fera loi et, inéluctablement, fera sens. Les enfants auront vu des morts et des morts familiers avant d’entrer dans l’âge adulte et de vieillir eux-mêmes. Leurs parents auront accompagné leurs grands-parents et leurs propres parents avant de se trouver en première ligne. La « fin de vie », l’agonie ensuite, ne représenteront plus pour eux une visite hebdomadaire dans un hôpital et un coup de téléphone quand « c’est fini ».

Eux aussi, au tout dernier moment, auront serré une main, perçu un dernier hoquet et puis ce départ radical, instantané, violent, ce froid rapide à venir, qui s’appellent la mort.

De même que les rites funéraires très marquants des Malgaches ont de tout temps modifié leur vision du monde, ce retour de la mort dans la vie va en modifier l’appréhension et le sens. Je n’exclus pas que cette modification soit positive, elle sera en tout cas obligatoirement forte.

Tout cela, nous devons le penser et le préparer, même ceux qui n’en verront pas le cours entier. Renforcement majeur des structures de soins palliatifs, interrogation collective et individuelle sur ce monde de 7 milliards d’humains, bientôt 8, bientôt 9, rapports différents au sacré, qu’il soit laïc ou religieux, reprise d’un dialogue autre que sectaire, doctrinaire ou intégriste entre les religions..

Le pire n’est jamais sûr, sauf cette mort que nous renvoyons plus loin, chaque jour plus loin, et qui finalement profitera de cette longue attente pour redevenir plus familière.

 

 

 

Le tabac, nouvel enjeu du féminisme

Le tabac fait aujourd’hui des ravages chez les jeunes et en tout premier lieu chez les jeunes filles.

Pourquoi ?

Bien sûr les drogues et les conduites addictives augmentent en fréquence de manière générale. Mais cette addiction là, sur cette cible-là, a un sens et une gravité, particulières.

Fumer, depuis des décennies, est synonyme d’émancipation. Dès les années 1925-30, des femmes à cheveux courts s’affichaient cigarette, et bien souvent porte-cigarette, au bec. Cette assimilation n’a pas disparue mais s’est beaucoup affadie. Soixante-huit est passé par là, les femmes ont fait d’autres conquêtes.

Les jeunes filles aujourd’hui fument pour ne pas manger. C’est aussi brutal que cela. Les diktats de minceur, les jeans « slim » ou « super slim », l’oukase des cuisses qui ne se touchent pas (thigh gap) qui impose quasiment la maigreur, entrainent des conduites anorexiques qui conduisent bien souvent à la maladie elle-même . L’anorexie mentale est d’ailleurs de plus en plus souvent considérée comme une conduite addictive particulière que le tabac, quelquefois l’alcoolisme, vient soutenir en jouant comme une « co-morbidité ».

Deux addictions sont plus difficiles à vaincre encore qu’une seule. Au bout de quelques mois, le mal est fait : le tabac est devenu un besoin et le sevrage deviendra très difficile, quand même il est tenté, d’autant qu’il est à risque de prise de poids.

Résultat : le cancer du poumon chez la femme explose. Il est aujourd’hui en tête et de loin des cancers qui augmentent en fréquence, dépassant maintenant le mélanome (cancer cutané favorisé par l’exposition solaire).

Pouvons-nous rester sans rien faire ? Continuer  de contempler à la porte des lycées adolescentes et adolescents sortant à chaque pause « pour en griller une » ? Demain, nous pourrons être mis en cause pour non assistance à personne en danger. Et ce sera justifié.

C’est pour moi un des enjeux majeurs du féminisme pragmatique, du féminisme de terrain. A égalité avec un autre : les régressions des droits et libertés des femmes pour des motifs sociaux, culturels ou cultuels. Tout cela dépasse infiniment la question de dire « madame LA Ministre » ou « LE Ministre », ou d’utiliser le beau mot de « Mademoiselle »; Pour tout cela, le temps et l’usage feront leur oeuvre même si je suis en faveur d’une féminisation chaque fois qu’elle ne brutalise pas la langue, ce qui est au demeurant exceptionnel.

Envers ces jeunes, garçons ou filles, la meilleure, la seule arme, est l’augmentation notable des prix. C’est sans doute le moteur principal de mon action à l’Assemblée et des amendements que j’ai proposé. La meilleure manière de rompre une addiction, de faire prévaloir sa liberté, c’est de ne pas y entrer.

C’est bête à dire : je souhaite que les femmes soient libres, in-dépendantes et qu’elles ne ruinent pas le gain de longévité qu’elles ont gagné par leur pugnacité et leur résistance à toutes les étapes de la vie.

Le tabac tue un fumeur sur deux

Cette phrase simple, directe, compréhensible de tous et surtout, vraie, est actuellement l’objet d’une publicité télévisée.

Cette publicité marque les esprits et l’on commence de nous interroger « mais alors, si c’est vrai, qu’est-ce que vous faites ? »

Et en effet cette réalité est tellement terrible qu’on reste abasourdi d’en être encore là : une drogue, un toxique que personne aujourd’hui n’aurait même l’idée de légaliser demeure en vente libre, des pilotes automobiles aux couleurs des fabricants de cigarettes continuent de s’exposer et si l’on s’élève contre cette arme de destruction massive, on répond : « liberté ».

Liberté ? Liberté d’être soumis à la dépendance par la drogue la plus addictive qui soit ? Liberté d’être le jouet de puissants lobbies industriels ?

La lutte contre le tabac est comme la pierre de Sisyphe : nous avons été, nous sommes, nombreux à essayer de la remonter mais jusqu’alors, le poids et l’habileté de ceux qui ont intérêt à vendre du tabac la fait toujours retomber.

Alors que faisons-nous, nous, aujourd’hui ? Parviendrons à maintenir la pierre haute et à échapper à l’opprobre quand, selon les prédictions de l’OMS pour le XXIème siècle, un milliard d’humains de plus seront morts du tabac ?

Marisol Touraine, Ministre de la santé, vient de présenter un plan anti-tabac courageux, comportant une mesure qui irrite au plus haut point cigaretiers et buralistes: le paquet neutre.

Ce plan pourtant ne suffira pas sans l’appui de mesures fiscales élevant fortement le prix du paquet d’au moins 10% en une seule fois. Les études ont montré qu’une hausse de 5 à 6% telles qu’on en pratique depuis des années était de peu d’efficacité. Preuve en est donnée par la hausse continue du tabagisme, en particulier chez les jeunes.

Je veux pouvoir répondre à qui m’interroge : « Si c’est vrai, que faites-vous donc pour nous sortir de là ? ». Un fumeur sur deux meurt du tabac, cela veut dire que fumer est six fois plus dangereux que jouer à la roulette russe avec un pistolet à 6 coups, dont un seul est chargé.

Pour cela, je présenterai demain 3 amendements au projet de loi de finances de la sécurité sociale. Ils visent d’une part à augmenter le prix du tabac, d’autre part à égaliser les taxes entre tous les dérivés du tabac (cigarette, cigare, cigarillo..) et sur l’ensemble du territoire.

Ceci pour des raisons de santé et même de vie. Pour cela et rien que pour cela, et je souhaite que notre pays soit le premier à faire ce pas décisif. Les autres pays suivront : tous sont écrasés par le coût sanitaire et social du tabac.

Donnons l’exemple. L’exemple de la liberté, la vraie.

 

Suivi et Infogérance par Axeinformatique/Freepixel