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Commémoration du 8 mai 45

Jamais autant que dans les cérémonies – toujours parfaites dans leur déroulement et d’autant plus intenses qu’elles sont brèves- , je n’ai le sentiment de représenter les Bordelais et d’être là ès qualités. Je me fais un devoir de n’en manquer aucune.

Cette conscience d’être présente « au nom de et avec » est très forte en face des murs gris chargés de noms des soldats morts pendant les guerres du siècle passé. Ces grands murs dressés et leurs colonnes de patronymes, récemment sortis de la pierre par une redorure très bienvenue, sont non seulement beaux mais ils ont un vrai sens. Nous avons la chance d’avoir un monument aux morts qui échappe à tout kitsch et les cérémonies y trouvent leur pleine ampleur.

Je l’ai déjà évoqué : un regret marque pour moi chaque année le 8 mai comme le 11 novembre. Aucune allusion n’y est faite à la construction européenne qui est pourtant la plus belle réponse qui ait été donnée à la suite des 3 conflits 70-14/18-40-45. Le consul général d’Allemagne est constamment présent, mais pas invité au rang des officiels alors que rien ne l’empêcherait. Nulle évocation dans le traditionnel message du Ministre de la Défense et surtout, nul hymne européen, pourtant si beau et si grandiose, qui viendrait prolonger notre Marseillaise.

Tant que nous ne saurons pas mieux incarner l’Europe, en montrer la grandeur en même temps que la familiarité chaleureuse, elle continuera de s’abîmer et de s’enliser au bénéfice des égoïsmes nationaux et du repli sur soi.

A Françoise Olivier-Coupeau

Elle n’avait pas choisi le panache mais la discrétion et je ne lui rend hommage qu’aujourd’hui parce qu’elle-même avait choisi de ne pas rendre publique sa maladie.

Françoise Olivier-Coupeau, députée du Morbihan, est morte le 4 mai à 51 ans, une trentaine d’heures après Patrick Roy. Leur combat a été à la fois le même, face au même risque, aux mêmes épreuves, aux mêmes traitements mais il a été aussi très différent, parce que le cancer était différent mais surtout parce que leur personnalité était radicalement opposée.

La maladie de Françoise a duré plusieurs années. Elle connaissait déjà tout de son cancer lors de son élection en 2007 et s’est battue jour après jour, toujours présente à l’Assemblée sauf dans les épisodes d’aggravation et de reprise des traitements. Elle nous a époustouflé de courage en acceptant des missions qui demandaient beaucoup de résistance et d’énergie.

Membre de la commission de la Défense, elle s’est rendue sur le terrain avec nos soldats en Afghanistan et elle a « crapauté » avec eux. C’est à cette occasion que nous avons le plus parlé, particulièrement sur le sujet trop ignoré qu’est la place de la culture du pavot et de la fabrication de la drogue dans les enjeux du conflit. Comme moi, elle pensait qu’un rôle important de nos forces était de favoriser et de financer la substitution de la culture du pavot par celle du safran, plus rentable pour les agriculteurs et moins soumise à des réseaux criminels.

Françoise était bretonne et nous n’avons jamais parlé directement de sa maladie mais ses proches collègues me tenaient au courant. Je lui ai écrit la veille de sa mort : elle n’aura jamais cette lettre.

Ces deux morts dans un si court espace de temps ont beaucoup marqué nos journées à l’Assemblée cette semaine. Partout, on sentait la gravité et l’émotion.

Françoise non plus que Patrick n’ont pas été « mes » malades. Mais ils ont rejoint beaucoup d’entre eux au panthéon de ceux qui m’ont impressionnée par leur force de caractère et leur dignité.

La mort de Patrick Roy

Il a été un de ces « héros de notre temps » que sont les malades qui affrontent avec panache l’annonce d’un diagnostic, celle du risque mortel, les traitements, les attentes, la fatigue, la douleur, la transformation du corps et cette insupportable attente, à chaque étape, d’un résultat, d’une amélioration, d’une évidente aggravation.

Notre collègue le député du nord Patrick Roy est mort cette nuit. « Il aimait la vie, il aimait les autres » a dit tout à l’heure Martine Aubry lors de notre réunion de groupe. Il savait pourquoi il était élu, lui le Maire de la ville la plus pauvre de France.

Simple, généreux, sincère et surtout courageux, de cet ardent et lumineux courage qui est le faste d’hommes fondamentalement simples et conscients de l’identité de notre destin d’hommes.

Un relooking complet pour le 1er mai

Le 1er mai va à l’inverse des mariages à la cour d’Angleterre : il faut en revoir la facture si on veut en retrouver l’esprit. En un mot, il prend chaque année un coup de vieux alors que ce qu’il représente n’a jamais été plus actuel.

Je parle ici bien sûr de la fête du travail et non de la fête du muguet. La seconde ne m’a paru non plus en grande forme. Les marchands de brins ou de bouquets ne paraissaient faire recette qu’à la porte des hôpitaux, ce qui sur bien des aspects n’est pas bon signe.

Fête du travail donc. J’y participe chaque année avec la conviction grandissante que c’est un événement à renouveler. Elle n’apparait plus aujourd’hui que comme une manifestation de plus, ne cadrant pas avec l’actualité sociale et où l’on reprend des slogans déjà utilisés, trop généraux pour mobiliser. La fête, ce qu’il s’agit de célébrer se perd, de même que le désir d’être ensemble et de partager un même élan.

Comment la renouveler ? En y ajoutant quelque chose des mouvements populaires ; des chants, et non pas seulement ces slogans hurlés dans des haut-parleurs qui démolissent l’oreille sans transporter le coeur ni l’esprit. En donnant à la marche un but, un lieu où se retrouver, lieu qui pourrait être une grande place où seraient installés des stands des syndicats et des partis et où l’on pourrait manger sommairement et se désaltérer autour de quelques tables sur tréteaux. Ce sont des idées un peu en l’air et je suis persuadée que d’autres naîtront pour retrouver l’élan populaire et y apporter chaleur et élan.

La perte de force actuelle de la manifestation interroge d’autant plus et invite à apporter des solutions que l’actualité de la défense du travail (on dit maintenant de l’emploi) et des travailleurs (on dit maintenant des salariés) n’a jamais été aussi grande. Il n’est d’ailleurs pas innocent que les mots aient changé. Notre regard sur le travail a lui-même changé. Le travail n’est plus vécu comme un lien, mais comme une inquiétude (ne pas en avoir ou le perdre) ou même comme un risque (le stress, les cas de suicide). Les travailleurs eux-mêmes ne se ressentent plus comme un groupe soudé et la dernière à utiliser le terme a sans doute été Arlette Laguiller. Ils sont devenus des salariés et je crois que ce déplacement d’un mot vers l’autre est hautement signifiant.

Le temps du muguet est comme le temps des cerises : il faut le réinventer.

Suivi et Infogérance par Axeinformatique/Freepixel