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Prisons : les « pénitentiaires » interpellent le gouvernement

Il y a dans le mouvement des gardiens de prison deux points qui méritent d’emblée mention :

– Contrairement à l’image hâtive que l’on pourrait avoir d’eux, les gardiens ne manifestent d’aucune façon en opposition aux détenus. Je viens de recevoir leurs représentants. Tous insistent sur le fait que la difficulté de leurs conditions de travail aggrave celle des détenus et qu’à l’inverse, un supplément de personnel permettrait de rendre la vie en prison plus conforme aux directives européennes et à la simple humanité.

– Les forces de l’ordre ont été dépêchées dans certaines maisons d’arrêt contre leur mouvement. Curieux pays où les forces de l’ordre interviennent contre les forces de l’ordre !

Aucun de ces deux points n’est anecdotique. Revenons sur le premier.

Dans chacune de mes visites à Gradignan, comme aux responsables de l’administration pénitentiaire, j’ai été frappée par le souci que tous avaient d’améliorer la situation des détenus et de pouvoir appliquer correctement les prescriptions européennes (encellulement individuel des condamnés, lien téléphonique avec les familles…), de même que de rendre possible des améliorations circonstancielles comme l’allongement du temps de promenade quand la chaleur de l’été rend insupportable la vie en cellule.

Le problème est que la moindre action positive correspond à un supplément de charge auxquels les gardiens et l’administration ne peuvent le plus souvent pas répondre.

Gradignan aujourd’hui abrite 760 détenus pour 400 places (et en plus 100 « PSE », c’est à dire condamnés sous bracelet électronique). L’ouverture de la prison de Mont-de-Marsan n’a permis que le transfert de 50 détenus, n’amenant aucunement le « désengorgement » promis par la Ministre Rachida Dati lors de sa visite il y a un an.

La mise à disposition d’un contact téléphonique pour les 300 condamnés (par opposition aux « prévenus ») qui occupent le 4ème étage du bâtiment de Gradignan a obligé au transfert de trois personnes au courrier et au standard (définition pour chacun des numéros accessibles, contrôle…). Ces trois personnes manquent dans les autres postes.

Les gardiens sont contraints d’accepter les heures supplémentaires imposées par le manque de personnel. Ils en font en moyenne 20 à 25 heures par mois, s’ajoutant à leurs 157 heures réglementaires. Ils ne bénéficient d’un week-end entier qu’une fois par mois.

Ces quelques données pour montrer qu’en un an, malgré les promesses du gouvernement, l’agitation de la Ministre, les efforts du personnel, la prise de conscience de l’opinion et la mobilisation de beaucoup d’élus, parmi lesquels je me compte, la situation n’a guère progressé.

Et un nouvel été, rendant la détention, la promiscuité plus intolérables encore, la tension et le risque de violence plus preignants, approche. Nous sommes toujours au même point.

Pique-nique au pédiluve

Le défilé du 1er mai a convergé pour notre groupe de militants au miroir d’eau, le mal nommé. Manière, dirait le Maire de Bordeaux, de rendre hommage à son oeuvre. Manière en réalité de célébrer l’esprit malin qui a complètement détourné ce « miroir » de son objet. La lisse surface où la ville était censée se contempler, comme l’histoire du haut des pyramides, est devenue une piscine mono-moléculaire pour les pieds des enfants, les roues des skates et les pattes des chiens. On patauge, on déjeune, on bronze, on s’éclabousse sans façons, ni manières, dans un désordre social qui n’était sans doute pas inscrit dans la conception de Monsieur Corajoud.

J’ai employé intentionnellement, avec un peu de malignité, le mot « désordre » social. Une voisine de ma permanence m’a abordée il y a quelques jours: « Ces quais, décidément, ce n’est pas si mal, si ce n’était cette place de la bourse, défigurée… Avez-vous vu ce qui s’y passe ? Des vélos, des loubards, des gens déshabillés, vautrés ! On mange, on boit ! »

C’est vrai qu’on boit un peu trop la nuit, mais ce n’est pas à l’instant le sujet. En bonne politique, j’essaye de trouver entre elle et moi, le meilleur dénominateur commun. Pour les apprentis en politique -que je suis encore, mais pas sur tout.. – je me permets un conseil éprouvé : il y a deux sujets qui passent partout et qui n’obligent à trahir aucun engagement de fond : la santé et les enfants.

