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Brèves de terrain

Il y a les « brèves de comptoir » et maintenant les brèves de terrain. Pas toujours drôles, mais presque toujours instructives. Hier, entre les étals du vide-grenier de Bordeaux, beaucoup de rencontres plaisantes, d’autres un tantinet moins avenantes. Des « Merci Madame » pointus, quand nous proposions une invitation au meeting de Ségolène Royal. Le « Merci, Madâme », prononcé avec une légère césure entre « merci et madame » et une retombée très savante de la voix sur les deux dernières syllabes de « Madame », est très caractéristique de certains quartiers de Bordeaux. A sauvegarder sans hésiter au titre des langues régionales minoritaires.

Je ne m’offusque jamais, puisque la phrase est en réalité fort polie, mais connaissant mon monde, je n’hésite pas à répondre un peu du même ton et en particulier à prononcer « Madame Royale », en levant au contraire la voix sur les dernières syllabes, comme faisaient les courtisans en s’adressant à la fille ainée du roi Louis Louis XV qui était décorée de ce beau nom.

Bourdieu l’a dit déjà : la distinction est un art subtil et tout d’amusements*.

Devant un stand, même proposition d’invitation à un homme qui nous accueille au contraire fort bien. « Pour le le premier meeting de Sarkozy, nous étions 600, vous entendez bien 600 policiers, pour assurer sa sécurité ! On n’avait jamais vu ça. Sûr, qu’il n’aura pas les voix de tous les policiers… »

Ils étaient parait-il 60 autour de sa villa du Pyla pendant toute la durée de son séjour. Je n’ai pas vérifié cette information, si elle est juste, elle n’a pas besoin de commentaires.

Une amie, un poil morpionne comme le sont en général mes amies, m’a dit qu’elle n’avait jamais nagé au Pyla entourée de tant de garçons baraqués… Rien n’est jamais tout à fait mauvais !

Moins drôle : une dame d’une quarantaine m’interroge : « Et que ferez vous pour moi ? Si la réforme Fillon s’applique, mon mari arrivera un mois trop tard pour avoir ses trimestres. Il a commencé à quatorze ans et depuis il n’a pas cessé de décharger des camions. Il est cassé, je vous le dis cassé ». La discussion s’est prolongée, nous avons bien montré que la pénibilité devait et serait prise en compte. En voyant l’adresse du blog, elle m’a fait promettre de l’écrire. C’est fait : la pénibilité du travail sera prise en compte.

D’autres rencontres (assez souvent) « Ah, Madame Delaunay ! Vous avez soigné ma belle-soeur en 1972.. Vous étiez interne, vous vous en souvenez ? ». Je demande quand même « Vous voulez bien me rappeler son nom.. » « Madame Lalanne, d’Hagetmau ».

Madame Lalanne, d’Hagetmau, en 72 .. Mais bien sûr !

Le terrain, c’est chouette, chalheureux, détendu. De nombreuses images du photoblog en témoignent. Les « Merci, Madâme » étant de très loin minoritaires, nous en revenons avec une certaine lourdeur des pattes arrières mais toujours de bonne humeur.

Comme je mets toujours mes arrière pensées clairement en avant, j’ajoute : venez avec nous !

  • C’est pas tout à fait ce que Bourdieu a dit, mais c’est ce qu’il a pensé.

Perrens et les Oqos

Au coeur de la semaine de la santé mentale, nous avons tenu ce matin le Conseil d’Administration de l’hôpital Charles Perrens. Je suis présidente de ce Conseil d’administration et je ne le signale que pour exprimer combien j’apprécie cette fonction. La psychiatrie est une des plus belles spécialités de la médecine. Il y a dans l’immatérialité (apparente) de ses signes quelque chose de fascinant, et la rencontre des troubles du comportement, de l’intelligence, de tout ce qui fait que l’homme est homme et de la possibilité de soigner et de guérir prend une dimension particulière.

