La santé, en tête de nos priorités
Il faut dans notre campagne présidentielle redonner envie de santé.
« Mais qu’est-ce qu’elle raconte ? Y-a-t-il une seule personne pour avoir envie de maladie ? »
Eh bien, tout est là : la santé n’est vécue, entendue, comprise que comme le contraire de la maladie. Et c’est tout l’inverse : la santé précède la maladie, elle est un état positif, pas négatif, pas un renversement de situation, elle doit être à la fois une envie, un enjeu personnel et un enjeu collectif.
Ce ne sont que des bonnes nouvelles à la veille d’une campagne, parce que, si la maladie est plutôt l’affaire des médecins -hors les questions de financement- , la santé est l’affaire des politiques. Et il ne faut pas craindre de la politiser encore davantage, de la coudre sur notre drapeau, car si nous ne nous en occupons pas, on finira, elle aussi, par la privatiser comme on est en train de privatiser la maladie.
Donner envie de santé, tout d’abord en l’enseignant. Je plaide depuis des lustres pour que l’éducation à la santé (et à l’environnement, mais c’est la même chose, comme on va le voir) fasse partie des savoirs fondamentaux de l’école. Et que les profs de SVT, mais aussi les autres, s’en emparent et la rendent plaisante, incarnée, stimulante, positive.
Tout à fait entre nous, la grosse poignée de députés ump qui vient de pondre un texte pour demander que l’on mette au pilon les livres de SVT évoquant l’origine culturelle du genre, aurait été mieux inspirée de réfléchir à ce que voulait dire « Sciences de la Vie et de la Terre ». Parce que la vie, c’est la santé, ou le contraire : la santé c’est la vie. Ce relent de créationnisme dans leurs propos m’a abasourdie. Mais c’est un autre sujet.
Bon an, mal an, la santé c’est notre premier et meilleur outil. Outil pour étudier, outil pour être libre/autonome, outil pour se sentir bien, outil pour gagner, outil pour être beau, outil pour faire envie et outil pour avoir envie. Il faut que nous en donnions les conditions à tous les petits loulous de nos écoles. Parce qu’il faut en avoir les conditions pour en avoir envie.
Un exemple pour qu’on comprenne que je ne fais pas du pur bla-bla : suivi et soins bucco-dentaires gratuits et obligatoires pour tous les enfants du primaire. La qualité de la dentition est un marqueur social infaillible : beaucoup plus médiocre dans les milieux pauvres. Le paramètre de calcul en est le nombre de caries obturées. Avoir une bonne dentition est un facteur de bonne alimentation, de bonne conscience de soi, de bonne présentation… Un candidat socialiste peut-il laisser la question sans réponse?
Alors il faut apprendre aux gamins ce qui fait du bien et les détourner de ce qui fait du mal (la drogue, l’alcool, le tabac… ). L’éducation dans le jeune âge est le meilleur facteur de prévention à tous les âges. Et en plus, vous savez quoi ? Ce sont souvent les petits qui quand ils rentrent à la maison éduquent leurs parents : « A l’école, on m’a dit qu’il fallait pas que j’aille au soleil sans un t-shirt ». Et de réclamer le t-shirt, en ajoutant: « Toi aussi papa t’as des grains de beauté.. »
On voit courir Christophe Lemaitre ? Quelle matière à éducation ! Moins longues jambes que ses concurrents, mais devant eux ! Bien dans sa tête, mais aussi : ayant envie.
Tant que l’image de la santé sera celle du trou de la sécu, non seulement ce trou ne sera jamais comblé (car sans prévention et dépistage nous allons dans le mur à grande vitesse), mais la santé demeurera ringarde. Il y aura aussi toujours un libertaire pour dire qu’on ne doit rien imposer : vaccins, contrôles.. C’est une erreur. Nous ne sommes qu’un atome de collectif : les mesures individuelles ne sont pas utiles qu’à nous-mêmes. De cela aussi, il faut redonner envie.
J’ai envie d’envie. Hollande appelle cela « le rêve français ». Je ne suis pas totalement o.k. sur le terme. Le rêve, c’est comme le bonheur éternel et le salut des âmes : c’est pour après ou pour ailleurs.
Notre « après », il commence en 2012.
L’éducation à la santé, c’est quoi ? C’est l’éducation aux comportements de santé. Quand voyant Christophe Lemaitre ou Michel Serres, bien dans leurs corps, bien dans leur tête, les Français percevront que c’est là la santé : bien dans son corps, bien dans sa tête, la politique de santé durable sera une réussite.
J’ai lâché le mot : santé durable. Il a un double, une sorte de faux jumeau qui lui ressemble sans que l’un et l’autre se recouvrent totalement : santé sociale. Santé durable est plus sexy et fait mieux la liaison avec le fondement de l’écologie qui n’est pas l’environnement, mais l’homme. Que signifierait pour les grands égoïstes que nous sommes l’environnement si nous ne percevions pas que nous en sommes non seulement responsables mais tributaires et que l’altérer c’est nous perdre ? Nous ne sauverons la planète que si nous sauvons les petits hommes de toutes les couleurs qui sont dessus.
C’est ce challenge qu’il faut gagner ; ce ne sera possible qu’en relookant le vocabulaire de la santé et c’est pour cela que je préfère santé durable à santé publique, qui a un côté sanitaire et contraignant qui ne fait pas d’emblée envie.