Au lendemain du vote à l’Assemblée nationale de la loi d’adaptation de la société au vieillissement, Michèle DELAUNAY, ancienne ministre des personnes âgées et de l’autonomie a organisé le 9 octobre 2014 une conférence débat sur le thème « transition démographique : un défi majeur du 21ème siècle » qui a réuni plus de 250 personnes à l’Athénée municipal de Bordeaux.
Michèle DELAUNAY ouvre et excuse tout d’abord Paulette GINCHARD, Ancienne Ministre et Présidente de la CNSA, contrainte d’annuler sa participation en raison de problèmes de santé.
Les intervenants de cette conférence-débat sont donc Serge GUERIN, sociologue, Michel LAFORCADE, Directeur de l’ARS et Jean-Jacques AMYOT, directeur de l’OAREIL, l’Université du temps libre de Bordeaux.
Michèle DELAUNAY rappelle en introduction les chiffres clés de la transition démographique : 30 % de la population a moins de 60 ans et nous avons 30 ans d’espérance de vie à la retraite, c’est à dire une véritable 3ème vie.
L’arrivée dans le champ de l’âge des baby-boomers va accélérer encore cette transition démographique qui impacte tous les champs de la société. Elle nous oblige de manière urgente maintenant à l’anticiper et la préparer.
Jean-Jacques AMYOT ouvre son propos en affirmant que la famille est en plein changement, qu’elle est le produit de forces sociales, économiques et culturelles. Pour la grande majorité des personnes, elle est le dernier rempart de sécurité, de solidarité, où les liens sont forts.
Les recompositions de la structure familiale vont modifier durablement les solidarités naturelles et nous obliger à répondre désormais à la question : « qui va s’occuper de qui et en vertu de quoi ? ».
Pourtant, nous sommes dans une pénurie d’aidants en raison de nombreux facteurs comme l’éloignement géographique ou les séparations.
« Le domicile est le lieu à partir duquel je me pense, le lieu à partir duquel j’organise mes liens sociaux ». Le domicile, l’habitat doivent être adapté, les normes handicapées devraient être la règle : le logement n’aurait plus à être adapté tardivement et bien souvent dans l’urgence.
Serge GUERIN rappelle quelques chiffres : nous vivons plus longtemps, l’espérance de vie augmente de 3 mois tous les ans.
Il insiste sur le fait que les personnes âgées contribuent à la société, elles sont des actifs sociaux. 80% des bénévoles actifs sont des retraités.
Pour la première fois, une loi, la loi d’adaptation de la société au vieillissement donne des droits aux aidants, un droit au répit. Les aidants consacrent en moyenne 20h/semaine à la personne qu’ils accompagnent. Leur âge moyen est de 64 ans, celui de la personne aidée 77 ans.
Dès aujourd’hui, les retraités sont des acteurs majeurs de la vie sociale et économique. Un créateur d’entreprise sur cinq a plus de 50 ans et 32 % des maires sont des retraités qui font vivre des territoires.
La transition démographique a partie liée avec la transition écologique car les personnes âgées font durer, conservent plus longtemps leurs objets, recyclent, récupèrent. « La seule abondance qu’il reste est la vie. Elle peut être une chance pour utiliser au mieux les ressources de la Terre ».
Michel LAFORCADE axe son intervention sur le système de soin et de santé. Les conséquences de cette transition démographique vont nous obliger à revisiter l’ensemble de nos modèles sanitaires et médico-sociaux. Tous les hôpitaux ont essentiellement une clientèle gériatrique et les professionnels de santé vont devoir acquérir de grandes connaissances dans ce domaine.
Un cinquième de la population est aujourd’hui atteint d’une maladie chronique comme le diabète ou des maladies cardio-vasculaires ou mentales. Ces personnes, dont le nombre va augmenter, seront dans des parcours de soins.
Nous avons en France un des meilleur système de soins mais un médiocre système de santé. Nous devons engager une révolution de la prévention pour contrer la dépendance.
Nous ne devons pas seulement assurer le soin mais apprendre à notre système de santé à prendre soin. A s’assurer que l’environnement de la personne lui permettra de se soigner correctement. Ce ne doit pas être un « supplément d’âme » mais une condition de qualité du soin.
Les personnes âgées veulent rester le plus longtemps chez elles. Le centre de gravité de notre système médico-social doit donc devenir le domicile. L’EHPAD devra alors être le centre de ressources autour duquel s’organisent les associations d’aide à domicile, les professionnels de santé et où se mettent en place des initiatives tels que les ateliers mémoire ou des conseils en diététiques. Il doit aussi être un centre de ressources pour les aidants.
Le maintien à domicile pose aussi la question de la fin de vie, du développement des équipes mobiles de soins palliatifs.
Il est important de rappeler le rôle essentiel de la « pourvoyance », faculté de donner de soi qui est conservée jusque dans le très grand âge. L’entrée en maison de retraite s’avère souvent être une rupture de la « pourvoyance », de l’utilité sociale de la personne âgée.
Michèle DELAUNAY aborde ensuite l’impact radical de la transition démographique sur l’économie. La Silver Economie, les technologies au service de l’âge, devrait représenter 0,25 % de point de croissance par an ce qui permettra d’assumer toutes les dépenses du grand âge. Cette perspective « dédouanne » les âgés de la culpabilité où on a voulu les enfermer en répétant qu’ils n’étaient qu’un coût et une charge. Ils sont aussi une source de croissance et de création d’emplois (emplois novateurs dans la domotique, l’informatique et l’assistance et plus encore emplois dans l’aide et le soin à la personne).
En conclusion, si nous voulons réussir la transition démographique, nous devons l’anticiper et la préparer à l’échelon individuel, en réfléchissant au lieu où nous souhaitons vieillir, en particulier en terme de lien social mais aussi en aménageant et en adaptant notre logement, à temps, pour en faire « un atout autonomie ».
Sur le plan collectif, il faut de même aménager et concevoir l’urbanisme, les déplacements, en fonction de la part importante d’âgés dans la société et avec l’objectif de leur faciliter la vie. Mais il faut aussi favoriser et valoriser le rôle des âgés dans la société pour qu’ils ne soient pas dans une position de repli qui ne serait sans conséquences démocratiques.
De nombreuses questions ont complété les prises de parole des intervenants.
Saluons la présences des conseillers généraux de Bordeaux , Daniel JAULT, Jacques RESPAUD, Philippe DORTHE et Jean-Baptiste BORTHURY ainsi que de nombreux élus de la CUB.