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Le cri des oiseaux, les psychiatres et la rétention préventive

Il y a dans la rhétorique des oiseaux, trois niveaux d’expression : le chant, le cri et le cri d’alarme. Les oiseaux ont de la chance, le chant est le plus constant, preuve qu’ils ont un bon naturel et que nous devrions prendre exemple.

J’avais envie au premier moment de ne vous parler que des oiseaux, pour éviter de parler de qui vous savez, pour mettre de la douceur dans le blog après les commentaires du billet précédent, et tout simplement parce que je me suis prise d’un grand amour pour les « oiseaux du ciel » qui, chaque jour plus nombreux, viennent fréquenter mon devant de fenêtre.

Pourtant, le « cri d’alarme » m’a donné envie de vous parler des psychiatres, de Rachida Dati et de la loi qui vient d’être votée au parlement. La possibilité de « rétention », à l’issue de leur peine, des criminels supposés demeurer potentiellement dangereux.

Le mot « rétention » est un mot maquillé : la loi dit explicitement qu’ils auront les mêmes droits et conditions (visites, soins…) que les prisonniers. Exprimé positivement (« droits »), cela signifie qu’ils seront des prisonniers. Pourquoi appeler les chats autrement que des chats, alors que le vocabulaire du droit est (et doit être) si précis ?

Ce qui signifie :
– que les lieux de soins seront assimilables à des prisons. Et que les psychiatres auront à jouer un rôle autre que médical.
– que les commissions qui jugeront de la dangerosité potentielle délivreront en fait un nouveau jugement, contravenant en cela à la loi : seul un nouveau jugement peut modifier un jugement, y compris pour la longueur de la peine.
– que le droit français entérine pour la première fois une peine pour une faute potentielle ou supposée. C’est à dire juge et condamne par anticipation. Badinter a été sur ce point magistral en démontrant la dangerosité de l’acceptation de ce principe. Aujourd’hui on l’applique à une possible récidive pour crime sexuel ; demain, pourquoi pas, à la dangerosité politique. On connait sur ce point le rôle qu’ont joué en URSS les hôpitaux psychiatriques.

Disons en outre que la loi qui vient d’être proposée et malheureusement votée, sous le coup de deux affaires à forte charge émotionnelle, est inutile, comme toutes celle qu’a fait voter Rachida Dati. L’hospitalisation d’office en cas de dangerosité pour soi-même ou pour la société existe déjà et pouvait être appliquée à ces cas.

J’étais ce matin à l’hôpital Charles Perrens . (Non, pas comme malade…). Les psychiatres étaient unanimes : nous n’avons pas à jouer le rôle ni des juges, ni des policiers, ni des gardiens de prison. Les psychiatres sont des médecins et je pense qu’ils vont de nouveau se mobiliser sur le sujet (on se souvient qu’ils ont déjà fait reculer NS et abroger un article de loi)

Comme les oiseaux : pousser un cri d’alarme.

Petit billet d’humeur

Et un peu aussi de docteur… Je n’ai vu qu’hier soir des extraits de la conférence de presse de Sarkozy. On loue son habileté, elle est réelle, mais elle se fissure. Les mécanismes en sont trop grossiers et faciles à démonter. Même la « politique de civilisation » n’amusera pas longtemps la galerie bien que la distance entre la copie (Sarkozy) et l’original (Edgar Morin) soit déjà en soi un vrai sujet.

Ce petit billet d’humeur est en réalité un regard clinique. Sarkozy ne va pas bien. Plus nerveux qu’à l’ordinaire, moins contrôlé, et j’ose le dire , pas tout à fait « dans ses baskets ». Je me souviens d’une série d’ouvrages, il y une vingtaine d’années, qui avait eu un grand succès « Ces malades qui nous gouvernent ». L’auteur dont j’ai oublié le nom démontait les liens entre les troubles des hommes de pouvoir (eh oui, il n’y avait que des hommes…) et leur exercice du pouvoir. Un nouveau tome est certainement à écrire.

Après avoir fait cette constatation, j’apprends que Sarkozy a été opéré et l’a tenu caché. L’opération est sans importance et, en elle-même, ne méritait pas grande publication. Mais qu’aucun bulletin régulier ne soit publié comme cela avait été promis pose question. Cela veut dire que le médecin de l’Elysée (dont Sarkozy avait dit qu’il ferait de lui une star des médias) ne signe pas n’importe quoi, et se garde d’un avis de grand beau quand ce n’est à l’évidence pas le cas.

Tout cela n’est pas follement réconfortant. Et au passage, j’ai vraiment détesté cette conf’ de presse.

Durée légale du travail

Questions d’actualité cet après-midi à l’Assemblée. Nous n’avons pu obtenir de réponse à la question « voulez-vous remettre en cause la durée légale du travail ? ». Ni le Premier Ministre, ni Xavier Bertrand n’ont répondu. Ils ont tourné autour des 35 heures, mais de vraie réponse, point.

Et c’est pourtant la vraie question. Quand on « assouplit », qu’on sussure que « la négociation doit avoir lieu entreprise par entreprise », on postule en effet qu’il n’y a plus de durée légale et que tout est affaire d’arrangement et de détricotage de la loi.

Dans cette période pré-électorale, encore moins que dans les autres, aucun risque d’entendre Sarkozy ni aucun de ses ministres dire simplement « Eh bien, oui, nous voulons revenir aux 39 heures ». La réaction de l’opinion serait sans appel et pourtant le détricotage actuel, les entorses ici, les exceptions là, sont plus dangereux encore.

