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Pour un été européen

Alain Juppé « ne croit pas en un été européen », que toutes les capitales évoquent. Pour ma part, je l’espère de toutes mes forces.

Pas de matraques, pas de violences, des cerises, le temps est revenu de ces fruits comme des gouttes de sang.

Et à Bordeaux, nous avons le lieu d’excellence : la place des Girondins. Hommage pour eux, force pour nous.

Palme d’or

La palme absolue du faux-culisme est à décerner aujourd’hui à Eric Raoult, coutumier des perles politiques, mais celle-ci dépasse le calibre ordinaire.

Le député ump de Seine-Saint Denis appelle le CSA à la vigilance : il trouve qu’on a décidément trop entendu les socialistes à propos de l’affaire Strauss-Kahn et demande un « rééquilbrage ».

Serait-il à l’origine des accusations portées contre le récent ministre Georges Tron ? Voilà une occasion de rééquilibrer la présence médiatique au profit du parti majoritaire. Remarquons pour autant que si le filet est de même nature, le poisson est plus modeste et risque de faire moins de vagues.

Camp S21 : « ce que l’homme fait, aucune bête ne le ferait »

Dernières heures à Phnom Penh. De retour il y a peu de la visite du camp S21, un parmi d’autres des camps de détention et de torture des Khmers rouges entre 75 et 79, c’est à dire hier matin.

Celui-ci est au coeur de la capitale, vidée en quelques heures de tous ses habitants après l’entrée des Khmers rouges et capitale, si l’on peut dire, de l’extermination puisque la majorité de ceux qui savaient lire et écrire s’y trouvaient. Le plus grand crime, l’identification immédiate comme ennemi de la révolution, était le port ou la possession de lunettes qui dénonçaient « l’intellectuel ». Professeurs de médecine, mécaniciens, ministres, employés, tous (la grande majorité au moins) ont connu le même sort barbare.

Il m’est impossible d’écrire ce que le guide francophone nous a décrit. Il avait 15 ans lors de l’entrée des Khmers rouges dans la ville. Il a échappé à la détention mais a partagé la longue marche de la population urbaine vers les zones rurales. A pied et bientôt pieds nus. Puis mis dans un camp de travail d’enfants et de jeunes de 10 à 16 ans, creusant le sol à mains nues, du lever au coucher du jour.

Au camp de détention où entraient 100 personnes par jour, on torturait pendant une période de 1 à 6 mois, quel que soit l’âge ou le sexe, puis ceux qui avaient résisté, avaient échappé aux pendaisons, à la noyade dans des cuves d’excréments, à la mort par coups de gourdins pour économiser les cartouches, étaient embarqués dans des camions et exterminés devant des fosses à une quinzaine de kilomètres de la ville.

Hommes, femmes, petits enfants. Je m’arrête là. S21 était le code de talkie walkie du chef du camp. Quant au lieu du camp, il avait été choisi sans doute non sans intention : c’était l’ancien lycée français. Un tableau noir en témoigne encore, au milieu des immenses panneaux portant le visage des victimes qui étaient dûment toisées et photographiées avant d’être enchaînées par des anneaux à des barres de fer, en lignes de 50, comme les noirs dans les bateaux de la traite. Au moment de la libération du camp, 7 ont été libérées, les autres ont été torturées et égorgées en dernière minute.

Je pensais en sortant de la visite à cette phrase de Saint-Exupéry, citant son ami Guillaumet alors que celui-ci avait marché cinq nuits et cinq jour dans la cordillère des Andes après la descente accidentelle de son avion : « Ce que j’ai fait, aucune bête ne l’aurait fait ».

Et surtout une question : comment, instruits par l’histoire récente, avons-nous pu ne pas savoir et/ou ne rien faire ?

La coupe est pleine, nulle petite cuillère ne pourra plus la vider

Chaque jour davantage, je ne crois plus que le XXIe siècle progressera pas à pas, par étapes, mais par l’affirmation d’une volonté forte ou par une brusque rupture. Je ne crois plus en réalité à la progression, aux efforts que nous faisons, ici pour le SIDA, là pour défendre l’idée d’une éthique en politique, ailleurs encore pour rendre palpable notre communauté de destin, toutes choses que l’on peut appeler de tant de noms ou décorer de tant d’exemples divers.

Si une volonté forte ne s’impose pas, si une aspiration collective ne s’affirme pas par une brusque rupture, alors nous continuerons dans cette déliquescence souterraine qui ruine tant d’ efforts individuels, nous ne ferons plus rien d’autre que plâtrer, panser ou étayer. La coupe est pleine. D’une manière ou d’une autre, il faudra en vider le contenu, re-commencer. Puisse tout cela se passer sans violences et sans inguérissables blessures.

Sous le soleil d’un monde fini

C’est au Cambodge que se tient cette Assemblée Parlementaire Francophone. Au Cambodge où quelques rares petits pourcents de Cambodgiens parlent français et où tous ceux qui le pratiquaient furent il y a 30 ans exterminés.

Dernière lueur d’un monde fini ou affirmation d’une volonté ? Hélàs, rien ne me donne à croire, ni même à espérer en la deuxième hypothèse. Notre aide au développement a diminué de moitié dans ces trois dernières années, nous n’accueillons qu’un nombre trop restreint d’étudiants et un risque lourd pèse sur les postes de fonctions d’internes étrangers dans nos hôpitaux.

Car enfin que reste-t-il ici de fort et de vivant venu de notre pays et portant notre langue ? Eh bien, la médecine et la recherche. L’hôpital Calmette est le premier du pays, l’institut Pasteur assure chaque jour plusieurs milliers d’examens biologiques et concentre ici sa recherche sur les résistances acquises aux traitements de la tuberculose. A la faculté de médecine, la majorité des cours sont donnés en français et dans les services, les médecins parlent encore français.

Pas les médecins d’autrefois : il n’en restait de vivants que 26 dans tout le pays lors de la chute des Khmers rouges, comme ne restaient que 6 livres que l’on ait pu retrouver à la bibliothèque nationale. Pas les médecins d’autrefois mais ceux d’aujourd’hui et de demain et tout de suite on m’a confié l’inquiétude qui entoure leur possibilité d’acquérir dans notre pays les spécialités qui manquent encore et d’exercer dans nos hôpitaux comme fonctions d’internes. Pourtant les médecins cambodgiens, au contraire de nombre d’Africains, ne s’installent pas en France mais reviennent exercer chez eux et reconstruire le système de santé.

Ombre qui m’a frappé le coeur : la première conversation que j’ai échangée avec les responsables du système de santé a été pour m’exprimer le regret -et aussi le reproche- que Bordeaux ait abandonné Santé Navale et avec elle, son avenir d’université tropicaliste. Ici comme dans de nombreux endroits dans le monde, la médecine tropicale et la recherche en pâtissent : beaucoup de maladies progressent, d’autres apparaissent (les SRAS en particulier) et notre expertise manque. Combien il était plus important de conserver Santé Navale que de vendre quelques milliers de mètres carrés de terrains municipaux au monde des affaires dans le cadre d’Euratlantique ! Comme tout cela fait mal.

Une fois encore, je fais l’expérience du langage universel et consensuel de la médecine. Mes 45 années d’études médicales (c’est une expression plus juste qu’on ne peut le croire) me sont formidablement utiles dans mon « métier » de députée et une fois encore aussi, je mesure combien il est important que la politique soit nourrie de tout autre chose que la politique.

Demain, nous entrons dans les compte-rendus et les débats autour de l’évolution des législations et des mentalités dans tous les pays francophones représentés.

A demain.

Suivi et Infogérance par Axeinformatique/Freepixel