Ce que je dis là n’est peut être pas très clair. Toutes les maladies, le moindre petit signe, cachent un abime d’inconnu (une papule sur la peau, une tumeur dans le pancréas..) ; dans le plus petit signe comme dans le plus grave, il y a, malgré toutes les avancées de la science, plus de choses que nous ignorons que de choses que nous comprenons. Mais l’inconnu parait moins insondable quand on peut le toucher, le mesurer, l’analyser sous le microscope. Une part de la psychiatrie échappe à cette possibilité d’analyse, malgré les progrès de l’imagerie, de la pharmacologie et de tas d’autres beaux mots en -ie. Pourquoi un homme est-il emmuré dans son mutisme, pourquoi un autre perd-il le sens commun (comme on dit), pourquoi un autre encore sombre-t-il dans l’abime du cafard ???

Je ne voulais parler de rien de tout cela en commençant : l’écriture est une curieuse amie, qui vous emmène où elle veut et quelquefois vous plante en rase campagne sans possibilité d’aller plus loin.

Je reviens à Charles Perrens. Tout le monde ou presque sait que Perrens est « le Centre Hospitalier Spécialisé » en psychiatrie de Bordeaux, le plus important de la Gironde avec le CHS de Cadillac. Perrens fait aussi partie du Centre Hospitalier Régional et de l’Université de Bordeaux II par ses services hospitalo-universitaires.

Les « Oqos » ont soulevé au Conseil d’Administration une discussion de fond. Les Oqos ne sont pas une famille grecque immigrée qui poserait des problèmes au directeur en dansant le sirtaki devant ses bureaux. Les O.Q.O.S. sont un (de plus) de ces sigles imbécilles qui n’ont pas d’autre but que de planter le citoyen moyen et de lui rendre incompréhensibles les moindres rouages de l’administration. Les Oqos sont les Objectifs Quantifiés de l’Offre de Soin. En un mot les perspectives budgétaires des années à venir.

Pourquoi les Oqos sont-ils si importants ? Parce que si on les dépasse, l’établissement sera sanctionné (c’est à dire privé d’une fraction de ses moyens).

Les Oqos sont calculés sur l’activité en cours, en autorisant par pure générosité un volant d’augmentation annelle de +2,5%. J’espère que vous suivez… Je l’exprime autrement : si dans 4 ans, 10% de personnes en plus ont besoin de soins psychiatriques, l’hôpital verra ses moyens DIMINUER.

Vous croyez avoir mal lu et vous avez raison de ne pas comprendre du premier coup. Tout individu sensé penserait que si les besoins en psychiatrie augmentent, les moyens devront aller de pair.

Or les besoins en psychiatrie augmentent, et c’est d’ailleurs de cela que je voulais vous parler en commençant .

Ils augmentent – parce que la population augmente à Bordeaux et en Gironde
– parce que des pathologies qui n’étaient autrefois pas prises en charge par la psychiatrie le sont aujourd’hui, en premier lieu desquelles l’anxiété et la dépression
– parce que certaines pathologies augmentent en fréquence en population constante : la dépression, certains troubles du comportement, les troubles psychiatriques infanto-juvéniles

Sur ces divers domaines, Perrens est en pointe et ses médecins y ont une expertise reconnue. Pour l’ensemble de ces raisons, nous avons voté contre les Oqos. Nous avons voté, pour l’exprimer autrement, contre une planification purement budgétaire de pathologies qui ont, pour certaines d’entre elles, une part sociétale que nous ne maitrisons pas.

On ne peut limiter les besoins de la psychiatrie (et de plusieurs autres spécialités) sans se donner parallèlement les moyens de la maîtrise et de la prévention de la part évitable des maladies qu’elle soigne.

Ce billet n’est pas « sexy », comme on dit volontiers maintenant. Plusieurs phrases sont quasi-imperméables à la première lecture. Mais j’ai essayé de ne pas tomber dans une simplification un peu raccoleuse.

Vivement que nous ayons un ministère de la Santé qui s’occupe vraiment de la santé, c’est à dire de la prévention, et pas seulement de la maladie, du déremboursement des médicaments et des honoraires des médecins

DSK dans la deuxième circonscription

Hier soir à l’Athénée municipal de Bordeaux, Dominique Strauss-Kahn et Gilles Savary pour ajouter leur souffle et le poids de leur conviction à la double campagne -présidentielle et législative- que nous menons à Bordeaux et dans la deuxième circonscription.

