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En prison

On en conviendra, il y a une longue distance entre les deux expressions « en prison » et « à la prison ». L’une marque un séjour imposé, l’autre une visite ou un passage. Et ce n’est, malgré ce titre, qu’une nouvelle visite que j’ai faite avant hier avec Alain Anziani et Alain Rousset à la prison de Gradignan.

Quatrième visite pour moi en trois ans de mandat. Les députés ont deux manières d’agir : soutenir, combattre ou amender les lois à l’Assemblée (loi sur la récidive, loi de réforme pénitentiaire où j’étais engagée), être sur le terrain pour connaître et faire connaître une situation, la faire évoluer, retourner sur place et éventuellement recommencer.

La condition carcérale est de ce point de vue exemplaire. Depuis trois ans, qu’est-ce qui a changé ? Nos interventions, séparées ou conjointes, ont-elles servi à quelque chose ? Quoi faire aujourd’hui pour améliorer tout autant les conditions de vie des détenus et les conditions de travail du personnel, les unes et les autres étroitement liées et convergentes ?

En trois ans, la surpopulation a baissé. 350 détenus dans le bâtiment A, une barre de HLM de 6 étages, au lieu de 500 en 2007. Il n’y a plus de ces odieuses cellules de 9 m2 où trois personnes étaient entassées alors que la SPA en impose 7pour un gros chien. Espérons que nos interventions multiples qui nous ont amenés jusqu’à faire le siège du bureau de Rachida Dati y ont été pour quelque chose.

En novembre prochain, toutes les fenêtres auront été remplacées. Ce n’est pas un détail anecdotique et on devine son importance dans une cellule. Lors de ma première visite, presque toutes étaient cassées. Les prisonniers étouffaient de chaleur en été, gelaient en hiver et ce fût mon premier objet d’indignation. Au mois de novembre, toutes (nous a-t-on promis) auront été changées. Les barreaux sont à l’extérieur et, hors des cellules « anti-pendaison », les fenêtres peuvent être ouvertes ou fermées. Là aussi, notre insistance a je l’espère eu un rôle.

Plus important encore, comme nous le soutenions, ce bâtiment qui n’a pourtant que 40 ans, sera démoli en 2015. Il constituait un non sens dans sa conception (une barre exposée aux intempéries, mal isolée) et il a très mal vieilli. La prison sera reconstruite dans le terrain existant et suivant des normes plus adéquates. Là aussi, la pression des parlementaires me parait avoir été utile.

Une des mesures de la loi pénitentiaire, la réduction du temps maximal de séjour en quartier disciplinaire, a été mise en place par la précédente directrice régionale, Mme Isabelle Gorce, et nous devons lui en rendre l’hommage. L’isolement en quartier disciplinaire n’est plus au maximum que de 20 jours au lieu de 45 (la loi prévoit toutefois que la durée peut être portée à 30 jours en cas d’aggressions physiques). Rappelons que c’est bien souvent dans le quartier disciplinaire qu’ont lieu les suicides.

Pour prévenir les suicides justement, deux mesures se mettent en place : l’une qui me paraît un maigre appoint, l’autre correspondant mieux à l’objectif que nous devons avoir, qui est non pas d’empêcher mécaniquement les suicides mais de prévenir le passage à l’acte.

La première donc : le kit anti-suicide. Sous ce terme, assez balourd, un pyjama intissé composé d’un kimono et d’un pantalon exactement semblable à ceux que les chirurgiens mettent pour opérer. Ils sont supposés se déchirer sous la pression ce qui est au moins partiellement faux. Tordu ou tressé, rien n’est plus solide qu’un tissu intissé et les surveillants en ont d’ailleurs fait l’expérience. Une serviette de toilette, plus petite qu’un mouchoir d’autrefois et mince comme un mouchoir à jeter, un gant de toilette de la même matière complète le kit qui est donné aux suicidaires, alors que leur sont enlevés tout autres objets ou vêtements personnels. Sûr, voilà de quoi vous réconcilier avec la vie.

La seconde, plus utile : la présence à chaque étage de « co-détenus de soutien », repérés pour leur équilibre et leur altruisme et recevant une courte formation. Ceux qui vont mal peuvent s’adresser à eux, ou bien encore ces co-détenus vont leur parler quand un comportement inquiétant leur est signalé. L’écueil était que ces codétenus soient considérés comme des « jaunes », suppôts de l’administration. La formation étant donnée par la Croix rouge, il semble que cet écueil ait été évité. Nous avons parlé à l’un deux, qui nous a paru en effet particulièrement équilibré et sachant approcher ses congénères pas à pas.

J’avoue qu’une autre mesure me paraîtrait pour le moins complémentaire, voire plus décisive encore : la venue d’un psychiatre et le dialogue avec lui quand un comportement inquiétant est repéré. Cela supposerait d’en augmenter le nombre et nous sommes bien loin de là, à la fois en terme financier et en terme de nombre de psychiatres formés. Les suicides se produisent majoritairement parmi les détenus atteints de troubles psychiatriques, et beaucoup ne devraient pas se trouver là. Nous attendons avec impatience l’ouverture de l’UHSA de Cadillac.

Last, but not least : les ateliers de formation professionnelle financés par la Région qui s’est portée « région pilote » pour la formation professionnelle des prisonniers. Un nouveau bâtiment pour les détenus en semi-liberté va être ouvert que nous avons visité. Le nécessaire surplus de personnel n’a malheureusement pas été prévu et les syndicats s’en inquiètent à juste titre.

