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Le jeune vieillard et la belle Garonne

« Un vieillard qui meurt c’est une bibliothèque qui brûle », dit le sage. Eh, bien ce soir, c’est un jeune vieillard, plein d’énergie et de fougue qui est reparti pour un long chemin… La  » bibliothèque franco-allemande » est née, dans le beau sillage du Goethe Institut, de l’Université Michel Montaigne, du Conseil Régional, de la ville de Bordeaux et du Conseil Général.

C’est le Conseil Général que je représentais ce soir pour un moment heureux. Beaucoup de Bordelais ont craint -et moi avec eux- que la belle histoire du Goethe Institut à Bordeaux s’arrête. Le gouvernement allemand a redistribué et élargi ses cartes culturelles à la Chine, à l’Inde et à l’Est de l’Europe. La bibliothèque du « Goethe » de Bordeaux a été menacée de fermeture et de liquidation.

Aujourd’hui elle renaît. Toutes les énergies qui ont été nécessaires étaient ce soir réunies. Nous étions trois dames pour dire notre plaisir que nos collectivités se soient rassemblées autour de l’Université pour réussir ce beau coup (Anne Castanet, Anne Marie Cocula et moi).

C’était sympa, chaleureux, sans réserves. Un ami a fait remarquer que c’est un Allemand qui a fait entrer Bordeaux au patrimoine poétique de l’humanité :

« Souffle le vent du nord-est,
mon préféré entre les vents
car il promet ardente inspiration
et aux marins bonne traversée

 »Va donc maintenant et salue
la belle Garonne
et les jardins de Bordeaux
Là bas, où sur la rive escarpée
S’éloigne le sentier, où dans le fleuve
Profond tombe le ruisseau, mais au dessous
Veille aux lointains un noble couple
De Chênes et de peupliers argentés.. »

Ce jeune vieillard qui ne mourra jamais s’appelait ce soir Hölderlin…

Inégalités sociales de santé (16)

Deux événements hier d’inégale importance. L’un a occupé tout l’espace médiatique et suscité une éffervescence absurde de commentaires, l’autre a été signalé brièvement par les radios ; aucun « politique » ne s’est fendu d’un commentaire. Le premier c’est bien sûr la phrase « Québecoise » de Ségolène. Un français peut-il exprimer autre chose que de la sympathie devant l’effort considérable de ce petit morceau de terre immergé dans la toute puissance anglo-saxonne pour conserver son identité et sa langue ?

Le deuxième est autrement fondamental : c’est la publication des rapports de l’institut de veille sanitaire sur « les inégalités sociales de santé en France ». Les rapports sont austères (« la santé n’est pas sexy » , me dit-on toujours pour me mettre en garde d’en parler trop !) mais sans entrer dans leur détail, ils nous lancent à la figure une des réalités les plus dures de ce début de XXIème siècle : les écarts se creusent entre les plus pauvres et les plus instruits même dans le domaine de la santé. Ils se creusent au lieu de se réduire.

Beaucoup d’hommes se sont battus, ont milité, on écrit, pensé, parlé, fait effort pour défendre le « progrès ». Et les écarts continuent de se creuser. A l’échelle de la planète, la durée de vie est du simple au double entre un Burundien et un Japonais (41 ans contre 82). La différence de PIB entre le pays le plus riche et le moins riche est plus grande qu’elle ne l’était au siècle dernier.

Du simple au double aussi en France, le pourcentage d’enfants obèses quand les parents sont ouvriers ou quand ils sont cadres, du simple au double le nombre de leurs caries dentaires…

Un point fondamental est que ce n’est pas la déficience de notre système de soins qui est en cause, mais celui de notre système de santé. L’accès à la santé est plus discriminant que le soin de la maladie.

Qu’est-ce que l’accès à la santé ? L’information, la prévention, l’accès à des conditions de vie non génératrices de maladie (logement, alimentation, activité physique, estime de soi..).

« La réduction des inégalités de santé est au coeur de la cohésion sociale » dit Martin Hirsch, en introduction de ses rapports. Parmi les « chances d’égalité » d’un enfant (mais aussi d’un adulte ou d’une personne âgée) sa condition physique vient en tête de toutes les autres. On appelait cela la « santé publique », je crois que c’est désormais de « santé sociale » qu’il faut parler : donner à chacun les moyens de son autonomie et de son développement.

Moi, finalement, je trouve ça assez « sexy » d’être bien dans sa peau….

Une jolie histoire de l’abbé Pierre

Une jolie, très jolie histoire, que je dépose au mémorial de l’abbé Pierre.

