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L’ordinateur de Saint Expédit

J’ai reçu, depuis que mon ordinateur m’a été dérobé par un espion de l’UMP, de l’ex-KGB ou de la CIA (il faut toujours voir grand), beaucoup de témoignages de compréhension. Qui a vécu et travaillé de longs mois en bonne intelligence avec un ordi sait ce que signifie une rupture brutale qu’aucune brouille, aucune fâcherie ne rendaient prévisible.

Hier soir, un voisin m’aborde, levant les bras au ciel (on va voir que le ciel a beaucoup à faire dans cette histoire) : »Vous avez perdu votre ordinateur ! ».

Je confirme, le voisin compatit. Il faut dire que ce n’est pas un voisin ordinaire : très pieux, père de très nombreux enfants qui à eux seuls forment l’essentiel des convives du repas de quartier de la place Bardineau.

Désireux de m’aider, il a une brutale inspiration : – Avez vous prié Saint Expédit ?

Je reconnais que non, et je l’interroge sur ce saint, dont l’existence m’avait à vrai dire un peu échappé.

– C’est un saint très renommé (sans doute…), très efficace et surtout très rapidement efficace…

On devine qu’il y a un lien entre le nom d’Expédit et le qualificatif « expéditif ». Je ne sais lequel est à l’origine de l’autre, ou plutôt, je ne savais, car c’est bien Expédit qui serait à l’origine d’expéditif. Le Saint homme était par ailleurs un légionnaire romain, prompt à pallier de manière miraculeuse aux divers aléas de la vie militaire.

Mon voisin continue : – Un de mes fils récemment, lors d’une ascencion de la dune du Pyla a perdu un chapelet auquel il tenait beaucoup. Nous avons évoqué et prié Saint Expédit, il est remonté et il l’a trouvé, dépassant à peine du sable..

J’admire tout à la fois que son fils ne grimpe pas la dune du Pyla sans son chapelet, et qu’ils aient eu tous les deux la présence d’esprit d’en appeler à Expédit. J’émets cependant des réserves sur l’engagement du Saint à trouver mon ordinateur. D’abord parce qu’il est probablement plus motivé pour un chapelet, ensuite parce qu’étant donné qu’il connaissait mieux les légions romaines que l’Assemblée nationale et la dépendance où nous sommes de notre ordi, il ne se sentira probablement pas engagé à me secourir.

Mon voisin n’a cure de mes réserves : – Mais qu’est-ce que vous pensez, ils sont plus malins que nous là-haut !

Cela, à vrai dire, je le crois. Il faut être bien avec le ciel pour maîtriser l’informatique qui est toute de magie et de maléfices. Quatre jours quasi-entiers à – trouver un ordinateur tout beau, tout semblable au précédent – convaincre le responsable, qui était seul au magasin, de le remplir de la sauvegarde que j’avais faite en octobre dernier – appeler au secours mes meilleurs copains pour qu’ils réinstallent wifi, wanadoo, flickr upload et tous ces trucs qui ont un nom charmant mais qui sont capables d’être diaboliques – échec côté copains. Robert Lamoureux aurait dit « trois jours après le canard était toujours vivant ». – appel à un technicien, nouvelle demi-journée de souffrance…

.. Et voilà : j’écris ce billet aujourd’hui sur le nouvel ordi, qui semble branché à tout ce qu’il faut pour que le billet parte dans le vaste monde.

Si je pouvais faire une prière, c’est qu’en effet Saint Expédit s’occupe spécifiquement des ordinateurs et n’en démorde plus. Peut-être que, faute de les retrouver, on pourrait plus promptement les rendre opérationnels …

Cinq août

Mon Papa est mort dans cette maison où je suis maintenant il y a neuf ans exactement. La chaleur, le vide, le silence étaient les mêmes, et c’est eux que j’écoute en ce moment, effrayée de la rapidité du temps.

C’est d’une banalité écrasante, mais ce n’est bien sûr pas le temps qui passe, mais la vie elle-même. Dans une émission de France-culture faite uniquement de témoignages de cubains, il y a quelques soirs de là, j’ai entendu revenir à plusieurs reprises ce que je dis et répète sans cesse : chacun n’a qu’une seule vie. Et c’était cela qu’exprimaient les Cubains : voir leur vie passer, avec d’un côté l’absence d’avenir, et de l’autre, s’ils s’exilent, l’impossibilité de revenir dans un endroit dont ils aiment eux-aussi chaque bruit et chaque couleur. Après onze mois d’absence, un Cubain est déclaré déserteur de son pays, perd ses biens et le droit d’y revenir.

Chacun qu’une seule vie, si vite gâchée, si vite passée.

Cecilia, Saïf et les missiles

Eh bien, non, ce n’est pas un réacteur nucléaire destiné à déssaliniser l’eau pour irriguer le désert libyen (voir « la politique racontée aux enfants », en date du ). Pourtant c’est bien d’enfant qu’il s’agit puisque c’est le propre fils du numéro un libyen, Saïf Kadhafi, qui vient de dévoiler -en partie au moins- les coulisses de la libération des infirmières bulgares.

