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9 novembre 89 : promesse tenue

L’anniversaire des événements marquants a cette vertu de nous faire aussi nous souvenir de ce que nous faisions nous-mêmes à cette date.

Nicolas Sarkozy et Alain Juppé qui étaient ensemble à Berlin avec une délégation du RPR ont évoqué aujourd’hui ce voyage. Je n’ai pas eu la même chance de me trouver au cœur de l’événement, j’y vais pourtant moi aussi de mon petit souvenir.

Vingt ans plus tôt, dans les années 69, je faisais partie des « Jeunesses Européennes Fédéralistes » et nous avons à ce titre organisé un voyage à Berlin pour voir ce mur briseur d’Europe et de liberté. Trois ou quatre jours ensemble dans une auberge de jeunesse et chaque matin des exposés de jeunes fonctionnaires allemands de l’ouest nous parlant de leur histoire récente. Une après-midi, nous avons suivi en autobus toute la longueur du mur, avec force stations et visites des « musées du mur » qui longeaient sa route. Un jeune fonctionnaire, très talentueux, commentait la visite. Nous avons sympathisé et longuement discuté au dîner et en nous séparant, nous nous sommes promis de voir la chute du mur de notre vivant.

La promesse ne m’engageait guère : mon influence sur la date de cette chute, qu’à l’époque déjà nous considérions comme inévitable, était faible hors de m’engager à porter la bonne parole d’une Europe unie. J’espère que mon fonctionnaire était bien vivant en 89 et qu’il a pu vivre ce moment pour lequel il donnait beaucoup de son temps.

Et le 9 novembre 89 est arrivé. Je n’étais pas à Berlin mais sur le port de Marseille, pour le dîner d’un congrès médical international, avec en face de moi le Pr Bernard Ackerman, pathologiste mondialement connu de l’Université de New York. La nouvelle nous est parvenue à mi-dîner : le mur est entrain de s’ouvrir. « Bernie » qui était juif émigré a manifesté ses craintes de voir une Allemagne unie devenir trop forte et déséquilibrer le concert des nations. J’ai esssayé de le convaincre et tous autour de lui se réjouissaient de voir le « bloc » de l’Est sortir des murs qui l’enserraient.

Alain Juppé ce matin a eu l’heureuse initiative de célébrer l’événement dans la cour de la Mairie : devant deux grands pans de ce mur, l’un portant l’inscription « we can » et l’autre « Do or die », une violoncelliste a rendu un double hommage à la liberté et à Rostropovitch. Le soleil, comme un symbole, repoussait au delà du cercle de l’assistance le froid dur de la matinée.

C’était une belle heure, comme ce fut un beau jour.

La politique, c’est pas toujours sérieux

Forum social, hier au Hangar 14 à Bordeaux. Rencontre en apparence assez détendue, où chacun peut parler, intervenir, interroger ; et l’occasion de beaucoup d’appartés toujours positifs.

Le Conseil Général était un partenaire actif de la manifestation : il ne lui pas été laissé par la Municipalité de Bordeaux une place en proportion de son rôle dans ce domaine à Bordeaux et on ne peut que le regretter. La politique est toujours meilleure quand elle est pratiquée avec un peu de hauteur de vue.

C’est pourtant d’un moment assez drôle que je veux parler : le débat final. Sur le plateau, comme d’hab, un seul acteur politique : le Maire de Bordeaux. Comme trame du débat : le jeune agenda 21 de la ville de Bordeaux, plus fort de proclamations que d’ébauches de réalisations. Pas un mot, comme d’hab aussi, de l’agenda 21 du Conseil Général qui vient pourtant d’être primé par le Ministère de l’environnement.

Autour d’Alain Juppé, Corinne Lepage, députée européenne et présidente de CAP21, mais aussi ancienne ministre du lointain gouvernement Juppé dont elle fût une jupette plus durable que les autres -voilà qui garantissait un débat raisonnablement obédient- ; Pierre Saglio, Président d’ATD Quart monde et Jean Louis Sanchez, délégué général de l’ODAS, l’observatoire national de l’action social décentralisée.

