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La valeur éducative de la digitale pourpre

Je parlais dans le billet ante-penultième (c’est un mot qui m’a toujours fait rire, mais on verra qu’il a un lointain rapport avec le sujet de ce billet) de ma riche journée d’hier samedi 31 mars. Toutes mes rencontres furent centrées sur l’éducation et l’instruction, sous des jours bien différents, et je veux parler de l’une de ces rencontres.

Elle a eu lieu à l’issue du « Forum des métiers », belle initiative des structures enseignantes du nord de Bordeaux qui se tenait au lycée Condorcet. Un lycée qui porte le nom de Condorcet ne peut qu’avoir mon amitié, mais dans le cas il l’a trois fois : outre ce nom, il se situe dans « mon » canton (« Grand Parc-Jardin Public ») et il bénéficie de la conjonction enjeu de mixité scolaire/engagement des enseignants qui fait de l’ « Ecole », la clef d’un des problèmes majeurs de notre société.

La digitale pourpre parait loin. Elle ne l’est pas. L’enseignement est une chose merveilleuse, qui ne s’interrompt pas, qui coule au travers des générations et des personnes, qui se transmet et se renouvelle et dont on retrouve la trace, comme celle d’une racine d’arbre qui émerge de la terre, là où on l’attend le moins.

Une enseignante m’aborde à l’issue du forum. « Je voulais vous raconter une histoire qui m’a beaucoup marquée … Je savais que j’aurais l’occasion de vous en parler un jour ».

L’introduction était mystérieuse, j’ai été tout de suite captivée. On a compris dans ce blog que j’adore les belles histoires, surtout quand elles sont vraies.

Cette enseignante me raconte qu’un des enseignements qu’elle a reçu elle-même l’a accompagnée dans toute sa vie professionnelle et personnelle : l’importance du langage, dans son insondable étendue, dans sa merveilleuse diversité.

Je me suis souvenue d’un billet récent où je disais « Ce n’est pas l’idée qui appelle les mots, mais les mots qui font surgir les idées ». Elle partageait la même conviction.

Elle-même (mon enseignante de Condorcet) avait reçu une part de sa formation d’une enseignante plus âgée, qui tenait elle-même le précepte que je vais dire d’une autre enseignante… Je précise cela pour bien montrer que l’enseignement, comme la culture, comme la pensée, est une balle qui se transmet de mains en mains au travers du temps et de l’espace.

L’enseignante « au carré », si je peux dire ainsi, lui avait appris qu’une des grandes règles, à l’école comme dans sa famille, était de veiller à la variété et à la richesse du vocabulaire. « Quand vous parlez aux enfants des couleurs, par exemple du rouge ou du rose, en désignant des objets, montrez leur bien l’infinie variété de ces deux tons : ce velours est cramoisi, cette fleur est vermillon, cette rose est en réalité mauve, ce fuchsia a justement donné son nom à la couleur fuchsia… Apprenez leur à voir et à nommer. Leur cerveau se développera pour autant qu’ils auront la capacité de voir, et ils ne verront que pour autant qu’ils auront la capacité de dire… ».

Ca parait compliqué comme ça, mais faites l’expérience : vous ne vous souvenez que des parfums que pouvez nommer. Et tant d’autres choses ainsi.

Mon enseignante de Condorcet m’a dit : j’ai appliqué cette connaissance à tous les domaines de la vie. Ensemble, nous avons convenu qu’une part de la violence des jeunes « défavorisés » étaient due au fait qu’ils ne savaient pas nommer, ni exprimer leur détresse, ni tout ce qui la causait.

Elle a ajouté : « je crois qu’un des mes plus grands plaisirs de maman, a été quand ma fille, encore très petite, m’a dit en regardant une plante haute sur sa hampe et bien colorée : « Regarde, c’est une digitale pourpre ! »

Je crois que dans les trois ou quatre cent billets de ce blog, je ne lui ai jamais rendu hommage. L’enseignante « au carré » qui avait transmis ce précepte à l’autre enseignante dont mon professeur de Condorcet l’avait reçu, c’était ma maman à moi. Cette évocation m’a beaucoup touchée, tout simplement parce que je n’avais jamais aperçu que la diversité du vocabulaire put être un précepte pédagogique ; j’avais reçu moi aussi ce précepte tout simplement sans le savoir.

Avec le recul du temps, grâce à cette conversation, je découvrais quelque chose dont on m’avait instruit et que pourtant je n’avais pas eu à apprendre. La quintescence de l’éducation en somme.