Double campagne pour un double enjeu puisque nous sommes, dans cette ville, affrontés au premier lieutenent de Nicolas Sarkozy, candidat non démenti au poste de vice-premier ministre à l’environnement. Il n’est pas exclu qu’Alain Juppé ne soit lieutenant qu’à son corps défendant, et que la situation inverse l’aurait satisfait davantage. Mais Nicolas Sarkozy l’avait annoncé, en parlant de ses concurrents au sein de l’UMP : « je les dévorerai tous ». Il l’a fait.

Double enjeu aussi, parce que nous sommes dans une ville qui appartient depuis 60 ans à la droite. Est-ce que nous accepterons plus longtemps que NOTRE ville qui est aussi la ville de Montesquieu pulvérise tous les records dans le déséquilibre des pouvoirs ?

DSK, venu soutenir avec son exceptionnel talent pédagogique, la campagne présidentielle et ma candidature. Il s’est engagé avec beaucoup de chaleur sur la nécessité d’un équilibre des pouvoirs et d’une alternance à Bordeaux . Le journal Sud-Ouest n’a pas jugé nécessaire de rendre compte de cet engagement pour notre ville.. Ce fut la même chose à l’occasion de la visite de Bertrand Delanoë sur le terrain. Un journaliste était pourtant présent dans ce long périple que nous avons fait de Tourny à Saint Michel. Aucun écho dans les pages du journal. C’est pour moi une véritable interrogation.

Huit cent personnes étaient présentes hier pour écouter, partager, vivre ensemble ce tournant décisif de la campagne. Les indécis demeurent nombreux, tout va se jouer dans ces dernières semaines.

Churchill et les trois cent fromages

Trois convives hier, au repas du soir. Le repas du samedi soir est à la maison, le plus souvent, un moment de récréation et de discussion. Trois convives donc, autour d’un repas « simple mais savoureux » où M. Picard, surgélateur agréé, est toujours d’une aide avisée et appréciée.

Trois convives autour de la table, de nationalité différente, que l’on devinera bientôt. La discussion commence au moment du fromage (c’est de très loin le plat que je réussis le mieux). Qui a dit: « La France, ce pays aux 400 fromages … »?

La discussion enfle aussitôt : d’abord sur le nombre de fromages. Pas dans la réalité mais dans la citation : était-ce 300 , 400 ou 600 fromages ???

Plus gravement, le désaccord est total sur l’auteur de la citation. Premier courant : l’auteur est Churchill, qui aurait dit: « Un pays aux 400 fromages ne peut être défait « . Opposition frontale, qui se manifeste aussitôt : c’est de Gaulle, qui se serait exprimé dans les termes suivants : « Comment gouverner un pays qui produit 600 fromages ! »

Prise entre les deux courants, Bayrou occasionnelle de l’art fromager, j’ai été dans l’instant incapable d’arbitrer.. Je penchais pour de Gaulle, mais sans sécurité suffisante pour être dogmatique. Nous n’avons pas tranché. Quand on est trois, la majorité est difficile.

La discussion est vite montée en puissance ; sur des sujets reconnaisons-le moins décisifs que les fromages, mais un poil importants quand-même : qui a décidé de l’anéantissement de notre flotte à Mers-el-Kébir ? Qui a donné l’ordre de bombarder Dresde, Churchill ou le général Harris ? Jusqu’à quel point les alliés sont-ils responsables de l’inutile anéantissemnt de la « poche de Royan » et des milliers de morts allemands qu’il a causé ???

Voilà. Je ne suis pas une fanatique des confidences, mais j’adore quand les conversations de repas embrassent le monde. Une amie proche, mère d’une nombreuse famille, m’a dit un jour, évoquant son couple et son mari « Nous avons veillé à ce qu’aux repas, nos enfants apprennent à se dégager du quotidien, pour s’ouvrir au monde ».

