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Les enseignements du franchissement Bacalan-Bastide

Les avatars du projet de pont Bacalan-Bastide sont pleins d’enseignements. Le premier d’entre eux est la réponse donnée au recours du front associatif, jeudi 15 janvier. Raison a été donnée aux associations sur plusieurs points, dont l’évaluation du coût du projet, son impact sur la vie maritime et les raccordements aux voies de circulation. L’enseignement numéro un est donc l’importance de l’action citoyenne et associative, quand elle est, comme dans le cas, documentée, étayée d’arguments et portée par une conviction forte.

On se souvient qu’initialement le Maire de Bordeaux était favorable à un tunnel et qu’il a changé en quelques heures de position pour porter, sans plus de concertation ni de discussion, le projet de pont levant. Le motif déclaré du revirement était le coût comparé des projets. Il n’en était bien sûr rien, comme le démontre la brutalité du changement : le Maire connaissait les jours d’avant comme les jours d’après les coûts et la manière dont ils étaient analysés. Il s’agissait d’un revirement politique comme il l’a d’ailleurs exprimé en aparté.

S’en est suivi une consultation inexistante des Bordelais, une totale absence de présentation du projet. Heureusement, à ce moment, Alain Rousset est arrivé à la tête de la CUB et a prolongé in extremis cette consultation-concertation. Il était je pense déjà trop tard, l’opinion n’avait pas été saisie de l’énormité du dossier et ne s’est pas sentie suffisamment concernée.

Le deuxième avatar concerne l’impact du projet sur le classement UNESCO et, plus important encore, sur ce qu’il signifie : l’impact paysager de cet édifice monumental. Alain Juppé n’a pas transmis la totalité du dossier et les experts de l’UNESCO ont demandé à l’Etat français un complément d’information. Ils se rendent à Bordeaux les 20, 21 et 22 janvier pour statuer. Aveu implicite de la municipalité sur l’insuffisance des documents transmis : une batterie d’architectes est consignée à la Mairie pour bâtir un dossier plus documenté et surtout tenter de le présenter sur son meilleur jour.

N’ayons pas de langue de bois : bien qu’ayant suivi de très près l’évolution du dossier et étant intervenue à plusieurs reprises en Conseil Municipal et Conseil de CUB, je l’ai peu évoqué dans ce blog comme dans la presse.

Pourquoi ? Très simplement, parce que je suis seule du groupe socialiste à être favorable à un projet de tunnel, et quand j’ai pris la parole dans l’un ou l’autre conseil, je l’ai fait à titre personnel. Je suis favorable au tunnel pour deux raisons : l’impact délétère du pont levant sur la circulation maritime (comme on le voit à Rouen où les armateurs refusent de faire passer leurs navires sous un édifice comparable) et l’impact paysager sur le Port de la lune. L’avenir comme le passé maritime de Bordeaux, l’inestimable Port de la lune sont deux des plus précieux trésors de notre ville; je pense qu’il y a une grande responsabilité à les compromettre.

Rappelons au passage que le Maire voulait détruire l’un et l’autre encore plus radicalement avec un projet de pont au droit des Quinconces : les Bordelais l’ont heureusement fait reculer.

Mes deux motifs de réserve au projet actuel de pont sont précisément les griefs principaux faits à son encontre par les instances : impact sur la vie maritime par le commissaire du gouvernement, impact paysager par l’UNESCO.

Un dernier enseignement est celui-ci : voilà une réalisation qui va durer plusieurs siècles, contrairement à une école, une voie de passage, un tramway… Les Bordelais doivent être consultés, impliqués ; ils doivent disposer d’une présentation en taille réduite de l’édifice sur le paysage. En face de ces plusieurs siècles, un retard de quelques mois est très regrettable mais il est sans proportion.

L’exercice difficile de la République

La Démocratie, « le pire des systèmes, à l’exception de tous les autres », est un art difficile. Nous le savons, nous le comprenons, nous en connaissons à la fois les limites et la grandeur.

Mais la République ! Cette grande fille de plus de deux cents ans d’âge, si bien codifiée, si rigoureuse dans sa définition comme dans son application, nous serions en droit de penser qu’il est simple de l’observer, d’en appliquer les règles en sachant qu’elles protègent chacun de nous.