Pourquoi : parce qu’ils suppriment la notion de durée légale. Or cette durée légale détermine la mise en oeuvre des heures supplémentaires, payées désormais 25% de plus que le tarif horaire normal et défiscalisées. Sans durée légale du travail, les gogos de la politique sarkozienne pourront définitivement « travailler plus pour gagner moins ».

La suppression de la durée légale autorise tous les abus et accentuera les inégalités entre les travailleurs, et plus encore entre travailleurs et privés d’emploi. C’est aujourd’hui, à l’occasion de la conférence de presse, qu’Henri Guaino, le plumitif des discours sarkoziens, aurait dû inscrire un hommage à Léon Blum : il est à l’origine des 40 heures.

Le manque de courage de Nicolas Sarkozy ce matin, avouant qu’il souhaite que « 2008 voit la fin des 35 heures » est affligeant. Que ne dit-il par quoi il veut les remplacer ?

Justement : par rien. Temps de travail et heures supplémentaires à la discrétion des employeurs.

Un Grenelle génétiquement modifié

Quatre-vingt-six pour cent des Français souhaitent un moratoire sur les OGM. Le gouvernement, si prompt à saisir le moindre fait divers et à coller à la roue de l’opinion, a-t-il manqué cette information? ?

Ce moratoire peut être décidé et mis en oeuvre en appliquant la clause de sauvegarde européenne. Il ne concernera que le maïs Monsanto 810, seul autorisé à la culture. La clause de sauvegarde permet à un pays européenn d’interdire un organisme génétiquement modifié autorisé au plan communautaire, en justifiant cette mesure par un dossier scientifique étayé.

L’engagement de saisir ainsi l’Union Européenne est inscrit en toutes lettres dans les conclusions du Grenelle de l’environnement et a été confirmé devant l’Assemblée par le ministre Jean Louis Borloo.

Voir : https://www.legrenelle-environnement.fr/grenelle-environnement/IMG/pdf/Fiche_7.pdf

Depuis, le Gouvernement a reculé en ne mettant en place qu’un arrêt de la vente des semences jusqu’au 6 février. En un mot : on pourra recommencer à vendre juste à temps pour commencer à semer !

Premier test de sincérité pour le Grenelle de l’environnement : il est malheureusement négatif . José Bové, comme nous tous, a cru en la parole donnée et sa démarche actuelle mérite d’être soutenue et relayée.

J’ai d’ores et déjà, en tant qu’élue et médecin hospitalo-universitaire, signé l’Appel pour la liberté et le droit de consommer et de produire sans OGM (www.stop-ogm.org ) .

Berlin

Un mot de Berlin où j’ai fait une courte virée autour du premier de l’an. Une certitude tout d’abord : les Berlinois ont eu beaucoup de malheur dans le siècle passé, mais ils ont eu une grande chance. Ne pas avoir Alain Juppé pour maire au moment de la réunification.

Berlin s’est une nouvelle fois reconstruite : des hectares entiers laissés vides, en particulier autour du terrible mur bâti en août 61, ne demandaient qu’à renaître et à exprimer l’avenir de la ville redevenue capitale. Innovations architecturales et immeubles solides se côtoient de manière assez équilibrée. Sous AJ , les Berlinois auraient risqué ce beau bric-à-brac de petits immeubles disparates qui fait du site exceptionnel de la rive droite de la Garonne une cité jardin digne des bords de la Midouze vers 1960.

(Pour ceux qui l’auraient oublié, la Midouze est le fleuve homérique, célébré dès la mythologie, qui traverse Mont-de-Marsan…)

Berlin donc. J’y suis allée beaucoup avant, peu avant, la chute du mur et maintenant. L’histoire, si formidablement présente à chaque coin de rue, donne l’impression de vouloir être effacée. Les plans ne portent plus ce fin pointillé qui indiquait l’emplacement du mur. Un seul mirador persiste, devenu mini-musée. Le « check-point charlie » est entouré de riants commerces..

Autre trace d’histoire, plus pregnante encore : la guerre et ses bombardements. Les restes, extraordinairement signifiants, de la « Kaiser-Wilhelm-Gedächtnis-Kirche », une haute dent creuse qui correspondait au clocher de l’église bombardée, étaient situés en secteur ouest, et je me souviens que lors de ma première visite, dans les années soixante, avec les « Jeunesses Européennes Fédéralistes » , ce monument nu, tragique, où le moindre nuage paraissait devoir se déchirer en lambeaux, m’avait grandement impressionnée. « La dent creuse » est toujours là, et une pancarte fait appel à souscription pour la réhabiliter. Mais elle est incluse dans un entourage si vivant (une place commerçante garnie de sapins de noël) que, ce jour-là au moins, la paix semblait s’être faite autour d’elle.

La différence d’atmosphère entre Berlin Ouest et Est demeure pourtant perceptible. Autour de « l’Ile aux musées », qui était située à l’est, des petits étals de pauvres marchandises venues de la Pologne toute proche racontent une histoire toute différente que les boutiques opulentes du Kurfürstendamm. Ce n’est plus bien sûr cette odeur de tourbe, utilisée alors pour le chauffage, ce maigre éclairage, ce silence qui m’avaient frappée lors de ma première visite à l’âge de 15 ans, juste une idée, une sorte de parfum discret d’une « civilisation » déjà lointaine…

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