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Le retour des départs

La reprise de la session parlementaire aujourd’hui marque le retour des départs très matinaux vers Paris chaque semaine. Ils sont devenus une sorte de rituel, très sensible aux changements de saison qui décorent et illuminent très différemment le tunnel de paysages où roule le train. C’est le grand prodige de la nature que ce mélange d’immuabilité (le paysage est en réalité le même, le cycle des saisons est fixe depuis des millénaires) et de variabilité extrême qui fait que d’un jour ou d’une heure à l’autre, tout change.

Quasi-rituel aussi un morceau de conversation, partagé avec l’un ou l’autre de ces voyageurs du matin. Aucun de ceux-là ne va à Paris pour visiter la tour Eiffel ou le Grand Bon Marché. Les ordinateurs s’ouvrent avant le départ du train, le journal cache les visages, les serviettes noires attendent aux pieds comme des serviteurs fidèles. Reconnaissons-le, la parité est bien mal représentée et dans mon wagon présentement, j’aperçois plus de crânes chauves que de chevelures bouclées (à vrai dire ce matin aucune chevelure bouclée).

L’échange était tout à l’heure avec Bernard Fath, maire de Léognan et conseiller général. Bernard disparaissait dans une double page de Sud Ouest consacrée à la LGV qui le préoccupe beaucoup : elle traversera son canton et l’on devine que cela n’ira pas sans retentissements ou réclamations territoriales.

Le ciel s’éclaircit au dessus des toits d’Angoulème, en partie blanchis de neige. Bernard est retourné dans son journal, moi dans mon ordi et maintenant dans une pile d’articles et de dossiers que je réserve à ces trois heures suspendues deux fois par semaine entre mes deux villes de résidence.

Un souvenir de Camus

J’ai laissé passer l’exact anniversaire de la mort de Camus. Non sans y penser comme je pense chaque mois de juillet à la mort plus tragique encore d’Hemingway. L’un (Camus), plus encore que l’autre, fait partie de mes compagnons de vie, ces écrivains devenus familiers autant par leur personne, par le tissu de leur vie que par leur oeuvre.

Ce n’était pas pour Camus un suicide. Il avait un roman en cours, dont le manuscrit l’accompagnait et fut retrouvé le 4 janvier à quelques dizaines de mètres de la Facel Vega, mais il avait une conscience du temps qui passe et du temps qui reste qui donne à la mort une signification, une acuité particulières.

Quelques mois plus tôt, mon père lui avait demandé de présider une sorte de haut conseil des programmes de ce que l’on appelait alors la « Radio Télévision Française ». On était loin à cette époque de la dictature de l’audimat.

Camus a pris la peine de venir le voir pour lui expliquer la raison qui le faisait refuser : il avait conscience de n’avoir plus le temps et il voulait consacrer ce temps qui reste à l’essentiel.

Je ne vois dans cette histoire aucune prémonition, même si son accident quelques mois plus tard nous l’a marquée davantage encore en mémoire. Elle exprime bien davantage, me semble-t-il, qu’ un certain nombre d’hommes, préoccupés de tout autre chose que du quotidien, vivent avec cette horloge intérieure et qu’elle leur donne à la fois beaucoup d’obligations et beaucoup d’indépendance.

Contre vents et gelées

On connait les chasseurs alpins, leur insigne et leur large béret, leur énergie à fendre verglas et autres intempéries congelant pieds et mains. Ceux-là ont fait des émules : les tracteurs alpins.

Ces bataillons d’élite ne se recrutent pas au GIGN mais dans les rangs du Parti Socialiste. Qui déclarait, il y a six mois, ce parti mort et enterré, n’avait guère d’expérience de ses légions… D’ailleurs, ceux-là ont aujourd’hui mis une forte sourdine à leurs propos. Les soins palliatifs ne s’exercent pas toujours envers qui l’on croit. Notre Président commence d’en prendre conscience.

Je reviens à nos bataillons alpins. Un gros quarteron était ce matin à l’oeuvre à Bordeaux. Peu reconnaissable car décoré de bonnets et doubles chaussettes dans le vent délicieux et glacé qui court entre les tours et les barres du Grand Parc, entrain d’essayer de fourrer à main découverte l’excellente lettre de la conseillère générale dans des boites à lettres mieux faites pour recevoir le timbre poste que la lettre entière ou répondant vaillamment aux questions sur la grippe H1N1 dans le courant d’air furieux des marchés.

