Non, ce ne fut pas un grand jour pour la République, non plus que pour la vérité, cette grande dame qui entretient des relations si difficiles avec sa sœur prolétaire, la réalité
Nous étions le 12 décembre. Alain Juppé et le Préfet Dominique Schmitt s’étaient porté ensemble à l’initiative d’une cérémonie d’accueil aux nouveaux Français, naturalisés à Bordeaux dans l’année. Dans le contexte du débat sur l’identité nationale, cette entreprise qui est une nouveauté à Bordeaux prenait un sens particulier.
Discours d’Alain Juppé. Premier hic. Le premier magistrat en sa bonne ville précise que c’est lui et sa municipalité qui invitent en ce beau jour, et que la manifestation se tient dans l’enceinte du Grand Théâtre puisque lui et elles en sont propriétaires.
Manqué ! Le Grand Théâtre appartient aux Hôpitaux de Bordeaux (désormais au CHU) et c’est bien méconnaître la très belle histoire de cette propriété qu’ignorer ce fait qui date de la royauté et a été confirmé après la révolution par une nouvelle donation à ce que l’on appelait alors « les hospices ».
La suite du discours n’est pas plus fidèle à la vérité historique. Notre normalien de Maire part sur une belle dissertation sur les trois mots inscrits au fronton de nos mairies. Il les attribue, comme ce matin dans Sud Ouest, à la Révolution française et à ses pères fondateurs. « Deux cents ans et ces trois mots de Liberté, Egalité, Fraternité n’ont pas pris une ride ».
Las ! Ce beau front sans rides est du à une erreur de date et une deuxième propriété fautive. La Déclaration des Droits de l’Homme ne connaît que « Liberté » et « Egalité » et la Révolution française n’en a jamais fait sa devise officielle. Ce n’est qu’en 1830 que la trilogie est apparue sous la plume du socialiste Pierre Leroux et du Républicain Ledru-Rollin et ces trois mots ne seront reconnus comme les « principes » de la République qu’en 1848.
Pas de chance décidément.
Le couronnement (si l’on peut oser le mot) vint pourtant avec le discours du Préfet, déclarant en nous invitant à débattre de l’identité nationale qu’il était « le représentant du chef de l’Etat et du gouvernement ».
Point du tout ! Le Préfet ne représente pas le chef de l’Etat, mais l’Etat, cet Etat impartial, démocratique et républicain, qui fait que là où il est présent est présent l’Etat et ses principes.
Il y a des matins où les erreurs sont plus signifiantes que la vérité..