m

Laïcité : une vieille dame au coeur de l’actualité

C’est aujourd’hui l’anniversaire de la loi de 1905, dite de « Séparation des Eglises et de l’Etat » ; cent cinq ans, voilà qui n’est pas mal, pour un texte plus que jamais au coeur de nos préoccupations.

Rien à redire, rien à jeter, ce texte répond à de multiples questionnements aux prolongements nombreux. Deux exemples.

Je suis souvent invectivée, ici même et ailleurs, sur mon opposition au « Rosaire public » tenu il y a trois semaines sur la place Pey-Berland de Bordeaux, devant la porte closede la cathédrale de Bordeaux. Mon opposition tient d’abord au motif de ce rosaire, mais aussi à son emplacement, devant un lieu de culte qui lui est fermé et sur l’espace public. Que diraient ceux-là même qui priaient à genoux, si les tapis de prière s’étendaient dans ce même lieu à l’heure du muezzin?

Justement, ils ont dit, mais sans répondre à cette question. Pour brocarder les élus qui ne s’étaient pas opposés à une célébration musulmane au sein de la Mairie de quartier à l’occasion du ramadan.

Je réponds quant à moi très clairement : j’aurais été violemment opposée à la tenue en ces lieux de cette cérémonie, si ces musulmans avaient disposé d’un lieu de culte. J’y suis malgré cela réticente et l’on ne peut exclure que des motifs électoralistes aient motivé la décision de l’adjointe de quartier. Pour ma part , j’aurais donné ma préférence à un lieu privé, n’appartenant à aucune de nos collectivités, et permettant de prier hors de l’espace public. Ces lieux existent et peuvent être mis à disposition le temps d’une soirée.

La loi de 1905 dit qu’il convient de respecter toutes les religions et de leur permettre de s’exprimer dans des espaces privés. Il suffit de s’y conformer.

Plus importante encore, l’exigence d’une réflexion approfondie sur le principe d’égalité des chances et celui de la liberté d’enseignement. __ La loi Debré de 1959 règle les relations de l’enseignement privé avec l’Etat. Il n’est pas question d’y toucher mais il est obligatoire de la remettre en perspective avec ce principe fondamental ; si les hommes naissent égaux, la République a le devoir de pérenniser cette évidence et de donner à chacun toutes les chances de le rester.

Qu’observons-nous aujourd’hui ? Dans les quartiers où l’on compte un fort taux d’enfant d’origine étrangère, l’enseignement privé constitue, dans l’état, un frein à la mixité scolaire stricte condition pour que nous n’allions pas dans un avenir proche vers une déflagration sociale.

Comment ? Les mécanismes ne sont pas univoques. Celui que nous observons le plus souvent est le suivant : dans un de ces quartiers, posons l’hypothèse que le taux d’enfants dont l’un ou les deux parents parlent mal ou pas français et ne parlant pas eux-mêmes français à la maison est de 40%. Inexorablement, beaucoup de parents de milieux qualifiés de « favorisés », organisent l’exode de leurs enfants vers les établissements privés voisins. Le taux sera l’année suivante de 45% et, le processus s’aggravant mathématiquement, il ne cessera de monter, faisant baisser le niveaux scolaire de l’établissement. Et ceci tout simplement parce qu’un enfant qui possède 10 000 mots de français a plus de chances d’égalité que celui qui en possède 1000, dont la moitié de fautifs.

Un autre exemple : un établissement privé va être construit aux Aubiers (habitants très majoritairement d’origine étrangère). N’ayant pas de prévention contre cet enseignement, je me suis réjouïe : voilà qui allait éviter que tous les enfants des Aubiers aillent au collège de Bacalan (Edouard Vaillant) et qui allait favoriser la mixité dans ces deux quartiers.

Que nenni ! le responsable de l’éducation diocésaine m’a appris que les enfants des Aubiers ne seraient admis que très minoritairement (5à 10%) pour ne pas compromettre le niveau de l’établissement.

Ceci n’est pas acceptable. Les établissements privés sous contrat doivent avoir les mêmes obligations que les établissements publics et les enfants des Aubiers doivent prioritairement être accueillis dans l’établissement qui s’y construit.

Egalité des chances suppose égalité des charges. Sans cette obligation l’école publique sera bientôt à l’éducation, ce que la CMU est à la santé. Notons que des chrétiens de plus en plus nombreux s’émeuvent que l’école privée devienne un instrument de ségrégation, ce qui est en totale contradiction avec la doctrine sociale de l’Eglise.

Sans cette obligation, nous allons plonger davantage encore dans le classement PISA dont la dernière édition vient de tomber. Entre autres mauvaises nouvelles, il pointe l’écart grandissant entre « mauvais élèves » et « très bons élèves ». Les premiers sont toujours plus nombreux et ont des savoirs plus précaires. Et d’abord dans la maîtrise de la langue, sans laquelle rien ne peut être acquis.

Loi de respect et de tolérance, la loi de 1905 doit constamment être lue au regard des principes de notre République et elle d’ailleurs l’un d’eux.