Donc, j’embraye sur le second : « Mais c’est un bonheur pour les enfants ! Vous savez comme moi, combien ils aiment les jeux d’eau ! Quel spectacle ravissant de les voir jouer et taper de leurs petites mains quand ils soulèvent autour d’eux une broderie de gouttelettes ! »

Comme d’habitude, ça marche. Quelle maman, même au coeur du XVIème (arrondissement, pas siècle), qui a vu son bambin taper dans l’eau de son bain, pourrait réfuter qu’il aime l’eau ?

J’apaise donc mon interlocutrice, qui entre-temps avait dénoncé les hordes descendant de la rive droite. Elle convient que les enfants sont heureux. Pour les adultes, il n’y a pas d’espoir de la convaincre, mais ce n’était pas l’objet de l’entretien.

Je reviens à notre pique-nique. Le temps n’était pas clément, le joyeux groupe de militants socialistes (« socialiiistes ! » aurait dit ma voisine) était moins nombreux que s’il avait fait le temps de rêve de ce matin de dimanche. Mais le style y était ! Ma voisine aurait été contente.

Un de nos amis fêtait de cette manière débonnaire son cinquantième anniversaire. Un autre, de Caudéran, y venait dans cet esprit joyeux et frondeur que j’aime tant. Nous avons donc pique-niqué (en évoquant à plusieurs reprises soeur sourire et Dominique-nique-nique), sablé le champagne en l’honneur du cinquantenaire de notre ami. Quelques-uns (que je condamne, pour la forme) ont fumé un cigare. Une boite de caviar aquitain a été ouverte pour l’ensemble de la troupe.

Et nous avons décidé que l’an prochain, si le temps était plus clément, nous amènerions des chandeliers, comme les aristos pique-niquant avec valets et malles d’osier sur le terrain de course d’Ascott.

Chiche que ma voisine nous rejoindra…

Manif’

Ceux qui ont partagé le défilé du 1er mai 2008 en ont tous convenu : la mobilisation, l’ardeur, l’atmosphère du 1er mai 2009 étaient multipliés par 10. Et ceci malgré le temps grisounet, la pluie qui toute une partie de la matinée a paru vouloir s’imposer, et le long weekend que ce vendredi férié ouvrait.

Tant mieux. Je ne suis jamais contente et j’aurais aimé une ville plus encore envahie, soulevée, aspirée dans un même élan.

J’aime assez les manifs. A ma manière à moi, sans doute, et pour cet « être ensemble » qui donne aux ciels les plus grisâtres, à l’asphalte le plus dur, une énergie particulière. La communauté des humains se retrouve pour faire quelque chose d’apparemment idiot : quelques kilomètres de marche entre un endroit où on n’a rien à faire vers un endroit où il n’y a rien à voir.

C’est cette vacuité apparente qui donne leur force aux manif’s et aux défilés : on est là, sans utilité personnelle, sans curiosité particulière pour des rues, pour un trajet, habituellement toujours plus ou moins les mêmes. On est là, pour dire et pour être ensemble.

La revanche éternelle des riches contre les pauvres

C’est à une nouvelle scène de ce scénario, éternellement rejoué, que nous assistons aujourd’hui à l’Assemblée, à l’occasion de la deuxième séance d’ « initiatives parlementaires » où nous déposons trois propositions de loi.

Trois propositions de justice sociale sont mises en débat :
1-Proposition « Hauts revenus et solidarité » centrée sur l’abrogation du bouclier fiscal, la suppression des stock options hors de certaines conditions, des parachutes dorés, et imposant la transparence des rémunérations des dirigeants d’entreprise ainsi que leur plafonnement entreprise par entreprise.

2- Proposition « augmentation des salaires et de protection des salariés et des chômeurs

3- Abrogation du « délit de solidarité »

Je reviendrai sur ces textes, tous et en particulier les premiers de haute actualité dans le contexte de crise qui est le nôtre : augmentation du chômage de 25 % en un an, et de 25% en trois mois pour les jeunes, perte d’un emploi par minute… Comment peut-on imaginer que l’effort qui est demandé aux Français, que la solidarité qui s’impose envers ceux qui sont touchés de plein fouet, puissent être compris et acceptés en dehors d’un contexte d’équité sociale ?

