Les retraités sont-ils devenus des casseurs ?
Je n’avais pas d’appareil photographique et je le regrette : la ligne de forces de l’ordre en armes, barrant les portes de la Maison Cantonale devant des retraités qui venaient de marcher deux heures dans le froid aurait été de ces images résumant sans mot dire la politique sécuritaire qui règne dans notre pays comme à Bordeaux.
Les médias s’étaient retirés : nous n’aurons pas de trace de cet abrégé d’absurdité et de mépris.
Une manifestation unitaire des retraités (tous syndicats et mouvements confondus) avait lieu aujourd’hui dans les rues de Bordeaux, comme d’ailleurs dans de nombreuses villes. Succès certain : 800 retraités (600 pour la police, 1000 pour les manifestants, comme d’hab), parfaitement pacifiques et responsables ont défilé dans la ville et leur parcours témoigne de la modernité de leur action : le journal Sud Ouest, la chaîne de télévision Bordeaux 7 ont eu leur faveur, plutôt que l’habituel trajet « République-Mairie » des manifestations habituelles. Banderoles et drapeaux, d’une grande variété, montrant la diversité des sensibilités mais aussi l’unité des préoccupations.
Elles sont fondamentales et je les partage toutes :
– la reconnaissance du rôle des retraités et des âgés en général. Rôle économique mais plus encore rôle de maintien de la cohésion sociale. Que seraient bien des familles sans le soutien -sous toutes les formes- des retraités ? Comment irait la société elle-même sans l’aide et l’appui, le dévouement des associations dont les retraités sont la cheville ouvrière et qui viennent bien souvent pallier aux carences de l’Etat et secourir ceux qu’il oublie ?
– la revalorisation des retraites et la dénonciation des plus faibles d’entre elles; Sait-on assez qu’un million de retraités -femmes principalement- vivent au dessous du seuil de pauvreté ? Et que tant d’âgés ne connaissent, à la fin d’une vie de travail, que les restrictions dans les besoins quotidiens, le mal-logement et les difficultés d’accès aux soins ?
Les retraités avaient aujourd’hui convié les élus de toutes sensibilités à les rencontrer à la Maison Cantonale de la Bastide où finissait leur parcours. Ils y sont arrivés, pour beaucoup, un peu las de leur longue marche. Les plus âgés, qui n’avaient pu suivre le cortège, avaient choisi de rejoindre la manifestation dans ce lieu : tous ont trouvé porte close. Le Maire de Bordeaux avait décidé de leur fermer la Maison du Peuple.
Dépassant leur fatigue ou les contraintes de leur âge, ils ont assuré la rencontre sur le parvis. Le vent froid ne désemparait pas. Je ne suis pas sûre que les forces de l’ordre, habituées à d’autres affrontements, étaient très satisfaits de leur mission. Le débat a eu lieu devant eux, posément bien sûr, mais non sans conviction, ni sans engagement.
Tous les élus savent-ils que les lieux publics et tous les domiciles de la République n’appartiennent pas à eux, mais à Elle ? Bien sûr, ils doivent les protéger des dégradations, comme des fréquentations qui pourraient la compromettre.
Les retraités sont tout, au contraire, le pôle de solidité et de cohésion de nos familles, du monde du travail et de la société toute entière.