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Air France et vente à la découpe du système public hospitalier

En avion, mais à terre, parquée avec quelques dizaines de Messieurs à ordinateur, attendant comme Godot la solution d’une improbable panne …

Je prends à vrai dire l’avion le moins possible : régulièrement le temps total de trajet est plus important qu’avec le train et surtout il est plus aléatoire. Pourtant, tel Godot, on y croit toujours un peu et, devant être à pied d’oeuvre à 9 heures au Conseil Général, j’ai une fois encore cru à ma chance. Air France a cela en commun avec la Française des jeux : on ne gagne pas souvent. Mais par contre une différence majeure : Air France licencie, la Française sent à peine la crise écrêter ses incroyables profits.

Quel bilan de cette semaine de bataille dans l’hémicycle ?

– malgré nos efforts, nos plaidoyers, nos votes, bien souvent avec le Nouveau Centre, nous n’avons pu empêcher la vente à la découpe de l’hôpital qui constitue le noyau dur du projet de loi « portant réforme de l’hôpital ».

– Toutes petites victoires personnelles : j’ai obtenu que les soins palliatifs, au titre des investissements coûteux, soient maintenus dans les composantes du Contrat Pluriannuel d’Objectifs et de Moyens » que les « établissements de santé » vont signer avec l’Agence Régionale de Santé. Les soins palliatifs ne sont coûteux qu’en raison du nombre de personnels qu’ils nécessitent. Pas de traitements lourds, plus -ou très peu- d’examens complémentaires et aucune infestigation lourde. Les inscrire au CPOM, est aussi une manière de leur reconnaître le meme niveau d’intérêt que les traitements les plus chers ou le matériel lourd.

Autre petite satisfaction : avoir alerté la Ministre sur le manque de radiophysiciens dans les services de radiothérapie, avoir plaidé pour la déclaration des effets indésirables graves au lieu d’envisager des pénalités quand ils surviennent…

Mince bilan objectif, qui n’est cependant pas nul. Et que j’ai fini de raconter avant d’avoir le moindre signe de la possibilité d’un départ…

Bataille pour le Service Public

Conscient des enjeux de la loi « portant réforme de l’hôpital », le personnel de l’APHP (Assistance Publique des Hôpitaux de Paris) s’est réuni autour de l’Assemblée pour manifester.

Dans la pause entre séance du matin et séance de midi, je reçois les représentants des syndicats, tous présents (CFE CGC, CFTC, UNSA, SUD, CGT_APHP) : ils défendent d’abord et avant tout le service public.

Et c’est en effet le noeud gordien que cette loi entend défaire. Je voudrais en démonter de façon simple le mécanisme.

. Un Directeur Régional de Santé, à la tête d’une agence du même nom (ARS), va désormais diriger et coordonner le système de santé dans chaque région. A ce titre, il va répartir les moyens alloués à chacune des branches du système de santé : hospitalier public, hospitalier privé à but lucratif et privé à but non lucratif, médecine de ville, secteur médico social. Nous reviendrons ultérieurement sur le détail de cette « gouvernance.

. la loi édicte désormais qu’un « établissement de santé » ne se définira plus désormais par son statut mais par ses missions, méconnaissant (feignant de méconnaître) un fait essentiel : en plus du statut et des missions, c’est le financement qui différencie les secteur public du secteur privé ; budget public dans un cas, logique d’entreprise dans l’autre, avec répartition de bénéfices à des actionnaires.

. La loi établit désormais une liste de 13 missions de service public (et non plus UN service public) : permanence des soins, enseignement, formation continue, formation des soignants, recherche, éducation à la santé et prévention, urgences, lutte contre l’exclusion sociale, actions de santé publique, soins des personnes hospitalisées sans consentement, des personnes retenue, des personnes retenues en centre de sureté.

. Si le directeur de l’ARS constate une carence d’exercice de l’une ou l’autre de ces missions, il peut la dévoluer au privé (avec, de fait, les moyens qui vont avec)

Où est-ce que le bât blesse ?