Je fais tout de suite amende honorable : je ne connaissais ni l’ODAS, ni son délégué général, dont le discours inarrêtable a finalement été interrompu par l’horaire de son départ en avion. La matière de ce discours était résumée dans une expression qui vient selon lui du Québec : « La France est riche de droits mais pauvre en liens » et son émouvant plaidoyer était pour qu’enfin nous trouvions le chemin de l’entraide, de la fraternité, de la solidarité, du regard vers l’autre, de la compassion et tant d’autres beaux mots dont notre pays est selon lui privé.

Alain Juppé a repris aussitôt à son compte l’expression québecoise stigmatisant cette France plus forte de droits que de liens sociaux et enfourché la même antienne. Nous allions de déploration en déploration quand soudain le Maire de Bordeaux s’est avisé qu’il parlait au milieu d’un parterre de militants associatifs qui venaient d’engloutir leur samedi, et bien d’autres jours de leur vie, dans l’action sociale.

Demi-tour toutes ! Le pays tout entier, non, mais notre ville est redevenue d’un coup le temple de la solidarité, de la compassion, du regard vers l’autre… Voir plus haut la liste complète de toutes ces nobles qualités. Conscient que quelques esprits mesquins apercevraient le changement brutal de discours, Juppé a glissé « qu’il assumait ses contradictions ».

Les autres orateurs sauf Pierre Saglio, étaient partis. L’heure continuait d’avancer et Juppé de débattre avec lui même avec l’assurance de n’être point contredit par d’autre que par lui .

Avec Evento, Alain Juppé célèbre Sarko et l’art déceptif

Evento, son budget colossal, demeurent une interrogation pour la majorité des Bordelais.

La majorité de cette majorité n’en a rien vu. « Sur le terrain », je n’ai pas rencontré UN Bordelais qui ait assisté à une seule des manifestations de cet événement interplanétaire. Je le reconnais, mon « terrain » a été ces derniers temps au plus proche du réel, des âgés, des rues, de la vie. Sans doute n’est-il pas exhaustif.

Hors du « terrain » cependant, j’ai interrogé des acteurs culturels susceptibles de m’instruire : « Quelle est la signification d’ « Evento ? » « De quel message est-il porteur ? »

Une interprétation, sans doute simpliste, m’a été donnée par quelques mauvais esprits : Alain Juppé n’est pas capable d’inventer, il suit. Il veut un événement d’art contemporain parce que Nantes l’a fait. Il veut un grand stade parce que Collomb, maire de Lyon, en dit du bien. Je le reconnais, ce jugement, qui n’est pas le mien mais que je ne trouve pas pour autant sans intérêt, est réducteur et court-termiste : il y a derrière Evento une vision à plus long terme et un sens politique plus profond.

J’ai mis du temps à le comprendre. Il me semble aujourd’hui avoir une idée de la vision du Maire de Bordeaux.

Nous avons vécu, au temps des « Cerises », sa volonté de servir, de rejoindre le gouvernement et d’en porter les objectifs.

De cette volonté est aussi née « Evento », dont l’objet, à mi-mandat présidentiel, est fondamentalement de célébrer la politique de Nicolas Sarkozy et de son gouvernement.

Cette politique se résume, non pas d’un mot, mais d’un concept : « l’art déceptif ».

L’art aujourd’hui, comme la politique gouvernementale, est-il fait pour satisfaire, donner envie du beau et du bien, élever ce qu’autrefois on appelait « le peuple » ? Est-il fait pour réunir dans une même culture, un même goût, une même aspiration, les Hauts et les bas de Seine, Neuilly et la Courneuve, le Parc bordelais et le Grand Parc ?

Que nenni ! Ces temps-là sont révolus et « Evento » aujourd’hui nous ouvre la voie et livre au grand jour sa signification profonde : l’art et la politique ont aujourd’hui en France et à Bordeaux pour mission de décevoir. Objectif rempli, tant pour les 30 premiers mois du mandat présidentiel que pour Evento.