A Bordeaux, la situation n’est pas simple. On parle souvent de « zones de non-droit » et bien sûr on pense d’abord aux banlieues ou aux territoires où une communauté a un rôle prépondérant et empêche l’application de la loi commune. C’est comme pour la délinquance, on pense d’abord aux loubards des cités, jamais à ceux des « cols blancs » et des places boursières.

Visite ce matin de Patrick Devedjian, nouveau Ministre de la relance (non seulement le ministre est nouveau mais le ministère). Il vient examiner ce matin plusieurs projets, parvenus à des degrés divers d’avancement, dont un bâtiment de la Benauge que je connais assez bien, pour l’avoir visité à l’appel de ses habitants « de pied en cave ».

J’ai alerté plusieurs fois à son sujet la société Coligny qui le gère. Les caves sont salptéreuses, misérables, lieu de congrès de tous les rats de la Bastide, les appartements humides, malsains, impossibles à maintenir en bon état malgré les efforts des locataires. On se doute que je me suis réjouie qu’un Ministre visite ce bâtiment et prête pour ma part à soutenir le dossier de sa démolition/reconstruction, ce qui semblait être l’objet de la ministérielle visite.

Nous arrivons donc sur les lieux. J’ai la surprise de voir mon éminente collègue, Chantal Bourragué, députée de la circonscription Le Bouscat-Bruges-Bordeaux nord, très affairée d’occuper l’espace entre le Maire et le Ministre. Je lui manifeste ma surprise de la voir à la Benauge. Elle a alors ce mot décisif « Moi, je soutiens le gouvernement ! ». Chère Chantal, la légitimitié d’une ou d’un député, n’est pas de soutenir le gouvernement, mais de représenter les habitants de son territoire.

Je tente d’expliquer au Ministre dans les quelques minutes du trajet l’état de ces barres d’HLM. Il semble disposé à écouter les données très simples que je veux lui communiquer. Jusque-là, hors la présence en premier plan de Chantal Bourragué, tout semble normal. Et je reste persuadée que les objectifs de la municipalité et les miens sont assez proches : elle, faire payer à l’Etat ce qu’elle aurait dû prendre à sa charge, moi améliorer la situation des habitants de la Benauge, quel que soit le payeur.

Le Maire s’emporte quand il voit des caméras se fixer sur notre petit groupe. Je dois le dire, je n’ai jamais vu acte si discourtois et inélégant que le sien à ce moment. Il me bouscule, se plante devant moi, de sa frèle mais plus haute que la mienne silhouette, et me rend invisible aux caméras. A ce moment, il se retourne vers Muriel Parcelier, adjointe de quartier, avec un mot de victoire « Moi seul, peut le faire ! »

Lui seul.. En effet, si j’avais été un élu masculin, j’aurais sans doute eu une réaction assez virile et physique. Mais cela n’est pas autorisé aux femmes, qui ne peuvent que constater l’inélégance de l’attitue et surtout le mépris d’un principe républicain fondamental : le député accueille les représentants du Gouvernement, et en sa qualité de représentant lui-même des habitants, lui exprime leurs besoins et leurs souhaits. S’il est tout fait normal que le Maire apporte son appui, celui-ci n’a en aucune façon vocation à l’écarter et moins encore à l’éliminer

Je passe sur d’autres réflexions d’AJ, faites à proximité de ma collaboratrice parlementaire que ses services n’ont pas présenté encore à son examen et qu’il n’avait pas identifiée. Imbibée des principes républicains dès son jeune âge, comme tout enfant normalement éduqué, elle est restée sidérée de ce qu’elle a entendu.

Pourquoi ? Pourquoi le Maire de Bordeaux, qui vient de se déclarer candidat aux élections législatives de 2012, ne sent-il pas qu’il déroge à sa fonction, à son ambition nationale, en méprisant ainsi le simple principe républicain qui nous unit et nous protège ?

AJ, déclarateur précoce pour les législatives 2012

Alain Juppé vient d’annoncer sa candidature aux élections législatives de 2012. Annonce surprenante, non seulement par son étonnante précocité mais parce qu’elle vient en rigoureuse contradiction avec ses déclarations, mille fois répétées, de s’en tenir désormais à sa seule fonction de Maire et de ne briguer aucun autre mandat électif (cf infra*).

