RDV, permanence cantonale, CA du Centre Social
La priorité de l’emploi
Les jeunes sont aujourd’hui en première ligne en face de la désindustrialisation et de la perte d’emplois de notre pays. La crise a accentué le phénomène, elle ne l’a pas créé. L’absence de toute politique économique depuis dix ans, alors que celle-ci est supposée être l’atout maître de la droite, a creusé cette situation par larges marches descendantes ; dans notre pays moins que dans d’autres, mais beaucoup plus que dans certains de même niveau, tels que l’Allemagne.
Le taux de chômage des 15-25 ans est actuellement en France de 25% (contre 22% en Europe). Il faut bien sûr savoir décrypter ces chiffres : ils ne signifient pas -et heureusement- qu’un quart de cette tranche d’âge est au chômage. Le pourcentage porte sur les actifs ou en recherche d’emploi, à l’exclusion de ceux qui sont en formation, lycéens et étudiants majoritairement.
En 2010, le nombre de jeunes demandeurs d’emplois a augmenté de 30% et le nombre de ceux qui recherchent un travail depuis plus d’un an de 72%, témoignant d’une accélération jamais atteinte… et de l’inefficacité totale du plan « Agir pour la jeunesse » annoncé à grand bruit par le Président de la République il y a un an et mis en place par Martin Hirsch. Dès juillet 2010, la voie des contrats aidés pour les jeunes les plus éloignés de l’emploi a été fermée et le projet de loi de finances que nous commençons de discuter à l’Assemblée vient d’annuler le petit effort budgétaire en faveur des jeunes qui était inclus dans le plan de relance. Sarkozy annonce, attend et annule. En voilà une nouvelle démonstration.
Ces chiffres sont austères comme le sont les mesures qui ont aggravé la situation depuis 2007. L’exonération fiscale des heures supplémentaires qui faisait partie de la loi TEPA votée dès juillet 2007 a privé le marché de 90 000 emplois nouveaux et, au passage, coûté 4 milliards à l’Etat. Le non remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant en retraite a fermé la porte à 100 000 entrées dans la fonction publique.
La réforme des retraites apparaît aujourd’hui aux jeunes générations comme le coup de trop. Ils cotiseront plus longtemps avec le recul de l’âge de départ et le plus souvent percevront moins du fait de la précarité de leur parcours. Les plus informés découvrent aussi qu’ils seront privés des 34 milliards du fonds de réserve des retraites qui leur étaient destiné.
Est-ce avec cela que nous pouvons faire percevoir la continuité des générations et l’impératif de solidarité entre elles tout au long de la vie ? Donner envie du travail ? Détourner des refuges et des comportements de fuites que sont toutes les formes de drogues et d’anesthésie de la volonté ?
La réponse est bien évidente, mais elle ne suffit pas. Il faut y ajouter des actions, des projets et sans doute la perception d’une responsabilité individuelle. Former, accompagner vers le travail, donner l’exemple non seulement du travail mais du goût du travail, créer un emploi ici, un autre là, donner sa chance, arrêter de détruire des emplois même si, au départ, ils paraissent peu rentables.
Question prioritaire, des quelques unes que nous devrons retenir si 2012 nous en donne la chance en même temps que la charge.
Pour une société post-générationnelle
Nous nous enfonçons de manière très curieuse dans une culture de l’absurdité, séparant les générations, interdisant aux uns de s’occuper des problèmes des autres alors que les âges n’ont jamais été aussi proches et interdépendants.
Proches en effet. Les jeunes accèdent aujourd’hui beaucoup plus tôt à la sexualité, à l’information et aux connaissances de tous ordres. Ils ont les désirs et les besoins des adultes, un mode de vie souvent proche, beaucoup plus proche en tout cas qu’il y a 40 ou 50 ans où, jusqu’à la majorité et même au delà, régnait le « à ton âge, ça ne se fait pas ».
Les vieux ont rajeuni et continuent régulièrement de gagner en état de santé, capacité de participer à la vie sociale et sont de plus en plus « branchés » sur les mêmes modes d’information que leurs enfants et petits enfants. Mille exemples pourraient illustrer ce rapprochement des capacités et des possibillités entre les générations.
Et pourtant n’a-t-on pas entendu, sur les bancs de l’ump à l’Assemblée et dans nombre de médias les plus grognons s’offusquer que les jeunes descendent dans la rue pour manifester leur opposition à la réforme des retraites. Ce sont eux, non les groupes politiques, qui ont eu l’initiative d’un collectif « la retraite, une affaire de jeunes » et, même si elle leur parait éloignée, ils ont perçu qu’elle les concernait au premier chef puisqu’elle décide de la part du travail dans la durée de la vie et qu’elle pose la question de l’interdépendance et de la solidarité des générations entre elles; Pourquoi n’auraient-ils pas le droit d’y réfléchir au moins autant et sans doute davantage que ceux qui sont déjà en retraite ou le seront bientôt.
C’est à eux de dire quelle part ils comptent prendre de cette solidarité. Mais c’est aussi aux moins jeunes de ne plus réfléchir pour eux-mêmes mais pour ceux qui leur succèdent dans cette curieuse et inquiétante pyramide qui figure l’inéluctable succession des âges.
Le sentiment de l’interdépendance entre les âges est tout le contraire de la séparation entre eux. Je m’inquiète quand les jeunes expriment l’idée qu’ils sont une génération sacrifiée. Elle ne l’est pas davantage que celle des vieux qui s’abîment dans la solitude, bien souvent dans la privation ou en tout cas les maigres moyens alors qu’ils ont travaillé toute une vie. Ce qui est vrai c’est que les jeunes sont les premiers à prendre de plein fouet la paupérisation du monde et en particulier la désindustrialisation de l’Europe qui n’en avait pas l’habitude. Beaucoup de ceux qui ont un emploi le perdent, mais il est certain que la difficulté est maximale pour ceux qui n’en ont pas encore et qui s’inquiètent à juste titre de ce qu’ils vont faire de cette vie qu’il leur reste à construire. Une réalité est pour eux particulièrement difficile à percevoir : le travail n’est pas un gâteau que l’on découpe mais un moteur que l’on nourrit ensemble. Le travail des moins jeunes ne compromet pas l’embauche des plus jeunes, au contraire. Tout le montre, dans tous les pays. Expliquons, rassemblons, n’opposons pas.
Obama s’est voulu la personnalité emblématique d’une société post raciale. Il nous reste à trouver celle qui unira les générations et leur fera prendre la mesure de la continuité entre elles et de l’impossibilité que l’une se sauve sans les autres.