Comment peut-on imaginer que seuls les plus hauts patrimoines soient exemptés de tout effort ? Comment peut-on supporter qu’entre le salaire d’un dirigeant et celui d’un salarié au smic, il puisse y avoir un facteur 1000 ? Est-ce qu’il n’est pas de toute urgence de donner des signes de cette urgente obligation d’équité ?

Au lieu de répondre avec nous à ces interrogations, la majorité ump a consacré la matinée a faire feu d’arguties procédurières pour échapper au débat. Motion d’irrecevabilité présentée par Jean-François Copée, puis retirée, réservation de vote par le gouvernement, je n’explique pas le détail de ces procédures, l’objectif était de dédouaner les députés majoritaires du débat et de leur permettre de se soustraire au débat. Et de fait, la presque totalité d’entre eux ont quitté l’hémicycle avec un flegme méprisant qui ne peut que susciter en retour le mépris.

De fait, la majorité est en situation de faiblesse sur tous les sujets que nos propositions de loi abordent. Ils n’ont aucune réponse acceptable aux questions que je posais précédemment. Salaires de dirigeants d’entreprises bénéficiant d’aides publiques augmentant de 150 % quand on refuse une augmentation du smic de 0,3%, politique de défense du pré carré non seulement des riches, mais des très riches, elle ne peut ouvrir la bouche sans s’accuser.

Ainsi, nous débattons en face de quelques députés épars et de la Ministre, Mme Lagarde, laissée pratiquement seule face à nos questions et à nos propositions, ce qui manque sacrément de courage et d’élégance. Les options de la Ministre sont loin d’être les nôtres, mais elle répond face avec constance, sérieux et dignité.

Ce mépris d’un débat essentiel, concernant la base même de notre pacte social, a quelque chose d’insolent, de malsain, de décadent. Nous demeurons presque entre nous, sur les bancs de la gauche, nourrissant de l’expertise de beaucoup et de l’engagement de tous les présents, un débat que nous voulons au contraire respectueux de ceux qui souffrent et digne de ce que l’on doit attendre de la représentation nationale. Son contenu sera dès demain disponible sur le site de l’Assemblée et il m’apparaît que nous n’avons pas à en rougir.

Défense de l’hôpital public

Hier, 75% des médecins de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris étaient en grève, et un grand nombre manifestaient. Ce fait est sans précédent.

Nous avons auditionné ce soir à l’Assemblée trois des leaders de la fronde des hospitaliers. Trois médecins chefs de service de spécialités et de sensibilités différentes ; tous les trois attachés au service public hospitalier et décidés à le défendre.

Leurs inquiétudes, leurs arguments, sont ceux qui ont été développés dans maints billets de ce blog ; nous leur avons fait part de notre regret de ne pas les avoir vus mobilisés au cours des dernières semaines, quand nous étions sur le front à l’Assemblée. L’interrogation (voir billet précédent) demeure partiellement sans réponse. L’essentiel est aujourd’hui que notre bataille est totalement convergente. Il lui reste à être efficace.

Le premier pas est d’obtenir la levée de l’urgence. Petit cours abrégé de pratique parlementaire : la procédure d’urgence permet de ne faire qu’un passage des projets de loi dans chacune des assemblées. Pratiquement tous les textes sont désormais passés sous ce régime, sans la moindre justification. Si l’urgence est levée, le projet reviendra à l’Assemblée après son passage au Sénat et pourra être correctement revu et amendé.

L’objectif principal est en effet que le texte soit revu sur les points suivants : – abandon de la convergence tarifaire public-privé (c’est à dire définition de deux « ONDAM » différents pour le public et le privé, qui n’ont pas les mêmes charges)
– maintien des services, structure de base de l’hôpital, regroupés en département selon une logique médicale (spécialités complémentaires et synergiques) et non suivant une logique de gestion
– responsabilité du projet médical (détermination des pathologies méritant un effort particulier) rendue à la communauté médicale
– maintien du statut de service public hospitalier

Dans cet objectif, conforme à ce que nous avons défendu en séance (synthétiquement résumé ici), les médecins vont créer une association de défense du service public hospitalier et ont mis en balance leur démission massive s’il n’est pas atteinte.

Espérons que le gouvernement en prendra acte et en tirera conséquence.

Suivi et Infogérance par Axeinformatique/Freepixel