. d’abord sur le principe même de l’absence d’ambition du gouvernement pour le service public : si l’on constate une carence du service public, l’exigence devrait être d’assurer, en particulier par des moyens budgétaires suffisants) que celui-ci puisse l’assurer convenablement selon les principes d’égal accès de tous

. ensuite sur le fait que la décision du Directeur de l’ARS n’est basée sur aucune concertation, aucun critère défini et que son choix de l’établissement ne connait aucune hiérarchie, par exemple entre privé à but non lucratif et privé à but lucratif

. enfin et très gravement parce ce que c’est désormais la seule et même personne qui distribue les moyens et, constatant leur carence, les transfère ailleurs. Le Directeur de l’ARS est à la fois juge et partie, et il a le pouvoir d’organiser la carence s’il a l’intention d’orienter ailleurs l’exécution des missions de service public.

Si l’on sait que ces directeurs pourront être issus du milieu de l’assurance, de la banque, de l’entreprise, on devine la possibilité de collusions d’intéret.

Nous essayons d’ « amender » chacun des articles de la loi correspondant à ces étapes et en particulier l’exigence de ne pouvoir transférer UNE mission sans que ce transfert s’accompagne d’un « socle » de service public, celui-là même qui alourdit le coût du secteur public, mais en assure la continuité et l’égalité ; ce socle est composé de permanence, urgence, santé publique, lutte contre l’exclusion et la précarité.

D’autres amendements encadrant la décision du directeur de l’ARS (concertation, critères clairs), privilégiant le secteur privé non lucratif.

On le voit : une bataille très serrée, en face d’une droite assez ouverte en commission, mais aujourd’hui rappelée à l’ordre, resserrant les boulons et voulant passer en force.

voir aussi billet précédent et billets du 9 et 4 février

L’hôpital ou la dynamique des fluides

A chaque pas d’une décision serrée, dense, de bon niveau, les intentions du gouvernement se découvrent : dissoudre les limites entre secteur public et privé. Les propos mêmes du rapporteur UMP du projet sont sans équivoque : les « établissements de santé ne sont plus définis par leurs statuts mais par leurs missions ». Il n’y a donc plus d’ « hôpital », mais des structures qui recevront au gré d’une seule personne, le Directeur Régional de l’agence de santé », une part plus ou moins grande du bouquet de missions de service public défini dans le texte.

Petit détail : c’est une chose de décrêter que le statut est désormais nul et non avenu, mais derrière les établissements que nous appelons encore innocemmment « hôpitaux » il y a le budget de l’Etat, derrière les cliniques, dans des cas de plus en plus nombreux, les fonds de pension américains qu’il s’agit de rentabiliser.

Treize missions de service public ont été définies. Signe des temps, trois sont en relation avec les lieux privatifs de liberté (deux pour la rétention, une pour la détention). Est-ce à dire que détenus et retenus constituerons un jour près de 25% du « public », c’est à dire vous et moi !

Les directeurs d’ARS, s’ils constatent la carence du service public, décideront, seuls, sans critères définis, ce qu’ils attribueront au privé. Avec les moyens qui vont avec. Ce qui s’appelle déshabiller Paul pour habiller Pierre. Sauf que Paul est toujours le même (le public) et Pierre aussi (le privé). Cela s’appelle en jargon gouvernemental « la fongibilité asymétrique ».

Il me semble que le mouvement devrait aller tout au contraire . Les leçons de la crise, la nature même de l’acte de soigner et tout simplement le fait que la totalité de la médecine est payée par les deniers publics. Ni eux, ni la santé des Français n’ont mission à alimenter les fonds de pension.

