L’autre côté
Hier, à la suite d’un deuxième suicide en quelques semaines à la prison de Gradignan, nous nous y sommes rendus avec Alain Anziani et Alain Rousset.
C’est ma troisième visite à la prison. M’y rendre fût mon premier acte public de députée, répondant ainsi à un engagement de longue date sur la condition carcérale et à une interrogation sur le sens de la peine à laquelle la prison n’a toujours pas apporté une réponse acceptable.
Un deuxième suicide, survenu au quartier disciplinaire, où le prisonnier avait été conduit pour deux semaines à cause de la possession d’un téléphone portable.
Le surveillant m’a expliqué que la mort était survenue quelques instants après une ronde. Il n’est pas exclu que le détenu espérait être découvert avant qu’il ne soit trop tar, et que son acte était un appel au secours pour sortir de l’isolement du « Q.D. »
-« Quand nous sommes arrivés, il était passé de l’autre côté… »
« L’autre côté » n’est jamais loin quand on est seul, isolé, sans l’anesthésie d’un poste de radio ou d’un poste de télé. Seuls les livres sont admis mais tout le monde ne sait ou ne peut pas en faire une compagnie.
Les surveillants insistent, sans doute à juste titre, sur la nécessité à la fois de sanctions et de la possibilité de mettre à l’écart des autres détenus un fauteur de troubles. Le quartier disciplinaire, sous la forme actuelle, est-il la bonne solution ? Un jeune homme de 19 ans, sans doute comme la majorité des détenus issu d’un milieu fragile, habitué à une vie irrégulière, est-il en capacité de puiser dans ses ressources intérieures pour que « l’autre côté » ne lui apparaisse pas comme la sortie la plus proche ?
Ce matin, en me réveillant dans mon bureau silencieux (O combien spacieux et confortable !), cet « autre côté » m’obsédait, alors que je l’avais à peine remarqué quand M. Guillement, le représentant du personnel, l’avait utilisé pour m’expliquer la mort de ce jeune homme dont je ne sais pas même le nom.
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De quel côté est la décadence ?
De quel côté en effet est la décadence, l’indignité, l’indécence ? De quel côté doit être l’indignation ?
Certainement le Parti Socialiste n’est ni cet Eden, ni cet Olympe dont doit rêver un Socialiste idéal. Mais non moins certainement, la décadence, les moeurs faisandées et délétères qui ont mené à la chute de Rome, c’est du côté du pouvoir qu’on les trouve. Et c’est de côté, que les contempteurs du Parti Socialiste doivent puiser leur indignation.
Le rapport de la Cour des comptes sur le budget de l’Elysée met en lumière une pratique d’une incroyable gravité : l’instrumentalisation directe par la Présidence de l’opinion et son financement, tranquillement inscrit à son budget.
Après l’élection de Nicolas Sarkozy, est apparu dans les comptes un contrat avec un mystérieux bureau d’études dont la mission était de passer commande de sondages. Jusque-là, passe encore : toutes les institutions commanditent des sondages pour orienter ou évaluer leur politique et ces sondages sont bien évidemment réservés à leur seul usage et doivent rester secrets.
Il n’en est rien dans le cas présent : les sondages étaient destinés à la publication dans la presse, avec l’évident objectif de venir, quand le besoin s’en faisait sentir, influencer l’opinion. De ce même mystérieux cabinet d’études dépendait le « politoscope », baromêtre des personnalités et des partis politiques (…) destiné à être diffusé par TF1, LCI, RTL et le Figaro.
En clair, le budget de l’Elysée a commandité et financé des enquêtes et des sondages supposés exprimer l’opinion publique alors qu’ils n’avaient d’autre but que la diriger.
Autre « discrête » anomalie, le coût exorbitant de ces commandes. Le contrat passé avec le « cabinet d’études » chiffre à1,5 millions d’euros , réglés sans qu’ait été émis le moindre bon de commande et donc, sans possibilité de connaître le contenu réel de la commande, ni la réalité de son exécution ; ceci vient en totale contravention avec le code des finances publiques. A ce million et demi, s’ajoutait une rémunération mensuelle de 10 000 euros (une paille) pour des « conseils ».
L’institut « Opinion Way » est une fois encore au coeur de la cible. Ségolène Royal a précédemment, et très justement, dénoncé ses agissements pendant les présidentielles, et en particulier le magistral retournement de l’opinion, en quelques heures, qui a fait d’un Sarkozy penaud après le face à face télévisé final le vainqueur de l’éxercice.
Où est la décadence ? Et si un fragment revient au Parti Socialiste, il est pour ceux qui, instrumentalisés, voient leur avenir dans nos décombres.
Travail parlementaire, rendez-vous
Qui cherche quoi ?
Bernard-Henri Lévy, dans une interview, ce matin, publiée dans le Journal du Dimanche, condamne littéralement à mort le Parti Socialiste. Avec la grande modération dans les termes qui convient au Philosophe conscient de sa responsabilité comme de la complexité de l’âme humaine, il dit sans ambages: « Le Parti Socialiste doit disparaître ».
Quelques lignes plus loin, la sentence est exécutée: « Le Parti Socialiste est mort ». Pour ce verdict éclair, des motifs eux aussi tout en nuances : « C’est une chape de plomp qui empêche de penser, qui empêche de rêver ».
Brr…
Devant ce glacial Fouquier-Tinville, les micros se sont aussitôt tendus et c’est à l’instant sur France-info que je viens de saisir au vol les plus beaux extraits de son réquisitoire.
Pour être tout à fait sincère, BHL fait partie de ceux qui m’ont convaincue depuis longtemps que ce n’étaient pas les femmes, mais les hommes qui devaient porter la burka. Comment un philosophe se soumettant ainsi aux regards complaisants des acteurs de la vie parisienne, aux flashes des photographes, aux micros et aux caméras, ne serait-il pas détourné de l’étude des textes, de la « réflexion dans une chambre », ainsi que la désignait Pascal (Blaise, pas Sevran), et de l’austérité consubstantielle à sa vocation de philosophe ?
Qui cherche quoi ? Y a-t-il question plus radicalement philosophique, à l’exception du définitif: « D’où viens-je, où vais-je ? », auquel Pierre Dac a non moins définitivement répondu en ajoutant: « Et qu’est-ce qu’on mange à midi ? » ?
Pourquoi BHL, preux chevalier du jaurèsisme, s’est-il enflammé comme étoupe pour annoncer la mort du socialisme ? Un peu plus, c’est celle de Dieu lui-même qu’il aurait ajoutée à son verdict. J’ai senti en l’écoutant qu’il hésitait à le faire. Mais proclamer « Dieu est mort », c’est finalement assez ringard et il s’en est tenu au socialisme.
J’y reviens, avec ce caractère un peu borné qui m’a donné beaucoup de suite dans peu d’idées : qui cherche quoi, en mettant, devant les lèvres bien dessinées de BHL, à l’orée de son romantique décolleté, tous les micros et les flashes de toutes les radios et de toutes les télés du monde ?
Je l’ai exprimé déjà bien souvent : quand on s’interroge, c’est le plus souvent qu’on s’est déjà répondu.