L’Art, comme au XVème siècle avec la Renaissance, comme au XVIIIème avec les Lumières, l’Art est aujourd’hui le vecteur du message politique de la France et de son gouvernement, et Bordeaux en est le phare :

L’art, aujourd’hui, doit décevoir, porter haut le nom de ce beau concept d’ « art déceptif » dont Bordeaux est désormais la figure de proue.

L’Art doit montrer au peuple, quand par hasard il s’égare à rencontrer une voiture emboutie ou garnie de tuyaux bleus, quand devant lui un morceau de terrain vague entre deux murs est qualifié d’ « oeuvre », l’Art doit montrer au passant ordinaire qu’il ne compte pour rien au regard de la gloire du big brother, local ou national, qui a décidé pour lui du beau et du bien.

L’Art de tout temps, a été critiqué par les artististes eux-mêmes, pour son utilisation politique. Il doit aujourd’hui à Bordeaux être célébré pour cela.

Quatre millions et demi d’euros ne sont pas trop si l’on doit enfin comprendre la politique qui nous gouverne.

Plan cancer : bonnes intentions, lourdes contradictions

Les « plans » affichent rarement de mauvaises intentions ; je me réjouis pourtant sans réserve de l’axe majeur qui a été choisi pour le deuxième plan cancer : la réduction des inégalités devant la maladie.

Sans réserve, mais non sans crainte : la réduction des inégalités en face de la santé et des soins n’est pas le point fort de ce gouvernement. Les franchises médicales, l’absence de toute action pour réduire les dépassements d’honoraires, contraignent un nombre croissant de Français à renoncer aux soins ou à les retarder et j’ai interpellé hier la Ministre dans l’hémicycle en particulier sur ce point.

Autre crainte : la modestie des ambitions en matière de dépistage.

Une inégalité fondamentale en face du cancer est l’accès au dépistage, comme le montrent les résultats du dépistage organisé du cancer du sein : moins de 50% des femmes entre 50 et 75 ans sont dépistées et ce sont celles qui sont les plus pauvres et les plus isolées qui sont majoritairement touchées.

Le plan cancer ne prévoit qu’un objectif de deux femmes sur trois accédant au dépistage pour l’année 2013. Cela signifie : laisser perdurer une criante inégalité.

Que faut-il faire ? Enfin, généraliser le dépistage à 100% des femmes, le rendre obligatoire, ce qui ne signifie aucunement punir ou pénaliser les femmes qui n’y sont pas allées, mais au contraire déclencher en leur faveur une stratégie graduée de rappels allant jusqu’à la visite au domicile de travailleurs sociaux. De telle manière qu’aucune femme, dans les limites d’âge où le cancer est particulièrement fréquent, ne perde de chance de guérison. Obligation n’est pas sanction : ce caractère « obligatoire » sera en fait partagé par l’Etat, obligé de tout mettre en oeuvre pour faciliter l’accès de la femme au dépistage, et par la femme, finalement convaincue de la nécessite de s’y rendre.

Le dépistage est le vaccin des maladies qui n’ont pas de vaccin. Et pour cela, nous devrions enfin franchir la barrière qui interdit actuellement de rendre obligatoire tout acte médical à l’exception de ceux qui concernent les maladies infectieuses.

C’est la condition pour obtenir un progrès substantiel en terme de santé publique. C’est aussi la possibilité d’économies non moins substantielles : un cancer grave évité, ce sont des dizaines de journées d’hospitalisation, des examens coûteux, des traitements longs et eux aussi onéreux, qui sont également évités.

Que faut-il pour cela ? Une vraie volonté politique et j’ai pour ma part besoin du soutien de l’opinion pour essayer de la communiquer à gauche comme à droite.

Débat sur l’identité nationale : une question, une réponse.

La question : « Nicolas Sarkozy est-il digne d’être Président de la République Française ? »

La réponse : « Non »

Pour cette question, la seule qui vaille précisément aujourd’hui, était-il besoin d’enjoindre aux Préfets et sous-Préfets d’organiser le débat sur l’ensemble du territoire ?

Ce type d’injonction est une première en France. Ce fût par contre un grand classique en République populaire de Chine.

Suivi et Infogérance par Axeinformatique/Freepixel