Une dame à laquelle je remettais l’excellent document précité m’a répondu « Ah, Michèle Delaunay, je la connais bien, elle fait du bon travail ! »

J’ai été toute réjouïe, évidemment ; mais, quand elle a ajouté « je voudrais bien savoir ce qu’elle pense de la vaccination », j’ai compris les mérites de la burka d’écharpes où je disparaissais, et je n’ai pas eu le courage d’avouer, ni de vanter davantage les mérites de ce vaccin en particulier, non plus que des vaccins en général. Vaccin ou pas, nous n’aurions ni l’une, ni l’autre résisté bien longtemps.

On comprendra je pense que ce billet n’a d’autre objet que de rendre hommage à chacun des membres de la troupe d’élite qui, ce matin sur le terrain, a vaillamment défendu les valeurs du socialisme contre vents et gelées.

L’ours impartial

« Ours impartial », ce pourrait être le surnom d’un gentil scout ou d’un indien de la tribu de Jeronimo. C’est celui – avec bien d’autres – qui convient à Philippe Seguin que nous sommes nombreux à regretter aujourd’hui.

Il venait souvent à l’Assemblée, en face de la commission des affaires sociales dont je fais partie, présenter les rapports ou les analyses de la Cour des Comptes à laquelle il avait donné un visage (et quel visage !) et une voix (et quelle voix !). Lors d’une de ses dernières visites – il s’agissait de l’analyse de l’impact budgétaire des réformettes du système de santé des gouvernements successifs de la droite sur les comptes de la sécurité sociale -, le verdict, son verdict, était accablant mais bien sûr exprimé avec cette retenue bienséante qui fait partie des attributs de la Cour. Philippe Séguin y ajoutait son éloquence très charnelle, sa voix et son coffre de baryton et son humour très fin, témoin de sa pétillante intelligence.

A ces occasions, nous avons plusieurs fois eu l’occasion d’ « échanger », comme on dit maintenant. La dernière donc, je l’ai interrogé sur l’étrange raison qui ferme les comptes des établissements privés de santé aux regards de la Cour. Etrange, puisqu’il s’agit de financement public et donc, légitimement, de contrôle public.

Sa réponse avait été, à la fois si fine et si passionnée, que j’ai compris qu’elle signifiait qu’il serait bien content qu’un(e) député(e) se charge de ce combat. Et j’ai commencé à interpeller le gouvernement, avec la ferme intention de ne pas lâcher prise.

Las, c’est lui qui a lâché, et la vie, et un poste où il sera difficilement remplaçable. Dans cette République sans exemplarité et sans courage, qui aura la stature d’exercer et d’exprimer un contrôle impartial sur le budget et les dépenses de l’Etat ?

Lire le communiqué de presse

Les soldes

Coller à l’actualité : c’est le précepte de Nicolas Sarkozy, donné à ses Ministres. Je colle donc.

Les soldes, jamais davantage d’actualité qu’en ce premier jour. Les soldes sont aujourd’hui au devant de la scène politique, ce qui n’est quand même pas tout à fait banal.

Dix, vingt, trente millions de doses dont nous n’aurons pas besoin. En réalité, sans doute près (ou plus) du double, cédées au plus offrant. Pourquoi cela ?

La Ministre de la santé vient de donner une explication qui, au contraire, l’accable : »Une épidémie, ça se gère au jour le jour. La situation doit être revue à chaque instant ».

Justement. Et c’est l’occasion de poser une nouvelle fois sur ce blog une question qui n’a jamais reçu de réponse (même en direct lors des « points » réguliers à Assemblée faits par Roselyne Bachelot) : pourquoi avons-nous acheté dès juillet dernier 94 millions de doses de vaccins, comptant en quelque sorte traiter 50% en plus de personnes que n’en compte notre population ? Que n’a-t-on attendu de savoir davantage : combien de malades potentiels, combien d’injections nécessaires à une vaccination stable ? Combien de candidats à cette vaccination ?

Aucune explication plausible, aucune explication officielle non plus, n’a jamais été donnée.

Pas d’explication officielle non plus à une autre question : pourquoi les vaccins ont-ils été négociés en France à un euro de plus par dose que dans les autres pays européens ?Un euro de surcoût, pas un euro de coût ( le coût est grossièrement de 6 euros au lieu de 5) ?

A cette deuxième question, il n’y a eu qu’une explication officieuse, jamais démentie : par ordre personnel de Nicolas Sarkozy de ne pas « marchander » davantage. Un euro, multiplié par 94 millions, de nos jours, ça va, ça vient ; n’est-ce pas médiocre, pour un pays qui s’appelle La-France de marchander pour de telles vétilles ?

Quatre-vingt quatorze millions d’euros, ça va, ça vient. Faut-il en plus avoir la médiocrité de se demander « où ? ».

Suivi et Infogérance par Axeinformatique/Freepixel