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Mais qui sont donc ces deux-là ?

A mon âge, à mon âge exactement deux jeunes gens de ma connaissance, voire même de mon amitié, ont écrit un livre.

Pourquoi dis-je que ces deux jeunes gens sont jeunes ? Parce qu’écrire un livre est la précise démonstration de ce qui définit la jeunesse: la capacité de s’investir dans l’avenir. Qui a commencé un livre connait l’austérité de la démarche : y parviendrai-je ? combien d’heures, de semaines et de mois pour « cela » ? Et pourquoi faire ? Où ce livre ira-t-il, qui le lira, qui, s’il le lit, en retiendra la substantifique moelle ou que je crois telle ?

Qui a terminé d’écrire un livre, sait qu’il n’a répondu à aucune de ces questions. Qu’il a seulement parié sur elles et sur le morceau d’avenir qui lui permettrait de gagner ou de perdre son pari.

Je reviens à mes deux jeunes gens. Si, tous, nous les connaissons tous les deux, eux ne se sont jamais connus : 20 siècles les ont séparés.

Vingt siècles, et pourtant nous sommes capables d’éprouver pour eux de la familiarité. Vingt siècles et pourtant, ces deux jeunes gens ont donné à leur livre un titre strictement identique. Comme on le sait, ceci est formellement interdit par la société des auteurs, à une restriction près : que ce titre ne comprenne qu’un seul mot.

C’est le cas. Pourtant, même si ce titre était plus long, je doute que l’un eût fait un procès à l’autre ; que l’éditeur de l’un ait accusé l’éditeur de l’autre de complicité de plagiat dans l’espoir de faire monter la pression médiatique autour des deux ouvrages. J’ai en effet la certitude que ni l’un ni l’autre de mes deux jeunes gens aient eu besoin de ces vils procédés. Jeunes ils étaient, mais nul d’entre eux n’avait nécessité de faire carrière, ni de figurer au top ten des meilleures ventes. Tous les deux sont des « auteurs durables ».

Qui sont-ils ? Celui qui le premier trouvera le nom de mes deux « conscrits » d’écriture, ne gagnera ni des millions, pas davantage l’inoxydable jeu des mille francs. Mais certainement l’estime des estimables lecteurs du blog. Et il me permettra de poursuivre mon billet…

Identité trans-genre : rencontre d’Olivia Chaumont

En prolongement du colloque que j’ai organisé à l’Assemblée nationale sur « Les questions sociales et juridiques posées par les souffrances liées à l’identité de genre »,

je vous invite à rencontrer Olivia Chaumont, qui témoignera de son expérience personnelle de transsexuelle et de son engagement pour la reconnaissance de ce statut.

Le jeudi 4 mars à 17 h 30
au Connemara, 18 cours d’Albret à Bordeaux

Cette rencontre se situe en pleine actualité, au lendemain de la publication du décret de Roselyne Bachelot rompant le lien entre affection psychiatrique et changement de genre.

De plus, Olivia Chaumont, à la suite de son changement d’identité, se trouve être la première « soeur » reconnue au sein du Grand Orient de France.

J’invite les amis bordelais du blog à participer à la présentation des actes du colloque et de l’expérience personnelle d’Olivia Chaumont, ainsi qu’au débat qui suivra.

La sortie des plantes gélives

Ce n’est pas le plus reposant, mais c’est sans conteste un des plus agréables de l’année : le moment de sortir les plantes « gélives » de leur repaire d’hiver.

Repaire d’hiver, que malgré beaucoup d’efforts (chauffage pour les plus durs moments, couverture par des voiles telle mariée marocaine…) n »est pas leur favori : les plantes, comme moi, aiment humer dans l’air encore froid la promesse de jours meilleurs. Le confinement ne leur réussit guère.

Il est étrange que j’ai écrit « gélives » entre guillemets. Gélive est un mot très honnête, approuvé par l »Académie, voire même par plusieurs, et trainant derrière lui plusieurs siècles d’usage et d’expérience.

La vie est ainsi faite : beaucoup de nos mots, parmi les plus beaux, les plus signifiants, les plus naturels, deviennent déponents, et on ne les utilise que sur la pointe des pieds ou, plus justement désormais, d’un doigt malhabile sur le clavier de l’ordinateur. Les mots déponents sont au clavier de l’ordi, ce que les notes d’un adagio sont au clavier du piano : retenus, maintenus sous un voile de tristesse et quelquefois, tragiques. « Déponent » lui-même n’est pas en grande santé.

Je me suis écartée, comme souvent, du coeur de mon sujet. L’écart, s’il n’est pas coeur de la pensée politique, est bien souvent le coeur de la littérature, ou plus modestement de l’écriture qui, elle, va, on le sait depuis Montaigne, par sauts et gambades, là où elle veut et même quelquefois, où elle ne veut surtout pas.

