Les plus belles victoires ne sont pas forcément les plus larges. La victoire du 2ème canton de Bordeaux, au regard des forces mobilisées à l’encontre de ma candidature, est certainement la plus belle pour moi comme pour mon équipe.
Tout d’abord parce qu’il s’agit du canton le 3ème plus à droite de notre ville, au coude à coude avec son quasi homologue de Bordeaux centre. Je l’avais ravi en 2004 à la droite alors qu’il y était scotché, comme la ville elle-même, depuis 60 ans. Aux dernières municipales, ce canton avait élu Alain Juppé à 59%. La sociologie est pesante à Bordeaux et la bousculer n’est pas aisé. Nous y sommes parvenus pour la 4ème fois.
Mais surtout bien sûr parce qu’Alain Juppé l’avait choisi pour en faire le territoire de sa revanche et y avait concentré tous les moyens à sa disposition : accord d’avant premier tour avec le modem et le nouveau centre pour que sa candidate soit la seule à droite, forte présence personnelle du début à la fin de la campagne, y compris dans les bureaux de vote, mobilisation de tous les moyens et les élus municipaux. La défaite d’Alain Juppé est courte, mais au regard des forces mises en oeuvre, elle est marquante.
En corollaire de cette profusion d’élus en face de notre équipe de militants, tous bénévoles, sans emplois institutionnels, des moyens de campagne bousculant les principes même de la démocratie m’ont instruite plus que les dix années précédentes des pratiques politiques que j’exècre et qui ne sont pas pour rien dans le fait que les électeurs boudent les urnes.
Affiches diffamatoires, propos du même tabac, attaques personnelles distillées à l’occasion de réunions d’appartements, viles injures à mes proches sur les blogs des adjudants de la candidate ump et enfin insinuations -dont j’ai précédemment rendu compte- sur mon intégrité professionnelle ont été répandues à un point que plusieurs personnes des rangs mêmes de la droite m’en ont informée.
Je cite un de ces propos, relevés à la fois sur des affiches et dans des blogs : mon père aurait été un préfet « de droite ». Sans doute ne savent-ils pas (et pour cause : ce n’est sous ce gouvernement bien souvent plus le cas) qu’un préfet n’est ni de droite, ni de gauche, il est et doit être un serviteur de l’Etat.
Un serviteur de l’Etat, pas du chef de l’Etat. Pas non plus du sous-chef.
Mon père a été 33 ans adhérent du Parti Socialiste, en tant que citoyen. En tant que Préfet, il servait l’Etat et les principes républicains, ceux-là mêmes qui lui avaient permis de devenir préfet.
Le plus inquiétant a été l’intense « phoning » pratiqué aux derniers jours de campagne. Un de mes amis du milieu médical et de sensibilité centre droit a reçu dans une même journée cinq appels différents, dont l’un, très direct et que l’on m’a cité plusieurs fois « puis-je compter sur votre vote ? »
Il a répondu « vous pouvez compter sur le fait que j’aille voter, c’est tout ».
Un degré supplémentaire a été passé avec la recollection dans les bureaux des noms des personnes qui n’avaient pas encore voté afin de pouvoir les appeler et les soumettre à pression. Nous avons vu ainsi arriver, principalement dans les bureaux réputés de droite, un afflux considérable entre 18 et 20 heures. Un vieil homme dont je tais le nom est ainsi arrivé dans un centre de vote « on m’a appelé pour aller voter, mais je ne sais pas où. Est-ce que vous pouvez me dire où elle est mme Cazalet ? »
Ce sont ces flots de fin de journée qui ont réduit la différence qui se présentait, avant 17 heures, de manière beaucoup plus positive.
Contre ces vents et ces marées mauvais, interrogeant la démocratie, nous avons gagné. Je savais cette campagne difficile, et j’y suis allée pour cela, pensant que c’était à moi de défendre ce canton si chèrement acquis en 2004, mais je ne l’imaginais pas si malsaine, si pleine de fiel, nourrie à je ne sais quelle rancoeur, de je ne sais quel mauvais combustible qui est le contraire de ce que doit être la politique.
Nous avons gagné, et parce que ce fut la plus difficile, cette victoire est notre plus belle victoire.