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Le deuil blanc

Le deuil ne s’est pas toujours porté en noir. Il était blanc au moyen âge, il l’est encore en Asie pour signifier que le mort se change en esprit, se dilue dans des nimbes que l’on imagine de cette couleur.

Mais ce n’est pas de ce deuil-là qu’il est question mais de celui que l’on ressent quand on perd la communication avec une personne vivante. On imagine que ce peut-être après une rupture ou d’autres formes de séparations mais celle qui l’emporte aujourd’hui dans l’usage de ces deux mots est la douleur à ne plus pouvoir/savoir échanger avec une personne atteinte de maladie d’Alzheimer ou des démences apparentées. La personne est là, en face de soi, murée dans le silence, dans une apparente indifférence et aucune des paroles qu’on utilise n’amène signe ni réponse. On le sait, le toucher est alors l’ultime moyen d’une communication incertaine, qu’à un stade avancé de la maladie on espère plus clairement qu’on ne la perçoit.

Ce deuil-là ne permet aucun « travail de deuil » et n’est pas moins douloureux que l’autre. Au contraire, chaque visite, chaque nouvelle tentative de communication, l’avive. La personne est là, quelquefois encore très semblable à celle que l’on a connue il y a quelques années, quand on pouvait encore parler, échanger souvenirs et projets, se confier, partager et cette présence accentue la rupture, le vide, le silence. Le deuil blanc s’accentue continûment, quand l’autre tend vers un apaisement et une acceptation.

Il arrive que les couleurs évoquent des bruits ou une musique, le blanc évoque d’abord le silence d’un paysage enneigé. Le froid le complète bien et la solitude de celui qui essaie et essaie encore de faire parvenir des signes à qui ne peut plus en donner. Ces deux mots, très beaux quand ils sont ensemble, évoquent aussi la pudeur et donne envie de la respecter.

 

 

7 milliards 200 millions

Un seul chiffre suffit à expliquer que nous entrons dans un monde nouveau ; « que nous sommes entrés » serait d’ailleurs plus juste, et qu’il nous reste à construire ce monde nouveau.

Le chiffre : 7 milliards 200 millions. Plus de 7 milliards d’humains, dont 1 milliard d’âgés, qu’il s’agit de nourrir, de soigner et de faire vivre ensemble.

Deux solutions en effet, et pas trois : qu’ils deviennent plus qu’ils ne sont aujourd’hui nos compagnons de planète, ou une méga-guerre mondiale laissant loin derrière les 60 millions de morts de la précédente. Pour ma part, j’ai choisi, ne serait-ce que par prudence.

Ce n’est pas un choix innocent. Il implique une sacrée révision de nos raisonnements comme de nos comportements. Une exigence de sobriété dans toutes les formes de consommation, une mise en hiérarchie de l’utilité de ce que nous produisons et un petit détail : le rappel -puisqu’il en est encore besoin- que tous les hommes sont égaux en dignité et en droit.

Hier à l’initiative de @Francelibertes s’est tenue à Bordeaux  une réunion, je dirais plutôt en échange, entre la Maire de Lampedusa Giusi Paolini et les citoyens du monde que nous devenions à chaque instant davantage. L’échange se faisait par skype, ce qui n’a rien enlevé à la force des mots et du sourire assuré de Mme la Maire. Vingt mille morts identifiés (sans doute bien davantage), ensevelis dans la méditerranée  faisant dire que « là se situait l’Auschwitz de ce début de siècle ». Trois cent soixante cercueils sur la plage pour une seule marée lors de la visite du Pape François… Nul besoin d’aligner les chiffres.

L’Italie, ses paysages somptueux (et particulièrement ceux de Lampedusa et d’Agrigente non loin de là), au lieu d’accueillir la beauté et le bonheur doit à son rôle de frontière du sud celui de recevoir ce flux migratoire continu d’exilés de la faim et interpelle non seulement l’Europe mais chaque Européen.

Cette Italie a un passé qui lui donne une légitimité particulière pour cette interpellation. C’est le pays qui a connu la plus forte immigration. En un siècle et demi, 27 millions d’Italiens ont quitté la Péninsule, lynchés aux Amériques à l’égal des noirs, moqués, cantonnés aux travaux les plus durs ; chez nous : les mines, les bâtiment.

Aujourd’hui, l’Italie est devenue terre d’accueil : plus de 5 millions d’étrangers y sont implantés. A Lampedusa prend force à chaque marée la conscience d’une autre dimension des interrogations d’hier. Les frêles embarcations qui approchent des côtes et bien souvent échouent sans que secours leur soit porté nous rappellent que les civilisations sont mortelles et au delà d’elles, l’humanité elle-même.

