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Désirer sans souffrir ?

Oui, mais … Souffrir sans désirer ?

J’entends à la radio les sujets du bac à l’épreuve de philosophie. Celui de la dissertation est particulièrement réussi : « Peut-on désirer sans souffrir ? ».

Je le dis sans rire : j’adore les sujets de philo, parce qu’on imagine aussitôt la copie qu’on bâtirait sur le sujet, allant chercher ici ou là, non pas Pierre et Paul, les deux ne sont pas très représentés dans le panthéon philosophique, mais Jean (Racine, dont quelques tirades seraient ici très bienvenues) et Jean-Paul (Sartre, évidemment).

Je donne -un peu tard- un conseil éclairé aux candidats bacheliers : quand on ne connait pas la moindre citation sur le sujet, il faut l’inventer. Bon d’accord, cela suppose deux conditions
– bien connaître l’auteur auquel on l’attribue ; pas un prof ne croira que Paul Valéry a écrit : « Rien ne sert de courir, il faut partir à point ». Non, ça c’est Jean, un autre Jean, pas besoin de préciser.
– choisir un auteur qui a écrit au moins 24 tomes, c’est à dire dont personne ne peut dire qu’il n’a pas vraiment dit cela. Pour ma part, à l’époque du bac, j’avais quelques favoris : Edouard Herriot, dont personne ne connait tous les discours, ni d’ailleurs quoi que ce soit aujourd’hui ; Karl Marx, très éloigné du précédent, mais dont les oeuvres tapisseraient le gymnase du Grand Parc et dont je suis sûre que personne ne peut assurer qu’il n’a pas dit ce que je prétends qu’il a dit. Je passe sur Emile Zola, Jules Michelet, Ernest Renan…

Si l’on veut faire plus contemporain : Bernard Henri Levy, Jacques Attali…

En absolu désespoir de cause : Sigmund Freud.

Donc, armé de ces viatiques, comment répondre à la question : « Peut-on désirer sans souffrir ? »

A vrai dire, je n’en sais rien. Les deux mots « désirer » et « souffrir » ont tant d’acceptions, du mal au coeur au mal au pied, que la réponse est incertaine.

Au contraire, « souffrir sans désirer » est presque un pléonasme.

L’épidémie d’états de souffrance que génère notre société anesthésiante, aboulissante, en même temps que fondamentalement inégalitaire, aurait suffi à remplir l’intégrale de ma copie. Je ne suis pas sûre que ce soit très rassurant.

Le port de Bordeaux

Si j’étais Hugues Martin ou le Maire de Bordeaux, tous les deux très amateurs de sentiment dans l’expression politique, je titrerais : « Déclaration d’amour au Port de Bordeaux ».

Car enfin, le port, l’idée du large qu’il suppose (n’est-ce pas Jean de La ville de Mirmont, Victor Ségalen ; n’est-ce pas l’ami Michel Suffran ?) est peut-être ce qu’il y a de plus désirable, en même temps que de plus durable, à Bordeaux. L’association « désirable » et « durable » est un peu osée : pour une fois, je crois qu’elle est juste.

Bordeaux marche sur deux pieds : un pied terrien (la vigne, le vin, la proximité des pins) que Mauriac a illustré jusque dans ses racines ; un pied (si l’on peut dire) portuaire et maritime. J’avais titré pour cela un article dans une gazette « Bordeaux adultère » : était-ce aisé à comprendre ?

Voilà une introduction assez éloignée du coeur du sujet : l‘avenir du Port de Bordeaux et l’impact du projet de loi « portant réforme portuaire » qui vient à l’Assemblée le 17 juin.

Pour en discuter avec l’ensemble des acteurs du port et les représentants institutionnels, j’ai proposé de tenir une réunion de concertation à l’hôtel du département le 13 juin. Ce même jour, une part importante des employés du port était en grève contre la réforme portuaire, et pourtant tous son venus et ont dialogué très ouvertement. Ce n’était en aucun cas une négociation, mais un tour de table et il a d’abord montré combien chacune des personnes présentes était engagée dans l’activité et dans l’avenir du port.

Ce que j’écris ici n’est pas une formule conventionnelle. Président et directeur du port, représentants syndicaux, représentants de nos collectivités territoriales, tous ont marqué leur engagement à voir Bordeaux tenir son rang de « Grand port maritime ».

Les données du problème pour Bordeaux sont difficiles à schématiser dans un billet que j’essaye toujours de faire assez bref et aisé à lire. Tentons pourtant !

Le projet de loi prévoit une dévolution des outillages concernant la manutention aux opérateurs privés présents sur la place (en priorité) et un transfert des personnels, sous garantie d’emploi (retour vers le port autonome si nécessaire)

-La première question est le risque qu’un monopole privé remplace le monopole du port autonome. La place de Bordeaux voit en effet l’intervention très majoritaire du groupe Sea Invest (le groupe Balguerie, qui intervient également, lui est en réalité associé)

-en ce qui concerne les outillages, largement financés par les collectivités territoriales et les fonds européens (à hauteur de 12 millions, pour un total de 19,6 millions), quelle garantie ont ces financeurs que leur contribution ira bien dans le sens du développpement du port de Bordeaux ?

je reviendrai sur cette question primordiale : la garantie d’efficacité du projet de loi.

-en ce qui concerne les personnels, les syndicats contestent la nécessité de les faire changer de statuts, bien qu’ils aient d’ores et déjà un statut de droit privé. D’autre part, leur « retour » éventuel dans le giron du port autonome, ne pourra complètement se faire dans le respect de leurs compétences (ainsi, comment réintégrer un grutier alors que le port en tant que tel ne gérera plus les grues ?)

