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Réconfortant, non ?

Alain Juppé hier, aujourd’hui les 5 ministres que nous auditionnions à l’Assemblée avant le débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), tous unanimement sont pleinement satisfaits : notre sécurité sociale et son financement vont bien.

C’est un des grands talents de ce gouvernement de faire passer des dettes pour des crédits. On l’a vu à son maximum avec le Grand Emprunt, qui est présenté partout comme un afflux positif de financement en faveur de la recherche et de l’innovation. Une nouvelle leçon de prestidigitation nous a été donnée aujourd’hui par le quintett Baroin, Woerth, Bachelot, Morano, Berra : présenter comme un succès un déficit moindre que redouté.

Trente cinq milliards de déficit dont 23,1 pour la branche générale de la Sécurité sociale, une accélération jamais atteinte de la croissance annuelle de ce déficit, un système à l’agonie si on ne le remet pas urgemment à l’endroit : nous devons être contents et dire merci à ce bon gouvernement. Le déficit aurait pu être plus grand encore, et le Ministre Baroin a confié qu’il tablait sur 27 milliards. Grâce à ses quatre accolytes de ce matin, respectivement ministres du travail, de la santé et secrétaires d’Etat à la famille et aux « ainés », ce déficit annoncé a pu être réduit de près de 4 milliards.

Merci qui ?

Nous en sommes restés pantois et jusqu’aux bancs de droite, il y en avait pour se jeter des regards d’étonnement quand ce n’était pas d’admiration pour nos 5 magiciens.

Pour ma part, je me suis risquée à une comparaison. Qu’aurait pensé un malade hospitalisé dans mon service depuis 4 mois et que je serais allée voir avec cette annonce : « Cher Monsieur, j’ai une bonne nouvelle pour vous. Selon toute probabilité, quand vous êtes arrivé, vous aviez au mieux 3 mois à vivre. Et que constatez vous comme moi ? Mes bons soins vous ont accordé un mois de plus ! »

Nous en sommes là. Là exactement. Réconfortant, non ?

LOL

J’ai beaucoup ri hier, dans mon faible intérieur, lors de la réunion du Conseil de Surveillance du CHU de Bordeaux, d’écouter notre estimé Président Alain Juppé se déclarer fort satisfait de notre système de santé « que le monde entier nous envie ».

Les circonstances sont la raison de ce « LOL ». Venait de nous être présenté l’achat par le CHU de nouveaux appareils d’imagerie de haut niveau : scanner, IRM, TEP (tomographe à émission de positron). De beaux jouets entre 1 et 3 millions d’euros qu’il convient de renouveler tous les 5 à 8 ans. Je me suis félicitée devant l’assemblée de ces achats, positionnant favorablement l’hôpital public dans l’aménagement territorial en imagerie médicale et… économisant des masses d’euros au regard du coût des examens réalisés selon les mêmes technique dans le privé.

Un précédent billet rend compte du scandaleux surcoût pour la sécurité sociale des examens pratiqués par les radiologues privés. J’ai donné le montant de la facture tel que Didier Migaud l’a détaillé lors de sa présentation du rapport de la cour des comptes sur les comptes de la sécurité sociale.

Je n’attaquais ni Pierre, ni Paul (ni Alain, ni Nicolas), notre estimé Président aurait pu comme moi se féliciter de l’excellence et de la rentabilité financière du service public.

Il n’en fût rien. Le voilà tout au contraire parti dans une apologie du système de soin français de coexistence public-privé. « Le monde entier nous l’envie à commencer par les USA et le Canada » conclut-il.

Et que bien sûr ! Nous n’avons qu’à nous réjouïr : 35 milliards de déficit, qui pourrait dire mieux ? Se réjouïr davantage ? Voir l’avenir d’un meilleur oeil ?

Ce qu’oubliait de dire Alain Juppé, c’est qu’Etats-Unis et Canada, s’ils regardent du côté du système français, c’est pour tenter d’introduire davantage de public dans leur système, ruineusement inégalitaire, parce que presque exclusivement privé. L’inverse de ce qu’il voulait démontrer.

C’est comme le mythe du système fiscal allemand que nous sert Sarkozy depuis trois ans : le contraire de ce qu’il affirme.

Ce qui par contre est bien américain, c’est ce petit LOL que les jeunes ajoutent en dérision à ce dont ils ne croient pas un mot.

Elections cantonales : les raisons d’une décision

Dans un précédent billet, j’évoquais ce que devrait/pourrait être le non cumul des mandats; ce qui sous-tend sa nécessité est une règle simple : celui qui fait un travail doit en avoir le salaire et le titre, celui qui ne peut matériellement pas l’assurer ne doit avoir ni l’un ni l’autre. Le « cumul » n’est acceptable que si l’on a, objectivement, honnêtement, la possibilité de les effectuer personnellement dans leur totalité.

Cela n’a jamais été aussi vrai que dans la situation actuelle de l’emploi : comment nos concitoyens, qui ne parviennent pas à avoir un emploi ou une fonction qui leur assure non seulement leur subsistance mais leur place dans la société pourraient-ils comprendre que l’on délègue un de ses deux mandats sous prétexte qu’il « suffit de s’organiser » ?

