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Déchéance de la nationalité : le poids des mots

Le texte du projet de loi Besson sur l’immigration n’est pas innocent jusque dans le choix des mots. « Déchéance » de la nationalité, « bannissement » pour l’interdiction de retour de 3 ans sur le territoire, « camps » qui a beaucoup servi cet été, et jusqu’au « mariages gris » sont autant de volonté de marquer les immigrés d’une opprobre insidieuse, et aussi d’introduire dans le débat des chiffons rouges qui détournent des échecs sarkoziens.

Ci-après le texte de mon intervention en séance sur le sujet :

« Monsieur le Président, Monsieur le Ministre,

Il y a des mots de la langue française qui ont un poids de sens, bien souvent un poids d’histoire, quelquefois un usage littéraire, qui leur donnent la force d’une marque au fer rouge.

C’est le cas de la déchéance, que Zola décrit comme « le dernier degré de la misère et de l’abjection », c’est le cas du bannissement, c’est le cas des camps, qu’on les démonte, qu’on les détruise, ou quelquefois que l’on construit à destination de ceux que l’on a marqué d’un des mots précédents.

Votre gouvernement le sait bien, qui n’en utilise jamais aucun au hasard. Votre Ministère plus encore, qui marquera l’histoire pour avoir subtilement associé identité nationale et immigration.

Bannissement, déchéance, camps illégaux, lancés dans le débat politique, ont une double mission :

-subtilement marquer d’une sorte de péché originel ceux à qui ils sont explicitement adressés

-mais aussi faire office de chiffon rouge, pour distraire le chaland des échecs et de l’iniquité de votre politique.

« Je veux du rouge, du gros rouge qui tache » avait dit le Président de la République, avec la délicatesse qu’on lui connait, au moment du débat sur l’identité nationale. Il tache en effet et c’est aujourd’hui la France qui est tachée et montrée du doigt.

Le supplément de sanction que constitue la déchéance de nationalité ne sera en effet d’aucun effet dissuasif, ne serait-ce – mais non seulement – parce qu’elle ne concernera qu’un nombre très restreint de personnes puisque doivent être réunies les deux conditions de double nationalité et de caractère récent de la française.

On a insisté sur le caractère inconstitutionnel de cette mesure. Les textes depuis ceux de la Révolution veulent qu’on ne fasse « aucune section » du peuple français et on se souvient des débats levés par la loi sur la parité. L’entorse est d’un autre ordre quand il s’agit de sanction et de l’introduction d’une double peine. Elle est de plus étymologiquement imbécile : l’assassin du préfet Erignac serait-il plus ou moins coupable, plus ou moins odieux, que son auteur soit né d’un côté ou de l’autre de la méditerranée ?

C’est aujourd’hui sur la gravité d’étendre cette déchéance à ceux dont la nationalité française est récente. Instiller de manière sournoise et pernicieuse l’opprobre sur une section du peuple français n’est pas digne Monsieur le Ministre, pas digne de la France et de l’envie qu’elle doit donner d’être Français. »

Commission des affaires sociales : rapport sur la prise en charge des victimes de l’amiante

De cette commission, je ne retiendrai ici qu’un instantané découpé dans une intervention du député de Dunkerque Patrick Roy. Dunkerque est un des hauts points de l’incidence des cancers dus à l’amiante car le port recevait la quasi totalité de l’amiante utilisé en France.

Chaque semaine, dans la presse locale de la région, trois morts au moins de « morts de l’amiante ». Chaque semaine.

Assemblée nationale : réforme des collectivités, projet de loi immigration et commission des affaires sociales

7h00 : train pour Paris

11h00 : réunion du groupe SRC

13h00 : travail parlementaire

15h00 : questions d’actualité au gouvernement

16h15 : vote solennel de la réforme des collectivités

17h00 : discussion en séance sur le projet de loi immigration, intégration et nationalité

18h00 : commission des affaires sociales

21h30 : suite de la discussion sur le projet de loi immigration

Et pourtant, ils sont des hommes

Des hommes, des femmes, des enfants dont on va rallonger le temps de rétention, que l’on va pouvoir « bannir » de notre territoire, ou « déchoir » de la nationalité française si, après des années d’efforts, de difficultés et de contraintes, ils sont parvenus à l’acquérir.

Le vocabulaire n’est pas innocent. Avec ce gouvernement, il est aussi toujours intentionnel. On se souvient du subtil rapprochement entre l’identité nationale et l’immigration qu’on a gravé au fronton d’un ministère et que nous effacerons d’un coup de torchon. Il ne mérite pas davantage.

« Déchoir », « bannir » sont parmi les mots les plus durs, les plus terribles de notre vocabulaire. Ils ont quelques apparentés dans la dureté : le bagne, l’adjectif « vil » et, plus châtié, l’opprobre. Il est curieux que ce gouvernement n’utilise les deux premiers qu’à l’intention des immigrés. Le vocabulaire s’installe ainsi comme le marqueur souterrain de la tache originelle qu’on veut leur faire porter.

Parlant de Maurice Papon, l’avocat Michel Touzet avait dit cette phrase qui m’a marquée « il est de ceux qui ne sont jamais allés voir les trains partant pour les camps ». Eric Besson est de ceux qui ne vont pas voir les familles sur les terrains nus où ils attendent de savoir s’ils seront logés, expulsés, retenus. Des heures, quelquefois des jours, assis ou allongés par terre, sans savoir et avec le seul secours de quelques militants de l’humain.

Je suis en route pour Paris, pour la deuxième bataille de cette rentrée : le projet de loi Besson. Il est d’un autre ordre que la réforme des retraites. La réforme est injuste et inefficace, le projet de loi est inique et malheureusement très efficace dans son intention : rallier les suffrages de ceux qui, par peur d’être déclassés, veulent désigner des hommes coupables de leurs maux, de leurs insuffisances, de leur inculture et de leur brutalité.

Suivi et Infogérance par Axeinformatique/Freepixel