Les Bordelais ne manqueront pas d’apprécier ce rapide changement de position. « Ce n’est pas la girouette, mais le vent qui tourne », disait le regretté Edgar Faure. Hélàs, ici, pas le moindre alizée qui puisse justifier cette déclaration qui a surpris même à droite.

« Bordeaux », dit-il, « a besoin d’un député qui a de l’influence ». Ancien Ministre de ce gouvernement, n’en a-t-il pas déjà dans la position qui est la sienne et ne peut-il mieux l’utiliser pour notre ville qui se vide de ses institutions et de ses entreprises ?

Pour ma part, je pense que Bordeaux a surtout besoin d’un député qui puisse se consacrer à son mandat et défendre l’ensemble des Bordelais, et en particulier tous ceux que la politique municipale comme par la politique gouvernementale laissent sur le côté. Vingt-cinq pour cent des Bordelais au dessous du seuil de pauvreté, 11000 RMIstes…

Voilà donc Alain Juppé, premier candidat déclaré de France pour une élection législative dont personne ne connaît encore le contexte, ni local, ni national.

Cher Alain, que sera notre pays dans 4 ans ? Et vous même, tout comme moi ?

Pour ma part, je pense qu’il y a aujourd’hui plus pressant que de penser à notre élection. Dans les rues à Bordeaux, est-ce cela qu’on nous demande ? Est-ce le sujet majeur d’inquiétude des Bordelais ?

Nous avons tous, je crois, la même réponse sur le sujet.

  • Quelques déclarations d’AJ, à l’occasion des dernières élection municipales__

« Alain Juppé a retenu une leçon : « Désormais, je ne me mettrai plus en situation de cumuler les mandats », assène-t-il. »

/Le Point, 27 septembre 2007/

« Je l’ai dit et je le ferai, j’ai compris le message que m’ont adressé les Bordelais au mois de juin dernier. Ils n’ont pas compris qu’en étant Maire je me présente pour être Député (…). J’ai enregistré cinq sur cinq et là, j’ai pris l’engagement formel, si je suis élu, d’être Maire de Bordeaux point à la ligne. »

/TV7, 21 février 2008, 2ème débat Rousset/Juppé/

« Naaba : Quelles leçons avez-vous tirées de votre échec lors des législatives qui vous serviront durant cette campagne municipale ?

Alain Juppé : Une leçon principale : aujourd’hui, les Bordelaises et les Bordelais ont envie d’un maire à plein temps (…), je serai un maire à plein temps sans aucun autre mandat électif. »

/Chat en direct sur le site du Monde, 4 janvier 2008/

Santé et service public

La médecine nous occupe beaucoup à l’Assemblée à l’approche de la loi « Hôpital, patients, santé et territoires » ; audition aujourd’hui de l’anesthésiste Patrick Peloux, cet après-midi de Claude Evin, et ce soir à la fondation Terra Nova, première réunion du groupe de travail « Santé ».

Je retiendrai de la journée la discussion que j’ai eu avec Claude Evin sur un fragment du projet de loi : celui qui prévoit la possibilité pour les établissements privés de santé (les cliniques) d’assurer des missions de service public.

Dit comme cela, cela parait plutôt favorable. Sauf que rien n’est précisé : quelles missions ? A quel tarif seront-elles assurées ? Qui en décidera ?

Il y a fort à craindre que cette fraction de service public ne puisse être très sélective (par exemple, ne concerner qu’une part des urgences, celle qui laisse augurer de soins ultérieurs) et laisser au contraire de côté les urgences liées à la précarité, au grand âge… Tout cela doit en tout cas être précisé.

Plus généralement, et cela a été l’objet de mon interrogation à Claude Evin, nous ne devons jamais oublier un principe. Il n’y a pas de médecine « libérale » par le seul fait que les actes médicaux sont financés par l’assurance maladie, c’est à dire pas des deniers publics. Pour cette raison, l’hospitalisation privée elle même n’est pas véritablement privée et doit assumer les charges liées à son financement public.

Pour ma part, je considère comme exigible que toute pratique médicale comporte une part obligatoire relevant d’un tarif public (que l’on appelle tarif opposable). Les médecins en secteur non conventionné devraient assurer une part d’activité en prix conventionné. De la même manière que les médecins hospitaliers peuvent d’ores et déjà bénéficier d’une fraction de leur activité en secteur privé.