Ceci étant posé, parlons en absolue vérité des raisons de ma décision de me présenter aux prochaines cantonales.

Malgré mon attachement à ce canton dont je suis l’élue depuis 2004 et où j’habite depuis près de 40 ans, mon souhait était de ne pas me représenter par souci d’exemplarité : je pense que nous devons anticiper la loi que nous voterons, je l’espère, en 2012. En dépasser également les termes qui imposeront « seulement » le non cumul d’une fonction exécutive à un mandat parlementaire. Ce charabia n’est clair que pour une poignée de citoyens. Il signifie qu’on ne peut être ni président, ni vice-président d’un « exécutif » (conseil régional, conseil général…), ni maire en même temps que parlementaire. C’est pour cela que je suis favorable à l’appliquer au-delà de sa définition et ne pas cumuler du tout afin que le message soit lisible de tous.

Cela, cette stricte définition du non cumul, je ne l’applique pas en me représentant.

Pourquoi ?

Ce canton, ce n’est pas un secret, est difficile à conserver par la majorité départementale. Il « appartenait » à la droite depuis aussi longtemps (60 ans) que ma circonscription de députée. Des figures emblématiques de la majorité municipale (Simone Noailles, Chantal Bourragué) en ont été titulaires. Ce canton a voté à 59% pour Alain Juppé aux dernières élections municipales. De plus, le nouveau découpage des adjoints de quartier, les moyens importants mis à leur disposition par le Maire, qui sont sans commune mesure avec ceux dont dispose un Conseiller Général, ont permis à la candidate désignée de l’ump de tisser un réseau politique serré sur ce territoire.

Le canton est, de plus, emblématique de « la revanche » pour la majorité municipale ump/modem : à chacun des scrutins cantonaux précédents, le PS l’a emporté sur un canton de plus des 8 cantons bordelais, faisant en 2008 basculer la majorité vers la gauche (5 cantons sur 8). Alain Juppé ne cache pas son objectif d’inverser la tendance, faisant fi de l’incohérence qu’il y a à soutenir la disparition des conseillers généraux avec la réforme territoriale et à leur accorder une importance aussi décisive dans son fief.

Le canton est, de plus, réservé par le PS à une candidature féminine, ce qui, reconnaissons-le, a limité les candidatures, d’autant que nous voulions qu’il s’agisse d’une candidate implantée sur le territoire et non d’un parachutage.

Toutes ces considérations faites, tous, absolument tous, m’ont dit : il est de ton devoir d’y aller.

Ce devoir est difficile. Dans moins de deux ans, sonnera un autre scrutin : les élections législatives, si décisives, dans le sillage immédiat de l’élection présidentielle, pour éviter que, le cas échéant, notre pays touche définitivement le fond sans espoir de remonter. Paradoxe des dénominations : le deuxième canton (Grand Parc-Jardin public) n’est pas inclus dans la deuxième circonscription dont je suis l’élue. On devine l’importance qu’aura l’élection législative et l’importance qu’il y a de ne pas présenter aux électeurs une gauche en recul dans leur ville.

Je me présente pour cela : ce choix était difficile, le plus difficile, et il eût été plus confortable de ne pas le faire. Il relevait de mon devoir, ou de ce que je crois tel. J’ai mis, et je mettrai toute mon énergie, mon ambition pour ce territoire, ma capacité de travail qui m’a permis jusque-là à la fois d’être une élue cantonale assidue et une parlementaire classée en tête des députés girondins PS et ump sur le double critère d’activité et d’assiduité.

Voilà. Je tenais à dire, simplement, sincérement, pourquoi à la fois je transgresse le souci d’exemplarité qui me parait devoir s’imposer à un élu pour me conformer à ce que je crois mon devoir, et à la vertu que je crois être la première en politique: le courage.

Heureux comme quand il pleut

Premier jour depuis près de trois semaines libéré de toute obligation de « sortie ». J’exempte bien sûr de ce mot mon jardin qui comme le savent les amateurs est toujours au moins pour autant jardin intérieur qu’extérieur. Trois semaines sans cette liberté de ne pas endosser l’uniforme bienséant de la gentille petite députée, propre sur elle, active et dynamique qui sied à cette honorable condition. Place au babygros, doux et confortable, où le corps si j’ose dire peut penser en repos.

Il pleut doucement sur les feuilles brunies du marronnier, moitié à terre, moitié encore sur l’arbre très haut, avide de lumière, qui couronne mon jardin. Les oiseaux accourent aux mangeoires remplies à leur intention. Mésanges, moineaux, verdiers et un revenant au vilain nom, la cytelle torchepot, célèbre pour arpenter les troncs d’arbre à contre-sens et tête en bas. En un mot, eux comme moi, sommes bien, satisfaits les uns des autres et dans une impression de paix un peu morose très rassurante.