 

Hollande

Plusieurs billets de ce blog rendent hommage à François Hollande. Je ne déments aucune ligne d’aucun de ces billets. J’admire François Hollande  et c’est d’autant plus que je regrette que l’énormité de sa charge, sa difficulté le privent de deux qualités nullement superficielles : l’attention aux autres et le sourire naturel qui manifeste cette attention, je dirais presque qui la sublime.

J’aime le François Hollande qui « aime les gens ». Ces mots qu’il a employé lui-même dans son historique discours du Bourget ne sont plus perceptibles de la même manière. Et c’est ce que j’ai exprimé au journaliste du Nouvel Observateur  qui m’a interrogée sur « mon » Hollande (Julien Martin). Peut-on remercier (« remanier ») un Ministre sans le remercier, sauf s’il a fait quelque faute, été à l’origine d’un seul « couac », abaissé sa fonction, contrevenu aux priorités qui lui étaient indiquées par exemple lors des « introductions » présidentielles à chaque conseil des Ministres?

J’ai exprimé aussi mon regret de n’avoir pu en deux ans obtenir de lui un entretien pour lui présenter les enjeux de la révolution de l’âge ainsi que mon souhait de voir notre Gouvernement porter positivement la transition démographique.  Nous avions, après la période sarkozienne, la belle responsabilité de sortir de la « démographie punitive » présentant l’allongement de la durée de vie comme un coût, une charge, une contrainte et assimilant le vieillissement à la « dépendance » qui ne concerne qu’un sur 15 des 15 millions d’âgés dont j’ai eu l’honneur de porter l’ambition, l’énergie, le désir d’être utile et de participer à la construction du monde nouveau qui est le nôtre.

Par souci de lisibilité, François Hollande martèle sa priorité pour la jeunesse et le redressement économique de la France. Pour autant, je pense qu’il faut parler aux âgés, penser leur rôle et leur place dans la société et, comme en Limousin, région la plus vieille de France, les rallier à la gauche. Hollande, élu de ce territoire, a su le faire. Hollande Président ne m’a pas donné la chance de relever, dans son sillage, ce beau défi.

Dans le même article du Nouvel Observateur, le journaliste narre la superbe histoire que j’ai partagée avec le Président. Il ne dit pas, comme je l’ai fait, l’extraordinaire admiration que j’en ai conçu pour le contrôle de soi, la capacité de concentration et de décision face à un choix grave, pour François Hollande, Président de la République.

Dans un des rares moments de proximité que j’ai partagé avec lui (un voyage en avion en direction de Bordeaux), François Hollande s’est retiré quelques minutes pour un échange téléphonique. Il est revenu vers nous, parfaitement sobre et concentré avec ces mots « nous interviendrons demain au Mali », puis il s’est remis à la rédaction de son discours à Bordeaux sur l’économie de nos territoires.

Ce jour là, j’ai physiquement mesuré à la fois la solitude et l’exigence de cette fonction de « Chef de l’Etat ». Sans doute est ce pour la grandeur de ce moment que mon désir n’est que plus grand que rien ne vienne l’obscurcir ou le diminuer.

 

 

 

Le plus beau de nos jumelages

Le Maire de Bordeaux « réactive » le plus prestigieux des jumelages de notre ville : Munich, la capitale de la Bavière. Ville de 1 500 000 habitants, pleine d’histoire mais plus encore de présent et d’avenir avec une force économique considérable.

Munich, c’est la fête et la capitale de la bière, mais c’est surtout Siemens et BMW (Bayerische Motoren Werke), très présents l’un et l’autre dans la ville sans en détruire le moins du monde la qualité de vie et l’attrait.

Ce jumelage a aujourd’hui 50 ans et cet anniversaire est l’occasion d’un cocktail à la Mairie. Oserais-je avouer que j’aurais préféré voir en ce jour la ville pavoisée aux couleurs bavaroises, initiative fort peu coûteuse mais à laquelle nos « jumeaux » auraient été très sensibles. J’avais proposé ce signe au Maire pour les 45 ans du jumelage en 2009. Hélàs, mon courrier était demeuré sans effet et sans réponse.

Les Bavarois ont été très marris du sommeil de près de 20 ans où Alain Juppé a tenu ce jumelage, semble-t-il pour une question de préséance lors d’une visite de l’ancien Premier Ministre à Munich. Je le tiens des édiles locaux, je n’étais pas moi même présente. Les consuls d’Allemagne en notre ville m’ont régulièrement témoigné de leur regret de ne trouver aucun écho au renouveau de ce lien.