« L’abbé », comme on l’appelait souvent dans les milieux politiques, demande audience au ministre Georgina Dufoy. L’audience est accordée, l’abbé expose brièvement le cas d’un homme dont il veut qu’il rejoigne sa communauté des compagnons d’Emmaüs. Malheureusement, l’homme est sous le coup d’une reconduite à la frontière…

Georgina, très encourageante « Monsieur l’abbé, si cet homme est recommandé par vous, vous vous doutez bien que nous allons faire notre possible. Comptez sur moi. Je vous tiens aussitôt au courant ! »

L’abbé quitte le bureau en hochant la tête et Georgina confie le dossier à son directeur de cabinet (je tiens l’histoire de sa bouche)

Un semaine plus tard, le directeur de cabinet arrive assez penaud « Il s’agit d’un cas vraiment très fâcheux. Plusieurs vols à main armée, deux tentatives d’agression sur mineur, conduite en état d’ivresse.. » Et il énumère une liste de forfaits peu susceptibles d’aménité …

Georgina demande à l’abbé de revenir la voir

-« Monsieur l’abbé, votre confiance, j’en suis sûre, a été abusée.. Le cas de Monsieur X est au dessus de toutes possibilité de compréhension et même d’indulgence « 

L’Abbé regarde Georgina : – « Madame la Ministre, vous vous doutez bien que si moi, un pauvre abbé, j’ai pris la liberté de vous déranger personnellement, d’abuser de votre temps, c’est que je savais que c’était un cas un peu délicat…

L’affaire finit bien : la cas « un peu délicat » a intégré les compagnons d’Emmaüs, dans la proximité de l’abbé Pierre et n’a plus franchi quelque frontière que ce soit…

L’abbé Pierre

La page informatique du monde ouvre ma journée avec la mort de l’abbé Pierre. Sa soutane, son béret, cette silhouette austère qui paraissaientt d’un autre temps ont ouvert et profondément marqué le temps que nous vivons, celui de la prise de conscience médiatique de la misère. L’ abbé Pierre ne préchait pas du haut d’une chaire dans une cathédrale, mais dans le froid, suivi d’ un micro et d’une caméra.

Il a gardé cette austérité de moyens qui a été pendant plus de cinquante ans la condition de sa force. Même dans les émissions à grand spectacle où il apparaissait quelquefois, il était ce petit abbé sans luxe, à la voix cassée, que l’on imaginait repartir dans le froid comme en 1954. Nous sommes tristes. Le monde est ce matin un peu plus désenchanté.

Ecologie : la défense des paysages (13)

« Le paysage ne nous appartient pas, nous le recevons et nous le transmettons, c’est tout ». Cela a été l’objet de la première partie de mon intervention lors de la présentation de « la charte de l’écologie urbaine »*. Car c’est bien sûr vrai pour les villes, et vrai pour Bordeaux qui dispose d’un atout naturel incomparable : l’arc de son fleuve.

L’arc de son fleuve, sa double courbe, sa couleur mordorée et l’admirable écrin de pierre que le XVIIIème siècle a offert à sa rive gauche.

C’est bien davantage sur ce qui aura été apporté ou définitiment enlevé à la beauté de cet écrin que le temps jugera les mandatures d’Alain Juppé. Economiser les ramettes de papier, fermer la lumière en sortant des bureaux de la mairie, tout cela est bien et relève du simple bon sens. Respecter, magnifier le paysage, lui apporter la marque du XXIème siècle au plus créatif de son art et de ses moyens de construction, voilà qui est d’un autre ordre.

Je ne connais pas un Bordelais, mais ce blog est là aussi pour que la discussion s’engage, qui ne soit pas affligé de ce qui est déjà sorti de terre rive droite. Petit empilement de bâtiments sans envergure, loupés complets comme le millenium, où est l’ambition d’une ville, quelle marque laisserons nous d’un XXIème siècle pourtant O combien créatif en la matière ? Qui a vu le jeu de couleur des bâtiments de Houston, l’opéra de Sydney, l’intégration à son écrin vert de Vancouver, ne peut qu’être attristé de ce que nous réalisons à Bordeaux. Au moment même où nous demandons le classement de la ville au patrimoine de l’humanité.

Le décor de nuit n’est pas meilleur : voir briller au dessus de la Bastide l’énorme enseigne de la Banque Populaire, est comme un signe de ce qui domine à Bordeaux -comme ailleurs j’en ai peur- : la banque. De même, voir du haut du cours de Verdun, l’enseigne lumineuse verte de l’hôtel Ibis couronner l’Intendant Tourny nâvre tous ceux qui l’ont remarquée. Quoi de plus simple qu’un arrêté municipal astreignant la mise en place d’enseignes à des contraintes paysagères. Imaginez le Louvre dominé par une enseigne Mac’Do..

C’est pour ma part aussi pour cette volonté de respecter le paysage, que j’ai émis des réserves fortes au projet de pont Baccalan-Bastide. Nous n’avons pas même obtenu une exposition comportant une maquette de taille significative implantée sur le relief du territoire. Cela seul pourrait donner aux Bordelais une idée du rapport des volumes et de l’impact paysager de cet édifice considérable.

En 1998, lors d’une exposition semblable, les Bordelais ont découvert concrêtement ce que représentait le pont au droit des Quinconces que voulait imposer Alain Juppé. Et c’est à la suite de cette exposition qu’ils ont massivement rejeté le projet.

Sans doute la mairie de Bordeaux ne voulait pas renouveler l’expérience.

  • Conseil municipal du 15 janvier ; voir aussi « ma grand-mère, l’écologie et la bêtise durable ». (janvier, 11)

Suivi et Infogérance par Axeinformatique/Freepixel