Permanence électorale : 32 rue Nancel Pénard

Le mois d’Avril commence bien : la permanence électorale de la deuxième circonscription de Bordeaux est ouverte !

L’adresse : 32 rue Nancel Pénard, entre la place Gambetta et le cours d’Albret, à deux pas de l’arrêt de tram. Tel 05 56 44 60 50

Merci à tous ceux qui, pots de peinture, pinceaux, clous et balais en mains, ont oeuvré pour qu’elle soit une belle permanence. Et merci à ceux qui y sont présents tous les jours pour vous accueillir .

Cette adresse est la vôtre.

Education, instruction, école …

Education, instruction, enseignement, école … Bien sûr ces mots ne sont pas synonymes, et l’évolution des dénominations du ministère qui les régit l’a demontré au cours des décennies précédentes : de l’ « Instruction Publique » à l’ « Education nationale », puis à l’ « Education » tout court, les idées ont évolué, les pratiques aussi, mais l’importance décisive du sujet n’a fait que grandir en ampleur.

Tous ces mots m’ont accompagnée, dans leur variété au cours de ma très riche journée d’aujourd’hui : ce matin au lycée Condorcet pour le « Forum des métiers », dans plusieurs conversations aujourd’hui et ce soir à l’occasion d’une rencontre de quartier. Il est tard, je ne parlerai que de la dernière rencontre.

Une enseignante (elle se reconnaitra et ajoutera si elle le souhaite son commentaire) m’a rappelée que Ségolène Royal lorsqu’elle était au ministère de l’Education avait avancé la proposition d’une « fête de rentrée scolaire« . L’idée a fait son chemin dans la tête de mon interlocutrice et cette fête a lieu à chaque rentrée dans l’école maternelle dont elle est la directrice.

Aux premiers jours de la rentrée, dans ce quartier où la population est très mélangée, les parents sont invités à une fête de rentrée qui a lieu à 16 h 30, à la fin de la classe. Chacun apporte un panier de goûter, les enseignants composent des boissons fruitées, on dresse les tables, on se parle, on fait connaissance. Les enfants sont célébrés et fiers d’entrer dans ce beau lieu, de compter désormais parmi les écoliers et d’être admis, comme des grands, à apprendre, à partager, à être ensemble.

La fête se déroule toujours bien. Des liens se tissent entre les parents : l’un propose d’attendre l’enfant de l’autre le lundi, l’autre dit qu’il le fera volontiers le mardi, qui est son jour de congé.. On échange et on partage, tout le monde est valorisé et les enfants sont très fiers d’être au centre de tous ces projets et ces conversations.

Plus fiers encore de cette belle entrée en matière qui valorise « l’instruction ». Ils ne l’oublieront pas : rentrer à l’école est une fête, aller à l’école une chance, l’école elle même un lieu où l’on compte.

L’idée, puis le récit de cette « fête de rentrée scolaire » m’ont rendue si réjouie que j’ai eu envie de la raconter à mon tour dès mon arrivée devant mon ordi. Dans cette seule journée, j’ai appris plusieurs de ces belles histoires vraies, simples et concrêtes, qui donnent envie de continuer..

« Ces résistantes des temps modernes »

L’expression est de Bertrand Delanoë lors de son récent meeting à Floirac. Quatre ouvrières d’Arena sont venues témoigner, au moment où elles perdaient leur emploi pour cause de délocalisation, de leur attachement à l’entreprise, de leur fierté, de leur plaisir à travailler ensemble depuis si longtemps. Mais aussi de leur salaire modeste et de cette brutale interruption dans leur vie que constitue la fermeture de l’entreprise Girondine.

Laure Manaudou, pourtant toute jeune et que l’on pourrait croire enivrée de la suite de ses victoires, leur a rendu hommage aujourd’hui. Elle porte le maillot Arena, et aujourd’hui, à sa manière, elle en a fait un drapeau.

Solidarité, solidarité féminine aussi très certainement, et je me réjouis qu’elle ait eu ce geste pour ces femmes moins chanceuses, mais comme elle, laborieuses, appliquées, volontaires.

Kafka, la petite fille en pleurs et la poupée

Une dame, très gentille et de bonne allure, m’a abordé ce soir « sur le terrain » alors que je me rendais, tracts en mains, sur le lieu de notre forum présidentiel, au coeur du Bordeaux. Je reparlerai du forum, je ne veux parler que de la dame. « Pourquoi ne nous donnez-vous plus de « notes de lecture » dans votre blog, pourquoi ne nous parlez-vous presque plus de littérature ? »
Et elle a ajouté « c’est ce que je préférais dans votre blog ».

