Je ne voulais pas commenter la déclaration de candidature d’Alain Juppé à la Présidence de la République. Nous avons trop de candidats dans notre camp pour nous réjouir ou attrister de ceux de l’autre. Mais le contenu de sa déclaration m’y incite.
Cette candidature est légitime. Il est logique que les anciens premiers ministres ump, au surplus Maires d’une grande ville, s’interrogent, et même se répondent. Elle n’est pas une surprise : de dénégations en allusions, nous savons que cette ambition, cette attente, n’a jamais quitté Alain Juppé. Si je n’apprécie pas toujours ce « fluctuat » permanent à l’égard du gouvernement actuel, mais je peux comprendre qu’il ne trouvera de salvation durable à sa condamnation de 2006 qu’à cette hauteur d’entreprise. Il est ainsi.
Elle vient aussi dans un moment que l’on peut considérer comme politiquement favorable : après la débâcle sarko-gouvernementale des Régionales, et peu après la déclaration empanachée de Dominique de Villepin. Juppé a analysé les échos médiatiques du nouveau Parti villepiniste, et il a considéré à juste titre qu’ils étaient plus que mitigés. C’était le moment s’il voulait lui aussi exister dans le choeur des concurrents à la candidature face à la montée en puissance de Fillon.
Jusqu’au choix du dimanche qui ouvrait lui aussi une bonne fenêtre de tir. L’actualité non sportive du lundi est souvent maigre, ce qui lui ouvrait les pages des quotidiens. C’était sans compter sans la grève du journal Sud Ouest ni l’attentat moscovite, mais là, Juppé n’est pour rien.
Ce sont les formules qui ont accompagné la déclaration qui déçoivent. Au coeur de la gabegie sarkozienne, qui a je l’espère pour longtemps décrédibilisé les déclarations creuses, le volontarisme de gare et les prudences de matamores, Juppé a promis de « donner du sens aux réformes ». Quelles réformes ? Pouvoir d’achat ? Retraites ? Chômage toujours croissant ? Nul ne saurait quel champ viseraient ses réformes, dans quel sens elles iraient, seulement qu’elles en auraient un.
Plus fort (même un socialiste extrème n’aurait pas osé le faire ) : il fallait réconcilier la compétitivité de la France et la solidarité. Pour tout dire, c’est l’oeuf de Colomb. Qui d’autre aurait pu y penser ? Songé à le formuler ? Eu l’audace de le proclamer ?
Même le bouclier fiscal en a pris un coup. Un petit coup, pas question de le briser comme le vase de Soisson. Dans certaines conditions, il faut que « les plus riches »puissent » contribuer à la solidarité ».
Je l’avoue, j’attendais plus de grandeur de la politique. Elle existe, mais pas forcément parmi les grands. Plus de courage et plus d’idées aussi. La déclaration de Juppé fait-elle dresser l’oreille, éveille-t-elle un espoir, comble-t-elle une attente autre que la sienne ?