Les plantes gélives, il n’y a pas lieu d’être Michel le jardinier pour en avoir à la fois l’assurance et l’expérence, cèdent au gel. Certaines d’entre elles s’appellent des « succulentes », ce qui ne manque pas de poésie. La plupart ne sont que des plantes ordinaires, qui ne succulent d’aucune façon, mais n’aiment pas se geler, ce qui est d’ailleurs la condition ordinaire de la totalité des humains que nous sommes.

Entre deux averses donc, en ce jour incertain situé à la veille de mars, comme un candidat au suicide penché à sa fenêtre, j’ai attaqué la courte (mais lourde) transhumance des plantes gélives vers leur jardin. Le jardin n’étant à l’évidence pas le mien, mais le leur : elles y vivront longtemps après que je ne saurai plus rien de lui, ni des mille aventures qui l’agitent en cette saison plus encore qu’en les autres.

Mon père avait un principe (il avait pourtant plus de pratiques que de principes) : il ne gèle pas à Bordeaux après le 18 février. Pourquoi le 18 ? Je ne l’ai jamais interrogé pour ne pas faire perdre à ce principe la part de mystère et d’irrationnel que contiennent tous les principes. Celui-ci n’est pas absolu, mais bon an mal an, il n’a jamais été lourdement démenti, ce qui n’est déjà pas si mal.

Ce n’est pourtant qu’à la veille de mars, que j’ai entrepris ce joyeux déménagement, cette première sortie d’écolières confinées en leur austère pensionnat ; ce qui prouve au moins deux choses : la première est, qu’après six décennies, j’ai acquis avec l’oedipienne condition des filles une part non négligeable de liberté. La seconde, plus décisive , est que la liberté d’un dimanche après-midi l’emporte sur les contraintes à la fois du calendrier et de l’enseignement freudien.

A cet heureux constat, s’ajoutent d’autres plaisirs : c’est précisément en cette période que de toutes petites violettes amorcent un tapis dans toute une partie du jardin. Ce signe favorable n’est pas le seul, les oiseaux, les infimes bourgeons de l’aubépine et du lilas, ajoutent à cette forêt de symboles, conscients et inconscients, qui disent à l’animal le plus obscur, le plus âgé, le plus fragile que le meilleur, le plus doux, le plus chaud du temps est à venir.

Le Grand Stade prend l’eau

Les Bordelais sont gens raisonnables et le baromètre trimestriel de la CUB en témoigne.

Il s’agit d’un sondage trimestriel évaluant l’opinion des habitants de l’agglomération sur ses grands projets. Moins de la moitié d’entre eux (48%) se déclarent aujourd’hui favorable à la réalisation du Grand stade alors qu’il étaient 61% il y a trois mois. L’évolution démontre leur juste perception des hypothèques qui pèsent sur le dossier.

J’ai évoqué précédemment celle qui me parait la plus dangereuse : l’absence d’assurance sur la garantie des loyers censés payer la contribution de l’équipe des Girondins. Rappelons que cette contribution correspond à plus de 50% de l’investissement initial, ce qui est presque sans précédent s’agissant d’un équipement public.

Ceci ne va pas sans question : un équipement financé à majorité par le privé peut-il être considéré comme un équipement public, auquel pourront être imposées les attributions et les charges relevant du service public ?

La réponse est d’ores et déjà « non » : ce stade ne profitera qu’au club des Girondins et il est libre d’obligations envers les petits clubs, les établissements scolaires…

On peut alors renverser la question : les contribuables ont-ils à financer à hauteur de 65 millions d’euros (20 par l’intérmédiaire de l’Etat, 15 de la ville, 15 de la Région et 15 de la Cub) un équipement dont l’usage est réservé à un club privé ?

Cette question est l’objet du recours administratif déposé par le groupe municipal des élus socialistes, à l’initiative de Matthieu Rouveyre.

Les Bordelais sont pour le moins en droit de s’interroger. Et de se répondre.

Lisette Model ou l’art d’écrire.

L’actualité politique s’assoupit un peu. Au moins l’écho que nous en recevons, car le monde ne vit pas à l’heure des élections régionales françaises.

Je saisis au vol un morceau d’émission à France inter. La radio n’est pas la meilleure façon d’accéder à la magie de la photographie. Une émission à propos de l’exposition consacrée à Lisette Model me fait souvenir du sortilège de cet art étrange qui parait à portée de tous. J’aime photographier, et le photo-blog témoigne de beaucoup de mes indiscrétions quand l’expression d’un visage (fût-il celui d’une statue) me donne envie de l’écrire sur le papier.

J’emploie volontairement ce mot quasi-sacré : écrire. Le portrait, quel qu’en soit le mode ou le média, est une écriture. Lisette Model, au nom si incroyablement juste et qui parait presque choisi, est l’illustration de cet art d’écrire avec n’importe quelle forme de stylo.

Six photos d’elle seront la récréation de ce blog.

Suivi et Infogérance par Axeinformatique/Freepixel