Alain Anziani dans son blog rend compte de notre visite commune. Nos visions et nos actions dans ce domaine se conjuguent et se complètent. L’apport d’Alain Rousset, par le biais de la formation est considérable. Quelquefois, comme le dit Alain Anziani, nous avons l’impression d’être utiles.

Les chiffres du renoncement aux soins

Je viens de les exposer à l’occasion de la discussion générale du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Le président Méhaignerie (président de la commission des affaires sociales), d’ordinaire mieux inspiré, s’est aussitôt élevé proclamant que c’était honteux d’utiliser ces arguments.

Qu’est-ce qui est honteux ? Eh bien, ce sont les chiffres eux-mêmes :
. 21% des bénéficiaires de la CMU complémentaire
. 15,3 % des bénéficiaires de complémentaires privées
. 30,4% des personnes sans complémentaires
ont déjà renoncé à des soins médicaux.

Ces chiffres sont ceux de l’Institut de Recherche et de documentation en Economie de la Santé, organisme bien évidemment libre d’engagement partisan.

Ne sommes-nous pas comptables de la santé de chaque Français, sans laquelle il ne peut ni se réaliser, ni être autonome, ni contribuer à notre effort commun ?

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Juppé or not Juppé in Paris ?

Aujourd’hui encore, notre excellent quotidien régional consacre un morceau de papier à cette taraudante question : ira-t-il ou n’ira-t-il pas ? Et s’il y va, il ira où ? On interroge les signes, les silences, le ciel, les nuages, les sourcils sarkoziens, le haut front municipal et c’est chaque jour une nouvelle émission, un nouvel entretien avec l’intéressé, une nouvelle confidence d’un proche ou d’un moins proche. Le dernier recours était Paul le poulpe : trois fois hélas, nous déplorons depuis hier son décès. Le Juppé-thon ministériel ne connaîtra décidément pas son issue avant mi-novembre.

L’été dernier, où nous aurions pu risquer, pendant les vacances de notre premier édile, une réaction brutale de sevrage de notre page juppéenne de chaque jour, notre quotidien nous a tenu en santé avec un autre type d’interrogation :

 » « Il fait beau aujourd’hui, mais demain, il peut pleuvoir ». Cette phrase est-elle d’Alain Juppé ou de Laurent Blanc ? » Je connais des Bordelais qui n’en dormaient plus de cette incertitude chaque jour renouvellée, de ce doute et de cette attente.

Ce n’est plus de la couleur du temps qu’il s’agit, mais de quelque chose d’infiniment plus existentiel. « Juppé or not Juppé in Paris » ? Shakespeare lui-même n’a pas été aussi loin dans l’expression de ce combat entre l’essence et l’immanence qui taraude les hommes.

Je collectionne tous les articles sur le sujet. Quinze jours encore et l’on verra que Shakespeare, qui a pourtant fait couler beaucoup d’encre avec son petit « to be or not to be », finalement bien banal et sans conséquences pour la République, est définitivement dépassé.

Au moins auprès des lecteurs bordelais.

La mort, c’est pas mon truc

Hervé Mathurin du journal Sud Ouest a la gentillesse de me demander ma réaction après l’annonce de la mort de Georges Frèche. Comme c’est difficile, à brûle pourpoint, de s’exprimer sur un événement qui ne peut qu’être triste et qui en même temps m’est un peu indifférent.

On ne peut qu’être triste de la mort (je n’aime pas le mot « décès », que je trouve pleutre en face de ce qui est simplement la mort) de quelqu’un de talentueux et de cultivé, qui a passé une grande partie de sa vie à travailler pour sa région et pour sa ville. La mort, je l’ai exprimé un peu brutalement en intitulé de ce billet, c’est pas mon truc, ça me rend triste, et pour parler en terme électoral, je suis contre.

Ma seule rencontre avec Georges Frèche a été un meeting en vue des élections municipales de 2001 qui ont marqué mon entrée, sur la pointe des pieds, dans la vie publique. Brillant, chaleureux, orateur plein de verve, il a soulevé la salle. Tout le monde après l’avoir écouté s’est senti plus heureux, plus fort, plus socialiste, ce qui est l’objet même d’un meeting.

Quelques paroles échangées après la réunion dont je n’ai rien gardé.

Depuis lors, cet homme plein de culture et de dons, a bien souvent flirté avec la transgression, ce qu’ont fait à des degrés très différents des hommes politiques pas toujours très recommandables. Remarquons au passage que les femmes n’en sont pas coutumières, bien que la tentation, au moins au plan du vocabulaire, me vienne souvent.

Georges Frèche a soutenu Ségolène au moment des présidentielles et après elles. Dans les quelques réunions auxquelles j’ai participé, j’ai conseillé la prudence qui consistait à ne pas s’afficher trop souvent avec lui. Sans conviction majeure, il n’a jamais été pour moi un pôle d’action, ni de réflexion politique à rejoindre non plus qu’à éviter comme la peste.

Au total, la mort de Georges Frèche m’a affectée tellement moins que la mort de nombre de mes malades aussi talentueux et cultivés dont personne n’a parlé. Je n’ai pas osé m’exprimer aussi brutalement et plus encore, j’esssaye de ne pas mélanger les genres.

Et pourtant, en écrivant ce billet, je suis triste. La mort, « cette aventure horrible et sale » que détestait Camus bien des années avant de la connaître, je ne l’aime pas tellement non plus.

Voilà. C’est tout.

Suivi et Infogérance par Axeinformatique/Freepixel