__

C’est quand même un beau métier

Début de matinée dans un débat de Terra nova autour de deux thèmes en question dans la révision des lois de bioéthique : l’anonymat des dons de gamètes et la gestation pour autrui. Autour de la table, Olivier Ferrand, Elisabeth Guigou et quelques-unes des plus engagées de mes collègues députées, Sylviane Agacinski et plusieurs autres qui pensent, qui pensent vraiment et savent l’exprimer.

Petite course ensuite dans les couloirs compliqués du Palais Bourbon pour rejoindre la commission des affaires sociales où nous était présenté un rapport « vivre longtemps ensemble », très intéressant, très convergent avec le rapport « pour un socialisme ami de l’âge » que j’ai élaboré avec le groupe SRC. Belles interventions, imagination et créativité au pouvoir, que du bon.

Les ors de la République ne m’ont jamais tellement fait vibrer ; ceux des cerveaux, si, et je me réjouis des journées où il brille.

Beau mandat, beau métier, député. Je le recommande à tout le monde. Finalement, il suffit de se présenter.

De la brièveté du temps et de la nécessité d’un instant pour le fixer.

Petit dîner avec les députés girondins Martine Faure et Philippe Plisson. Tous les trois différents, ne serait-ce que par nos territoires (Martine a 170 communes, moi une seule !) et réunis, outre l’amité, par notre arrivée ensemble à l’Assemblée en Juin 2007. Trois ans et demi déjà et pour tous les trois, avant toute chose, la conscience de la rapidité du temps.

Que se raconte-t-on entre députés en fin de journée ? Des histoires de députés, bien sûr, mais sans apprêt, librement et sans nous prendre la tête. Lucides sur toutes choses, du moins le croyons-nous, du moins nous l’espérons. Les courants ne nous effleurent pas ou plutôt, il ne nous éffleure pas qu’ils pourraient nous séparer.

Demain, une autre journée. Puis une autre, ici, là et souvent ici et là dans la même heure. Philippe est comme moi candidat sortant aux prochaines cantonales. Je lui ai proposié que nous échangions nos cantons. C’était bien sûr une plaisanterie : son terrain est une conquête de longue haleine, un travail de chaque jour, je n’y réussirais pas le moins du monde et c’est tant mieux car cela prouve que la personnalité, le travail de terrain comptent pour beaucoup.

Maintenant, chacun des trois devant son courrier ou son ordi, préparant déjà le lendemain. Et moi, m’offrant cette petite pause d’inscrire sur l’écran ce moment qui nous a réunis.

Une famille plutôt sympa, mais finalement assez banale

Je rentre d’une école où je me suis entretenue avec la Directrice. Voilà un évènement assez banal, comme l’est l’histoire qui vient.

Dans cette école, deux enfants. L’un est dans la classe de la Directrice. Gentil petit élève, content d’aller à l’école, content de s’instruire, content d’être avec ses copains. Dans la même école, son petit frère, lui aussi sans problème ; tous les deux scolarisés depuis deux ans dans cet établissement à la pleine satisfaction de tous, et d’abord d’eux-mêmes.

Les parents forment un couple « normal ». Le père travaille en CDI, subvient aux besoins de la famille. Tous les quatre ont un logement dans un quartier qui m’est cher, à deux pas de l’école. La mère contribue aux activités de l’école et à celle du foyer social tout proche.

Une histoire comme on en voudrait de plus nombreuses, dans tous les milieux, mais somme toute très banale. Pas de raison d’écrire dessus.

Mais si, quand même… Parce que M et Mme M. ne sont pas tout à fait Français d’origine. Bien sûr, ils sont francophones. Le père, totalement. La mère prend des cours pour se perfectionner et maîtriser la langue écrite. Bien sûr, le père, par son travail, contribue à l’économie nationale. La mère a noué des liens avec les autres parents. Les enfants, scolarisés depuis deux ans en français, ayant tout leurs copains dans le quartier, seraient bien en peine de se retrouver dans leur pays d’origine.`

Sauf que… Ayant reçu un avis d’obligation à quitter le territoire, ils ont pris tous les quatre leur voiture ce matin pour franchir la frontière. Le père a perdu son travail, les enfants ne comprennent pas pourquoi on les sépare de leurs copains et pourquoi on les empêche d’aller à l »école alors que c’est là où on apprend à être sage et toutes les belles choses qu’il faut savoir pour devenir grand.

Tout le quartier s’est solidarisé. J’ai écrit au Préfet pour dire, dans d’autres termes, on s’en doute, ce que je viens de raconter. Où est l’intérêt de bannir une famille qui participe sur tous les plans à notre communauté nationale, construit, avec ces deux petits élèves, son avenir ? Tout cela est aberrant, révoltant, risque de détruire deux enfants et, ne le négligeons pas, l’idée que se font tous les parents de leurs copains, tous ceux qui ont signé les pétitions, de notre pays, la France.

Je n’ai pas donné de détails trop précis pour ne pas nuire à ces quatre-là, petite communauté embarquée dans un étroit vaisseau dont notre pays a, non pas la charge, mais dans l’immédiat, la responsabilité.

Espérons que M le Préfet la verra, comme nous tous.

Suivi et Infogérance par Axeinformatique/Freepixel