Il n’y avait pas d’enfants à notre table de trois. Et pour être tout à fait honnêtes, nous n’avons pas définitivement résolus le problème du nombre de fromages « élevés » en France avec art et savoir. Pas vraiment davantage la part de responsabilité entre Harris et Churchill, mais nous étions tous les trois heureux d’avoir un instant partagé nos miettes d’histoire.

Médecins du monde

Tous les médecins sont des médecins du monde : leur savoir et leur savoir faire sont internationaux et j’ai pu l’expérimenter au Burkina Faso comme (beaucoup plus ponctuellement) en Islande. Mais il y a des « Médecins du monde » plus internationaux que d’autres, plus engagés dans l’universelle bataille contre la maladie, la souffrance et la mort, et c’est en particulier la belle association qui porte ce nom.

J’ai rejoint hier l’équipe Girondinede « Médecins du Monde » qui portait à Bordeaux la campagne nationale de l’association en faveur de cinq engagements, que je tiens à citer :

– un seul système de couverture maladie pour toutes personne résidant en France (si l’on peut dire : universaliser vraiment la CMU, instaurée par le gouvernement Jospin)
– permanence et, là aussi, universalité de la prise en charge de TOUS les malades par nos hôpitaux
– lutte contre le saturnisme infantile (le saturnisme est l’intoxication par le plomb)
– répondre aux immenses besoins en santé mentale des personnes sans abri
– garantie de la non-expulsion et de l’accès aux soins des étrangers gravement malades.

Que veulent dire fondamentalement ces cinq propositions qui sont aussi, qui doivent être, cinq exigences ? Qu’une personne gravement malade n’a à justifier ni de son pays d’origine, ni de ses ressources, ni de sa situation sociale : elle est ce « frère humain » dont parlait Villon, qu’il s’agit seulement de soigner et d’aider. Les médecins le savent, mais les médecins ne peuvent pas tout.

J’ose à peine ajouter ici qu’ils ne peuvent pas tout, mais qu’ils sont bien souvent assez malins pour faire accepter beaucoup.. Jeune chef de clinique en dermato, j’ai soigné une jeune femme atteinte de lèpre. Une jeune portugaise issue d’un village, à l’époque très éloigné de la médecine (c’était dans les années 70). Nous avons fait venir toute sa famille, plus toutes les personnes du village qui semblaient à risque. Tout le monde a été soigné au CHU, certainement un peu en dehors des lois et réglementations de l’époque (le Portugal n’était pas dans l’Europe), mais là comme souvent, l’intelligence et la sollicitude ont eu raison des rigueurs de la loi.

Mon engagement, comme celui de tous ceux qui ont rejoint le bus de campagne de « Médecins du monde » est donc d’autant plus ferme pour que la loi se mette au service de ce joli couple que forment l’intelligence et la sollicitude. Et que les moyens soient donnés aux hôpitaux pour accueillir les malades graves sans distinction, pour que CMU et AME (assistance médicale aux étrangers) soient confondus et honorés..)

J’ai plaisanté avec l’équipe de « Médecins du monde » quand ils m’ont dit qu’ils étaient « a-politiques ». Bien sûr que non ! Ils sont fondamentalement dans la politique. Qu’est-ce d’autre que la politique que l’engagement pour le bien général, pour le passage du « moi, je » au « nous ensemble »? Mais -et je les rejoins complètement là dessus- ils sont a-partisans, ils ne s’engagent en tant qu’association derrière, ni avec, aucun parti. C’est aux partis de les soutenir, pas l’inverse !

Comme je suis un peu morpionne sur les bords, j’ajoute que Bordeaux (la municipalité) est la seule grande ville qui ne subventionne pas « Médecins du monde »..

Vite, vite, il est encore temps, allez « voter » dans la grande urne qui est en face du musée des Beaux-Arts à Bordeaux , pour les cinq engagements que j’ai cité et que toute une équipe formidablement dynamique vous expliquera plus en détail si vous le souhaitez !

Suivi et Infogérance par Axeinformatique/Freepixel