Le charme de Cecilia n’y est évidemment pour rien. Ce qui a su convaincre de chef d’état libyen, c’est un accord militaire sonnant et trébuchant comportant en particulier la livraison de quelques beaux jouets, dont des missiles antichar Milan et une manufacture d’armes clefs en mains. Au passage, on va aussi livrer un agent secret, emprisonné à vie au Royaume Uni pour son rôle dans l’attentat de Lockerbie en 88. Mais voilà qui est plus classiquement dans la tradition James bondienne.

Saïf peut se réjouir plaisamment dans « le Monde » qu’il s’agisse du « premier accord de fourniture d’armes consenti par un pays occidental. Quant à nous, on comprend que Cecilia à son retour se soit éclipsée sans répondre véritablement à aucune question : qu’aurait-elle pu ou su dire ?

Même chose pour Kouchner, resté très sur la défensive lors de son audition devant la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée. Lui aussi a été tenu en dehors des négociations et n’avait pas grand chose à dire.

Ces ratés accumulés, proches de la farce, finiront par faire leur chemin dans l’opinion publique et je suis pour ma part raisonnablement optimiste, que Nicolas et Cecilia contribueront positivement à notre campagne pour les élections municipales.

Rangs de salades et lampions de fête à neuneu

Dominique Santagne, président du port autonome, me faisait remarquer hier que ce n’est pas Bordeaux qui a été classé au patrimoine mondial mais « Bordeaux, port de la lune ». Tout est dit, et en particulier notre obligation d’oeuvrer pour la conservation et pour l’avenir de ce site.

Modeste aspect de cet engagement : la décoration des quais. On ne aujourd’hui peut qu’être affligés par les dernières acquisitions des urbanistes, parisiens sans doute, qui font leurs armes sur nos quais. Les lampions de fête à neuneu qu’ils viennent d’y installer distillent à travers la passoire de grandes boites de conserves métalliques des lumières alternativement mauvasses et verdâtres, sans rime ni raison que de détruire la belle harmonie de l’illumination des façades. Abracadabrantesque, dirait Chirac si quelconque avait encore envie de demander son avis.

Ceci pour la nuit. Le jour n’est guère meilleur : les rangs de salade qui sont supposés verdir les quais sont parfaitement incongrus dans cet espace fait pour accueillir des bateaux, ou au moins parler d’eux même quand il n’y en a guère. Quel crâne d’oeuf a fait ce choix jardinier dans un site fait pour évoquer l’aventure et le grand large ?

Je fais au contraire amende honorable concernant le « miroir d’eau » qu’un de mes amis appelait avant sa réalisation « la flaque à moustiques » . Il ne sert en rien de miroir tant la foule s’y presse et en mouvemente la surface. Les enfants courrent, les chiens jouent et s’ébrouent, les bordelais s’étendent nonchalamment sur son pourtour. Tout cela n’est peut-être pas follement hygiénique, mais c’est un lieu de bonheur et de détente, détourné de son objet et finalement très réussi.

Pour les rangs de tomate et les lampions, j’aurai beaucoup plus de mal à me laisser convaincre.

Nuage

Il fait déjà nuit. Août commence à avaler par longues gorgées vespérales notre temps de lumière. J’écris ce billet d’un ordinateur ami, émerveillée malgré tout que le blog soit toujours là, comme un vaste écran blanc que personne ne pourrait effacer ni dérober. Pendant ce temps mon ordi à moi est dans une maison inconnue, pour un destin inconnu, et je me sens presque coupable de le savoir si loin et sans moi. C’est une de mes faiblesses de considérer quelques objets comme des aide-à-vivre et de leur prêter une âme, enfin quelque chose qui y ressemble de très loin.

Journée bordelaise partagée entre plusieurs rendez-vous, l’aménagement du camp de base de mes bureaux parlementaires (20 rue Saint-Laurent) et une longue visite au Grand Parc où un curieux incendie nocturne a endommagé quatre magasins du centre commercial déjà bien malmené par une réhabilitation hâtive, médiocre, ni faite ni à faire, qui n’est d’ailleurs peut-être pas totalement étrangère au court-circuit qui semble à l’origine des dommages. Résultat : quatre boutiques fermées pour un temps indéterminé alors qu’elles essayaient de maintenir vie sociale, activité et bien sûr, commerce de proximité au coeur du quartier.

Avouons-le, j’ai comme un léger nuage de cafard dont je n’arriverai pas à sauver la tonalité de ce billet. Je l’interrompt pour mon remède habituel : faire des choses nécessaires, pas grandioses, mais qui au moins seront faites. A tout de suite. Peut-être.

Suivi et Infogérance par Axeinformatique/Freepixel