De plus, la crise sanitaire, la crise sociale qui s’aggravent chaque jour, augmentent chaque jour aussi le besoin qu’ont et auront les Français de l’hôpital, le vrai. D’ores et déjà, pourquoi les urgences sont-elles engorgées ? Parce que beaucoup n’ont d’autres moyens de se soigner. Dépassement des tarifs, carences de la permanence des soins en ville, désertification médicale de nombreux territoires, tout fait confluer les difficultés, les populations précaires, les malades « non rentables » vers la porte encore ouverte des hôpitaux.

Tableau trop noir ? Certainement pas. La Ministre répond à toutes questions qu’elle veut mettre de la « fluidité ». A ce niveau, ce n’est plus de la fluidité, c’est la dissolution de l’hôpital public.

Loi portant réforme de l’hôpital : quel hôpital ?

Aucune loi n’est ni tout à fait bonne ni tout à fait mauvaise, mais certaines ont des vices fondamentaux qui en dévoient les finalités.

C’est précisément le cas du projet de loi « portant réforme de l’hôpital » qui vient demain en discussion à l’Assemblée.

L’hôpital, dans l’esprit de tous les Français, c’est l’hôpital public. Si bien que, si on parle dans les milieux spécialisés d’ « hospitalisation privée », jamais on ne dit, jamais on ne voit écrit sur une façade « hôpital » quand il s’agit d’une clinique.

Le texte de loi, dès sa première page, commence par faire disparaître le mot « hôpital » au profit d’un de ces chefs-d’oeuvre du rien-disant actuel « l’Etablissement de santé ». Le but est très clair de confondre « public » et « privé », et d’effacer le beau mot d’hôpital et toutes ses déclinaisons de ce qui devrait être au contraire le fondement même de la loi quand un gouvernement républicain l’édicte : le service public et le service du public.

Et de fait, tout le corps du texte introduit en permanence la confusion entre public et privé et ne manifeste à aucun moment une quelconque ambition pour ce pivot de l’idée républicaine qu’est l’hôpital et la santé publics.

Bientôt, dans la même perspective, dans la même perverse confusion, nous n’aurons plus d’école, ni d’instruction, ni d’éducation, mais des « établissements d’enseignement ».

Mme Bachelot a réussi ce prodige, et je l’en féliciterai demain dans mon intervention, de présenter une loi « portant réforme de l’hôpital », sans que soit JAMAIS prononcé ce beau mot dans tout le corps du texte ; ce prodige que n’aurait pas renié Georges Perec, fera date sans doute dans l’histoire encombrée de l’écriture législative française.

Le fait n’est pas anecdotique. Les mots sont non seulement l’arme mais l’armature idéologique souterraine de la politique. Le texte n’est pas totalement mauvais, il est fondamentalement mauvais.

Je veux revenir sur les deux vices rédhibitoires que couvrent les mots, ou l’absence du mot.

Une énumération des « missions de service public » est présentée dès les premières pages. Treize missions dont la liste pourrait être discutée, acceptons-la cependant. On attendrait après cette liste une phrase simple, je dirais même qu’elle s’impose à la lecture. Cette phrase pourrait être : « c’est la mission de l’Etat d’assurer, à égalité entre les citoyens et les territoires, la bonne exécution de ces missions et leur égal accès ».

L’évidence est si forte, qu’on a une impression d’éboulement, en lisant aussitôt achevé l’énumération que licence est donnée, à discrétion d’une seule personne (le directeur de l’agence régionale de Santé, je reviendrai sur le sujet), de confier ces missions « à une personne publique ou morale » appartenant au système privé de santé .

En clair : si je constate une déficience, une carence, un défaut d’éxécution de ses missions par l’hôpital public, je les confie au privé.

En caché : si les moyens dont dispose l’hôpital public sont insuffisants, je transfère au système de santé privé ce qui lui permettra de les assurer.