Pourquoi ce sentiment de pause donne-t-il plus fort l’impression d’exister que l’agitation de tous les autres jours ? Parce que la machine à penser paraît tant soit peu se remettre en marche. Je me souviens d’un vieux médecin qui m’avait dit, il y a loin, que les médecins d’aujourd’hui avaient la tâche beaucoup plus rude parce qu’entre deux visites à leurs malades, il n’avaient pas ce temps tranquille dans leur voiture à cheval des praticiens d’autrefois qui leur permettaient de penser. Nos journées manquent de « temps de cariole », de silence, de vague et de moments perdus.

J’interromps un instant : un rouge-gorge tout rond vient de se planter sur le sol, massif, inquisiteur, dédaigneux des colonnes de graines hautes perchées, regardant dans ma direction au travers de la vitre, laissant planer un questionnement sans réponse entre le bruit des gouttes.

Internet donne aujourd’hui à beaucoup de ses utilisateurs intensifs le même sentiment. A la recherche d’une info sur la toile, il manque ce temps précieux qui faisait aller de la chaise au dictionnaire, du dictionnaire au livre voisin, du livre voisin au fauteuil. Notre cerveau en est parait-il modifié, ce que je ne perçois pour ma part pas encore, sans doute du fait que j’écris sur mon ordi au moins autant que je lis. L’équilibre entre le « output » (ce que l’on produit ou que l’on émet) et le « input » (ce que l’on reçoit plus ou moins passivement) est dans ce domaine comme dans tous les autres une règle de base pour garder la machine en bonne marche.

J’ai souvent cité ici cet aphorisme qui me met en joie: « Heureux comme quand il pleut et que l’on sait un ami dehors ». C’est aujourd’hui tout autre, la pluie n’est que le fond sonore d’un bienheureux silence qui se remplit doucement de mots.

Sécurité sociale : l’état d’urgence

Hier Didier Migaud nous a présenté le RAALFSS, ce sigle barbare désignant le rapport annuel sur l’application des lois de financement de la sécurité social déposé à chaque rentrée par la Cour des comptes.

Il n’y a pas que le sigle qui soit barbare : 25 milliards d’euros de déficit, c’est un record jamais atteint et un taux d’augmentation qui n’a jamais eu son pareil. Régime général (20,3 Md’E de déficit contre 11,8 en 2008), maladie, retraites et jusqu’à la famille tout le monde est aujourd’hui à l’unisson dans le négatif. C’est pour la branche famille une nouveauté avec un déficit de 1,8 Md’E.

Il y a à ces chiffres abyssaux des explications « acceptables » (dont l’augmentation du coût des soins, la baisse des recettes liée à la crise) ; d’autres demeurent scandaleuse et les préconisations de la Cour, d’une année à l’autre, ne viennent pas toujours (voire pas souvent) y pallier.

Les exemples des rentes de situation scandaleuses qu’il aurait été opportun de prévenir au lieu de les laisser s’installer sont nombreux et ils suffiraient à nourrir ce blog pendant plusieurs semaines.

Quelques aperçus. En premier : les IEG. Non, il ne s’agit pas d’une variété particulière d’interruption de grossesse (à la première écoute, j’avais traduit : Interruption Exceptionnelle de Grossesse) mais des « Industries Electriques et Gazières ». Celles-ci bénéficient d’un régime complémentaire propre les exonérant des prélèvements sociaux applicables aux autres entreprises. Résultat : une perte de recette de 200 millions d’euros pour la sécurité sociale. N’aurait-il pas mieux valu mettre de l’ordre dans cette monumentale « niche », plutôt que d’instaurer des franchises qui ne pénalisent que les plus pauvres et les plus fragiles des patients ?

Un autre exemple, qui ne va guère plaire à un groupe de mes confrères, les radiologues de ville pratiquant scanners ou IRM. La tarification de ces examens comporte deux volets : un forfait technique correspondant à l’amortissement de l’achat des appareils et à son fonctionnement et des honoraires à destination du radiologue.

Sauf que… le forfait technique a été lourdement surestimé et son versement coûte indûment 70 millions d’euros à l’assurance maladie.

Quant aux honoraires, il s’élèvent pour une IRM à 69 euros, quelle que soit la durée de l’examen ou la gravité de la pathologie, ce qui correspond pour les radiologues à une rémunération horaire de 280 euros, ce qui est hors de proportion avec les honoraires d’autres spécialités et à fortiori avec le salaire d’un radiologue hospitalier. Etrange là-aussi que cette double erreur (forfait technique surestimé, honoraires sans proportion avec le travail effectif) n’ait pu être découverte avant de creuser généreusement le gouffre de la sécu et de plomber les investissements dans de nouvelles installation publiques susceptibles de réduire la fracture sanitaire géographique qui s’aggrave chaque jour.

Ces incohérences ne sont ni des hasards, ni des négligences. Dans la longue série de ce qui a été présenté par la Cour, on trouve systématiquement la faveur faite au système privé sur le public et le transfert d’une charge plus grande aux plus modestes. Il y a urgence à renverser le désordre des choses.

Suivi et Infogérance par Axeinformatique/Freepixel