– les ateliers de maintenance qui auront mission de réintégrer ou de conserver ces personnels, n’ont pas de garantie de viabilité. Ils répondront désormais aux appels d’offres et doivent donc être concurrentiels. Remarquons qu’à Bordeaux, grâce à l’effort de tous (direction et syndicats), ces ateliers sont d’ores et déjà concurrentiels avec un tarif horaire et un savoir faire les classant au meilleur niveau.

Une interrogation fondamentale concernant le projet de loi tient à son absence d’évaluation à terme. Il est supposé remettre nos ports au niveau de la croissance européenne en matière de trafic portuaire.

Or le retard pris par la France est pluri factoriel : absence d’investissement significatif de l’Etat pendant les dernières vingt années, insuffisance des équipements pluri-modaux désservant nos ports (canaux, fleuves, fer, route), organisation portuaire et unicité de commandement de la manutention.

Le projet de loi n’aborde que le troisième point, en apportant comme solution le transfert au privé, et donc en lui conférant désormais un rôle et une responsabilité capitaux dans le développement de l’activité portuaire.

Cela n’est pas que négatif, et il faut éviter de part et d’autre de voir le grand Satan derrière chaque point virgule. Mais ce n’est en aucun cas ni suffisant, ni suffisamment préparé et concerté, ni surtout accompagné d’un effort de l’Etat manifestant une vraie politique maritime. Au contraire, la loi apparait comme une sorte d’alibi au désengagement de l’Etat dans un domaine régalien s’il en est. Au passage, le vieux Colbert doit avoir grand mal à considérer le ministre Bussereau comme son successeur, même lointain !

De plus, l’activité d’un port dépend avant tout du dynamisme économique de son « hinterland » (en bon français : arrière-pays).

Tous ces éléments plaident en faveur d’une évaluation des effets économiques de la loi. A trois ans, à cinq ans, en tout cas une évaluation, permettant de rebattre les cartes si les résultats ne sont pas en accord avec les pré-requis. D’évaluation, il n’est point question dans le texte.

J’interviendrai mardi 17 juin à l’Assemblée au nom de notre port et de notre ville. Il n’est pas indifférent pour moi que ce soit le jour anniversaire de mon élection. L’activité portuaire et maritime tenait une bonne place dans mon programme législatif.

Le nom de Bordeaux est suffisamment signifiant en soi. Celui de l’estuaire qui réunit les députés de la Gironde l’est aussi. Pardon de ce billet un peu technique, un peu imperméable pour ceux qui ne sont pas investis dans le sujet, trop schématique pour ceux qui le sont. Le port est pour beaucoup d’entre nous une conviction profonde, pour l’avenir, pour le développement durable de notre région et pour tout ce goût d’espace et de grandeur que le moindre pimpin ressent en allant flairer sur les quais l’air qui vient du fleuve.

Un an déjà : Ségolène

Il y a un an, un an tout juste, entre les deux tours de l’élection législative, Ségolène (est-il besoin de préciser « Ségolène qui ? ») nous donnait un moment de bonheur, sous un grand soleil d’été, dans les rues de Bordeaux qui sentaient la liberté et le grand large.

Une visite improvisée, sinon impromptue. Une marche dans la ville, chaque pas faisant s’agglomérer à nous un nombre plus grand de Bordelais. Place de la bourse, prise de parole du haut d’un banc, avec une sono crachouillante, au milieu d’un bon millier de personnes.

Ce jour-là, Ségolène -et je l’espère moi aussi- a incarné tout ce que j’aime dans la politique : la liberté, le plaisir d’être et de faire ensemble.

Le lendemain, le Maire de Bordeaux dans Sud-Ouest a déclaré « La candidate socialiste a fait venir le SAMU.. ». De nombreux Bordelais, politiquement plus proches de lui que de moi, m’en parlent encore. Le mépris est un des points faibles du Maire de Bordeaux.

Un an déjà…

Niches fiscales : une question de plafond

Le député Charles Amédée de Courson, fin expert financier du groupe Nouveau Centre, a recueilli hier les applaudissements des bancs de la gauche (et seulement de la gauche) en interrogeant la ministre Christine Lagarde sur le plafonnement des « niches fiscales »

Ce nom plutôt sympathique recouvre une réalité complexe (les « niches » ne sont pas toutes des exonérations injustes, par ex le taux réduit de TVA sur les travaux d’embellissement et d’aménagement) mais la plupart, reconnaissons-le favorisent ceux qui payent des impôts et bien souvent ceux qui devraient en payer beaucoup. Toutes grèvent le budget de l’Etat, bien mal en point à cette heure.

En cinq ans, le coût pour l’Etat est passé de 50 à 73 milliards d’euros, creusant d’autant le déficit public. Les niches non plafonnées entraînent des injustices fiscales exorbitantes : les mille premiers bénéficiaires, dont le revenu annuel atteint 1,2 millions d’euros, ne payent chacun que 100 000 euros d’impôt en moyenne au lieu de 400 000, et 150 d’entre eux n’acquittent aucun impôt.

Charles de Courson a demandé à la Ministre – de plafonner les niches fiscales qui ne le sont pas encore et d’instaurer un dispositif global de plafonnement par foyer fiscal – d’envisager en outre un plafonnement global spécifique du coût des niches fiscales pour l’Etat, plafonnement qui lui parait une condition sine qua non d’une chance de retour à l’équilibre des finances publiques.

Cette double question était si poliment posée et si bien argumentée, de plus par un membre de la majorité, le coeur de la Ministre en garde de nos finances aurait dû en être touché.

Il n’en a rien été. Les niches profitent à des électeurs qu’il convient de ne pas contrarier. La Ministre a seulement répondu que la procédure lui paraissait trop complexe pour l’envisager. Exit le plafonnement des niches !

Suivi et Infogérance par Axeinformatique/Freepixel