C’est sans doute ce qu’on appelle la « rupture ». Et c’en est une. Bien d’autres exemples existent dans le texte de cette confusion « glissante » du public vers le privé. Et rien qu’en l’écrivant, je ressens une sorte de serrement de coeur.

voir aussi les billets du 4 février 09, du 13 janvier 09, et tant d’autres sur le sujet…

Tempête sur la Gironde

La tempête du 24 janvier a frappé plus durement l’Aquitaine que la tempête « historique » de 1999.

Trois cent mille hectares de bois à terre, dont 50 000 hectares en Gironde, touchant indistinctement des plantations jeunes ou des bois de plusieurs décennies prêts à être commercialisés. Dans notre seul département, 880 exploitations forestières sont touchées et souvent mises à mal.

C’est sur ce seul aspect forestier que je focalise ce billet, tout en sachant que dans le canton Grand Parc-Jardin Public comme dans la deuxième circonscription de Bordeaux dont je suis l’élue, les sylviculteurs sont sans doute peu représentés. Pour autant, je suis sûre que les amoureux des arbres sont nombreux (je m’en suis rendue compte à la quantité de réactions que j’ai reçues après ma proposition au Maire de Bordeaux « Faire parler les arbres »), et que ceux-là savent qu’un arbre arraché, c’est beaucoup plus qu’un certain nombre de mètres cube de bois tombés à terre.

C’est plus dramatique encore quand il s’agit de toute une forêt. Dans les landes, en Gironde comme dans le département homonyme, c’est toute une histoire, un patrimoine naturel qui, en plus de l’économie, sont en péril. Au point qu’hier, lors de la session d’urgence du Conseil Général, nous en sommes arrivés à poser la question « Brémontier, est-ce la fin ? »

Très lourde question. L’ère du pin maritime a non seulement marqué une victoire humaine sur une nature jusque-là pauvre et sauvage, mais elle a donné à notre territoire un visage, un tempérament qui fait partie désormais de notre patrimoine naturel et culturel. Aujourd’hui, après les deux coups de semonce survenus en moins de dix ans, les sylviculteurs en viennent à s’interroger sur l’opportunité de replanter. Il faut 40 ans pour amener un pin à l’âge de la commercialisation. Dix ans de récolte viennent de tomber à terre, tout cela a-t-il encore un sens ?

Les landes deviendront-elles bientôt une Beauce à maïs monotone ou un vaste champ de panneaux photovoltaïques ? La question est terrible mais elle se pose réellement, dans ces terres acides qui n’acceptent que peu de cultures.

Dès aujourd’hui, c’est un bouleversement complet du biotope qui s’annonce. Chevreuils, sangliers qui déboulent, qui ne sont que la partie la plus visible d’une économie animale complexe, vont-ils disparaître pour jamais ?

Le domaine de Marquèze et son airial ne sont plus aujourd’hui un musée des Landes d’autrefois, mais le triste spectacle des landes d’aujourd’hui, où les pins abattus cotoyent les pins déchiquetés comme des crayons taillés d’une main brutale.

Dans les forêts départementales dont nous sommes si fiers au Conseil Général, le bilan est accablant : 7000 M3 de pins maritimes tombés à Hostens… La liste est longue . Au total : 18 070 M3 de pins et 610 m3 de feuillus, en premier lieu des chênes.

Bien sûr, notre réunion d’hier ne s’est pas arrêtée à ce constat. D’abord elle a concerné tous les domaines victimes de « Klaus » : agriculture, ostréiculture, routes, bâtiments… Elle a fait état ensuite de la formidable mobilisation du personnel du département et de la solidarité qui s’est manifestée à cette occasion dans la population. Nous avons décidé de mesures d’aide d’urgence et d’aides durables.

Que démontre cette réunion ? L’importance de conserver des structures de proximité, des acteurs locaux, connaissant le territoire. Et en premier lieu, cette structure à taille humaine, parfaitement faite pour la proximité : le département.

Je tiens à disposition le rapport complet que nous avons examiné et voté hier. Merci de me joindre en tapant sur la rubrique « contact ».

Suivi et Infogérance par Axeinformatique/Freepixel