Entre ma première visite à la prison de Gradignan, au lendemain de mon élection (2007) et celle de cette semaine, qu’est-ce qui a changé ?
Ce fût, le 19 juillet, lors de notre visite commune avec les deux Alain (Anziani et Rousset) la question d’un journaliste ; à laquelle, il ajouta « Et à quoi servent ces visites ? »
Essayons d’y répondre une deuxième fois et par écrit.
Au plan national, le nombre de détenus a augmenté de 5000 (68 000 contre 63), sans que des moyens supplémentaires, en termes d’éffectifs au sein des établissements, aient été donnés. Plusieurs lois ont été promulguées dont la « loi sur la récidive », allongeant les peines des condamnés dès la première récidive et augmentant mathématiquement le nombre d’incarcérés.
Heureusement, nombre de juridictions déployent tout leur talent à n’appliquer cette loi qu’en utilisant tous les moyens d’en contourner la rigueur. C’est le cas de Bordeaux, en tête de peloton en la matière, ce que l’on doit saluer. Mais quelle étrange loi dont les bienfaits sont liés au talent que les professionnels mettent à la détourner !
La loi pénitentiaire, votée au Sénat il y a quelques mois selon le régime de l’urgence (deuxième coup de chapeau au passage à Alain Anziani, responsable de la loi pour notre groupe, et à Robert Badinter : tous les deux ont obtenu des améliorations de la loi) demeure bloquée dans quelque étrange tuyau et n’est pas apparue encore à l’Assemblée. On nous l’annonce pour septembre. Espérons.
Plus généralement, la politique du gouvernement demeure incohérente. Les lois pénales, les prescriptions de la Ministre, vont au petit malheur la malchance à l’encontre de l’urgence de la situation des prisons. On comprend que le « petit » malheur » est souvent grand et que je n’ai utilisé l’expression qu’en miroir de son contraire.
A Gradignan, qu’en est-il ? Grâce à l’ouverture de la prison de Mont de Marsan (50 incarcérés « délocalisés » vers les Landes) et à la sagesse de nos juges, l’étau de la surpopulation s’est un peu désseré : 180% au lieu de 220%. Il n’y avait plus la semaine dernière de cellules de 7m2 abritant trois détenus au lieu de deux, c’est à dire plus de matelas par terre pour le troisième. Il y en avait 60 à 80 lors de mes précédentes visites.
Pour mémoire, je rappelle que la SPA exige 9 m2 pour l’abri d’un gros chien.
La « mise en peinture », ainsi que la désigne joliment le nouveau directeur, M Audouard, a beaucoup progressé : cellules jaune pâle, couloirs et escaliers bleu clair, c’est un progrès relativement à la masse de gris sâle que j’avais reçue en pleine figure lors de ma première visite. J’avais alors demandé à M Casagrande, le précédent directeur, d’utiler une petite partie de ses maigres moyens d’entretien du bâtiment pour ce coup de maquillage. Deux avantages : fournir de l’activité aux détenus (et un petit revenu), rendre le cadre moins triste et déprimant.
Je veux espérer que mon intervention a été pour quelque chose dans ce petit progrès : c’est une part de ma réponse à deuxième partie de la question du journaliste.
Pratiquement aucun progrès, par contre, sur l’état des fenêtres : vitres minces, bien souvent cassées pour obtenir un souffle d’air, les cellules sont dans ce bâtiment en forme de barre, caniculaires en été, glaciales en hiver. La chaleur de l’été, le soleil dehors donnant envie de grand air et de liberté, sont une des raisons de l’habituelle recrudescence des violences et des suicides pendant la « belle » saison. Ce sera une de mes demandes à l’administration pénitentaire et à la Ministre d’obtenir des crédits pour que des fenêtres assurant l’isolation, situées en avant des barreaux de manière à pouvoir s’ouvrir largement en été, puisse être installées dans les cellules.
Hors de cela, à quoi servent les visites d’élus ? D’abord, à les informer, à leur faire toucher du doigt une réalité qui, sans cela, resterait distante et théorique. Mais aussi à contribuer à informer le public, à faire changer les mentalités. Et surtout : à faire pression sur le gouvernement, à intervenir dans chaque situation où une amélioration peut être obtenue, à résister quand une loi stupide, n’ayant que la communication ou la réponse à un événement médiatique pour but, va à l’encontre de la situation des condamnés et des prévenus, des conditions de travail du personnel et du sens véritable de la peine.