Je n’ai pour ma part jamais eu de « secteur privé », mais en face de la fuite de nombreux médecins et chirurgiens des hôpitaux publics vers le privé, on ne peut méconnaître les effets de la disparité de revenus entre les deux modes d’activité, et cette part de privé dans le public, et de tarif public dans l’exercice privé amoindrirait les écarts.

Claude Evin en a convenu et m’a avoué qu’il avait défendu cette position lorsqu’il était ministre. Il y a près de 20 ans et ce n’est toujours pas le cas…

Dix mille morts évitables chaque année ?

Les bras me sont tombés (l’expression est parmi mes favorites) en lisant tout à l’heure les déclarations du Pr Philippe Juvin, anesthésiste réanimateur dans le civil et par ailleurs Secrétaire national de l’UMP, en charge des questions de santé.

Cet excellent homme chiffre à 10 000 le nombre de décès dus à des erreurs médicales. Dix mille, ou treize mille, selon qu’on regarde l’interview proprement dit, ou l’article du journal. Trois mille morts, au jour d’aujourd’hui, c’est pas grand chose.

La chute brutale de mes bras ne tient pourtant pas à cette différence de chiffres. Elle tient à la confusion entre « erreurs médicales » et « événements indésirables graves ». Le Pr sus-nommé, en réponse à la question « A combien chiffrez-vous les erreurs graves dans les hôpitaux français ? » répond tranquillement « Elles sont beaucoup plus nombreuses que les décès » (ouf !) et continue, non moins tranquillement: « De 300 000 à 500 000 événements indésirables graves se produisent chaque année ».

Quel génocide ! Entre 300 et 500 000 erreurs graves chaque année ! J’invite tout Bordelais, en chemin vers l’hôpital Pellegrin ou l’hôpital Saint André, à rebrousser chemin illico… Le chemin vers l’hôpital est désormais plus dangereux que le chemin des dames en 14-18.

Que fait cet éminent professeur ump-iste ? Il confond, aidé peut-être par la rédaction de la journaliste, « erreurs médicales » et « événements indésirables graves ».

Or ces deux-là sont à l’opposé.

Une erreur médicale n’est pas difficile à définir : elle existe dans tous les domaines. On se trompe. Mauvais diagnostic, mauvaise indication, mauvais choix thérapeutique, mauvais éxécution de l’acte, il n’y a malheureusement que trop de possibilités. Et pourtant, les erreurs médicales, sont probablement moins nombreuses que celles qui existent dans bien d’autres domaines, et heureusement.

« Les événements indésirables graves » sont d’un ordre tout à fait différent. En anglais : « serious adverse events », et reconnaissons que « adverse events » (évènement adverse) est beaucoup plus juste qu’ « indésirable ». Le premier événement indésirable, c’est la maladie elle-même, mais elle n’est pas un événement « adverse », mot issu du français que nous aurions parfaitement pu conserver.

Un « événement indésirable -ou adverse-« , est un événement inattendu, im- ou peu prévisible, disproportionné. Il n’est aucunement en relation avec une « erreur » médicale. Il peut être lié avec un choix médical risqué, dont le patient est, en règle, informé (et de manière absolue dans le cadre des essais thérapeutiques), mais ce choix n’est pas une erreur, il est une volonté d’un traitement (ou d’une attitude diagnostique) nouvelle, ou récente, ou incertaine dans toutes ses composantes.

Bien souvent aussi, l’ « EIG » (événement indésirable grave) survient alors que rien ne le laissait prévoir. La médecine n’est pas mathématique et le corps humain n’est pas une équation.

Les « EIG », ne sont pas évitables, comme le laisse croire l’éminent professeur umpiste. Il faut tendre à les réduire, et tous les médecins s’emploient à ce qu’ils soient enregistrés et analysés, mais penser que l’on pourra les éliminer n’est pas objectif.

Pourquoi je râle très fort ? Parce que l’actualité ne permet pas tout, fût-ce pour se faire connaitre ou soutenir les propos de notre vénéré Président sur l’hôpital. Non, il n’y a pas 10 000 morts évitables dans nos hôpitaux. Il y en a de manière certaine, mais ne jouons pas sur le sensationnel, dans ce domaine qui doit plus que tout autre en être préservé.

Suivi et Infogérance par Axeinformatique/Freepixel