L’imparfait m’a fait une petit pincement au coeur. J’ai expliqué qu’au plus fort de la campagne présidentielle, le temps n’était peut-être pas à parler de belles-lettres. En écrivant cela, il me revient un vers très pompier de Lamartine, engagé dans l’action politique
 » »Ami le temps n’est plus où j’écoutais mon âme
Se plaindre et s’alarmer comme une pauvre femme.. »

On était quelque part autour de la révolution de 1848. Lamartine a fait de meilleurs vers ; à vrai dire, pas tant que ça, mais je me laisse encore mener là où je n’avais aucune intention d’aller… Cette dame, malgré sa dernière phrase, m’a fait le plus grand plaisir : j’adore raconter des histoires et parler de ceux qui en parlent, et je m’aperçois que je ne l’ai pas fait depuis des mois…

L’écrivain Franz Kafka était à la fois beau garçon (à l’exception d’oreilles trop décolées, façon Bayrou), drôle, spirituel et charismatique. Personne ou presque n’en a la moindre idée : c’est toujours une image sombre et inquiète que l’on donne de lui. Les gens sérieux et les experts en littérature ne regardent souvent qu’un côté du miroir et Kafka avait la gaieté, l’humour et la gentillesse des grands inquiets.

Mais je tourne un peu autour du pot : c’est difficile d’écrire une histoire sur Kafka. C’était un écrivain tellement incroyable, qu’on se sent un peu intimidé.

J’essaye pourtant… Kafka rencontre un jour dans un parc public une petite fille qui pleurait à chaudes larmes. La petite fille paraissait totalement désespérée. Kafka va vers elle et l’interroge : elle avait perdu sa poupée, la plus belle poupée qui soit et personne n’avait pu la retrouver.
-« Mais non, ta poupée n’est pas perdue.. Elle est juste partie en voyage, et d’ailleurs elle a écrit une lettre, tu ne dois pas t’inquiéter ».
La petite fille le regarde, pas très convaincue :
-« tu l’as, la lettre ?.. »

Non, Kafka, n’avait pas la lettre, mais il l’apporterait demain. Promis. Demain, ici, juste à la même heure.

Et Kafka rentra aussitôt chez lui et commença d’écrire la lettre. Avec la même application intense qu’il écrivait toute chose. Il fallait que la petite fille soit consolée par la beauté de l’histoire et que le mensonge devienne cette drôle de vérité qu’est la fiction romanesque.

La poupée écrivait qu’elle avait voulu voyager et qu’il lui fallait, à son âge, s’éloigner un peu de la famille aimante où elle vivait. Elle n’oubliait pas la petite fille, elle pensait à elle, elle lui écrirait tous les jours, mais c’était normal qu’elle découvre aussi un peu le monde. Rien que de très raisonnable, en effet, pour une poupée qui avait été très bien élevée.

Kafka courut le lendemain apporter la lettre à la petite fille. Chaque jour, pendant plusieurs semaines, il écrivit une nouvelle lettre et chaque jour donna rendez vous à la petite fille pour lui lire la lettre. Elle avait désormais complètement oublié la perte de sa poupée et elle n’était plus que fascinée par la relation que la poupée lui faisait de sa nouvelle vie, de toutes les personnes intéressantes qu’elle était amenée à connaître et de tous les enseignements qu’elle lui communiquait.

Après de nombreuses lettres, Kafka ressentit beaucoup d’angoisse à l’idée d’interrompre l’histoire et de devoir trouver une fin qui pourrait se prolonger sans blessure dans l’imagination de la petite fille. Il résolut de marier la poupée. D’abord, il présenta le jeune homme, puis il raconta le mariage et il expliqua qu’ils étaient tous les deux (la poupée et son jeune mari) bien loin, qu’ils pensaient très souvent à la petite fille, mais qu’ils devaient pour un temps, le temps d’avoir eux aussi une famille, renoncer à la voir.

Il ne faut surtout pas que cette histoire ait une morale parce qu’en réalité elle n’a pas vraiment de fin, ni de conclusion, comme toutes les histoires de Kafka, et sa vie même. C’est simplement une histoire merveilleuse à raconter au moment de s’endormir.

Suivi et Infogérance par Axeinformatique/Freepixel