Mieux vaut tard que jamais et j’espère que ce jumelage sera bien vivant, c’est à dire impliquera fortement la population. Echanges entre les opéras, les clubs de sports, les étudiants, les « seniors ».. Munich offre toutes les raisons d’attrait. Le vin et la bière ne sont pas les moindres mais certainement pas les seuls.

Je l’avoue, je suis très attachée à ce jumelage où Gabriel et Alice Delaunay ont joué un rôle moteur. Il a fait l’objet d’un livre de Laurence Pacchiano (éditions l’Harmattan, 2009) où cette belle histoire est contée de manière détaillée.

Une vraie belle aventure qui ne demande aujourd’hui qu’à s’ouvrir sur les XXIème siècle et l’Europe.

Et si on parlait autrement de la retraite ?

Peu comprennent ce que veut dire « descendre de charge », appartenir à un groupe et brutalement en être exclu, voir, en plus de ses revenus, son identité moins affirmée, comme une image qui passe de la couleur au noir et blanc.

Eh bien, c’est ce que vivent une majorité des retraités. N’être ni tout à fait un autre (toujours en bonne forme, plein d’idées et de capacités..) , ni tout à fait le même en voyant se fermer comme un battant de porte le champ où l’on appliquait ses connaissances, son savoir-faire et où l’on avait aguerri son intelligence.

Tout d’un coup, en retraite c’est-à-dire en retrait.

Oui, il y a le sentiment de libération, de pouvoir enfin faire ce que l’on n’a jamais eu le temps de faire. Oui aussi, il y a les métiers pénibles où l’on s’usait et qu’il était grand temps de quitter. Je sais tout cela.

Mais combien sont là, descendant au bistrot le matin prendre un café et voyant tous ceux qui leur ressemblent à l’identique, regarder leur montre, lire rapidement les gros titres du journal et vite, organiser leur journée. C’était hier. Hier matin et c’est désormais demain et encore demain. Ceci pour 30 années, voire davantage.

Une page inoubliable du livre de Maurice Tubiana « Le bien vieillir » décrit ce moment. Le premier jour du reste de sa vie. L’expression n’est pas de lui, elle est au fond de chacun de nous. La veille, il a travaillé jusqu’à 22 heures pour mettre à jour tout son courrier, visé les derniers projets, signé les derniers comptes-rendus. Et puis il a fermé la porte derrière lui de l’Institut Gustave Roussy.

Le lendemain, rien. Cela n’a duré pour Maurice Tubiana que quelques jours, quelques semaines. Médecin un jour, médecin toujours. Chercheur, de même. Sachant écrire aussi et c’est pour cela qu’il a si bien décrit et fait partagé ce moment brutal du « départ en retraite ». Les deux mots disent tout.

Quand saura-t-on dire qu’il faut aménager les carrières de fin de parcours ? Qu’il faut fluidifier l’âge du départ en retraite ? Qu’il faut faire bouger les lignes ? Qu’il faut favoriser et valoriser l’engagement des âgés dans la vie publique quelle qu’en soit la forme. Quand  le Parti qui est le mien -le PS- s’attèlera-t-il à ce nouveau défi ?

Quand la République saura-t-elle montrer fortement à ces âgés/retraités que la République a besoin d’eux ? Qu’ils ne sont pas exclus mais attendus ?

Quand la retraite deviendra-t-elle synonyme d’une troisième vie, active,  créatrice, responsable, référentielle, honorée, forte, désirée pour tout cela ? Je hurle chaque fois que j’écoute des Maires apeurés parler du coût de l’aménagement des rythmes scolaires. En rangs serrés, les retraités (enseignants, membres d’associations sportives ou culturelles..) sont venus me voir:  « Mais pourquoi vous faites tant d’histoires… On va vous les faire ces activités périscolaires! » Pour rien ou quasi et sans prendre la place d’autres professionnels (3 heures de travail par semaine, en alternance d’activités, est légal et ne prend pas l’emploi d’un autre).

La loi que j’ai préparée porte en germe cette transition sociale majeure qui constitue un des piliers de la transition démographique que nous devons concevoir, penser, préparer à l’égal de la transition énergétique. Et qui, comme elle, est porteuse de croissance, d’emplois et d’innovation sociale.

Et si on s’y mettait, tous sans oeillères et sans tabous ? Si on portait cette idée qui ne sera suivie par les décideurs de tous ordres que si elle est portée par l’opinion.

Pour la France et parce qu’il est grand temps de devenir révolutionnaires.

 

Suivi et Infogérance par Axeinformatique/Freepixel