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Un mail peut en cacher un autre

Sarkozy a écrit aujourd’hui aux Bordelais. Perso, un mail à presque chacun d’eux.

Pas banal, non ?

D’accord, je suis la première à être partiale : Bordeaux, comme dirait L’Oréal, « le vaut bien ». J’aime Bordeaux, non pas comme Sarko aime la France, 80 fois en 40 minutes -ce qui constitue quand même un record- mais parce que tout un tas de raisons que nous sommes nombreux à partager mais qui n’interessent que chacun de nous dans son faible intérieur.

Nos équipes remettent en ce moment en mains propres le petit volume parfait des 60 propositions de François Hollande. Pourquoi « en mains propres » ? Parce que c’est une manière pour chacun de nous de montrer que ce sont aussi NOS engagements, que nous y tenons, qu’ils sont clairs et précis et que tout au long du quinquennat, on pourra s’y référer ; et aussi que nous, les élus, nous aurons à en rendre compte.

Aujourd’hui donc, à Bordeaux, accueil « clivant », comme on dit maintenant. Et ceci pour chacun de nos militants. Au passage, je livre une traduction en français de tous les jours de « clivant » : « y’en a qui sont contents un max, y’en a qui le sont pas du tout ».

-« Vous savez, quoi ? » dit l’une des Bordelaises visitées. Je savais pas encore . Elle explique : « Le petit, il m’a écrit ! ».

« Le petit », c’était pas son arrière petit-fils, présentement en nouvelle-Zélande, mais Sarkozy. Je passe sur d’autres qualificatifs, moins strictement factuels pour désigner notre ex-vrai-faux-Président-candidat.

-« Et vous savez quoi ?  » . Je savais toujours pas : « Il m’a demandé de l’aider ! De l’aider, moi, qui le lui demande depuis 5 ans !!! Et il a fait quoi, depuis 5 ans, il a fait quoi ? Dites le moi ! »

Que pouvait-on répondre ? Pas méchante, je me suis tue pudiquement.

Et pourtant, reconnaissons-le, il y en avait aussi d’autres qui étaient contents : « Moi, Mâdame, j’ai jamais voté pour la gauche de toute ma vie ».

Réponse immédiate de ma part, sur le même ton relevé : « Monsieur, je respecte toutes les opinions, soyez-en assuré. « .

Mon umpiste paraissait presque déçu de ma bénévolence de bon ton. Pour autant, il crût de son devoir de persévérer:

– « Le Président Sarkozy, ce matin, m’a envoyé un mail, un mail personnel.. »

Fine mouche, je demande à mon tour : « Et je suis sûre que Monsieur Juppé, notre Maire, n’a jamais manqué à vous inviter, ni à vous consulter ? A vous contacter régulièrement ? N’en est-il pas ainsi ? »

Monsieur Juppé n’y a jamais manqué. Pour tout dire, je m’en doutais un peu. Et c’est même là que j’ai compris, tel Saint Paul sur le chemin de Damas, que comme pour les trains, un mail pouvait en cacher un autre.

Césarillon le doigt dans une mauvaise serrure

« Césarisme » rime dangereusement avec fascisme. Nous n’en sommes pas là, heureusement. Rien qu’ un flirt de circonstance pour notre Césarillon nouveau et son « appel au peuple ».

Il faut pourtant mesurer ce que veut dire ce recours direct au peuple et les personnages dont il fait souvenir. Mépriser les corps intermédiaires, c’est rejeter d’un coup les syndicats, les collectivités territoriales, les journalistes et la représentativité qui fonde notre système démocratique. Sarkozy met le petit doigt dans une serrure qui risquerait de se refermer sur ce peuple « qu’il veut retrouver ».

Sur le fond de cette formule « j’ai hâte de retrouver le peuple », il a au moins raison : le peuple, il l’a perdu depuis longtemps. Les villes potemkinisées et bouclées comme des coffre-forts quand il les visite, le public de militants ump -pire que dans les conseils de quartiers à Bordeaux- quand il prend la parole, les ouvriers sélectionnés selon leur taille dans les usines où il se rend, cela bride un peu la spontanéité du peuple et le contact direct.

Quant au mépris de la représentation nationale, y compris celle issue de son camp, nous en avons fait l’expérience chaque semaine à l’Assemblée : groupe ump obligé de se dédire de ce qu’il avait voté en commission, amendements retirés sur ordre de l’élysée, projets de loi qui ne parviennent jamais à la 2ème chambre, Premier ministre traité comme un collaborateur, c’est bien le césarisme d’un tout petit César que nous avons subi durant cinq années

Brève de campagne

Sur le terrain, dans le quartier de la Bastide, les engagements de François Hollande dans les bras.

C’est peu dire qu’au propre comme au figuré ces engagements pèsent lourd. Mais ce n’est pas l’objet de cet instantané.

Un résident d’origine espagnole prend le document des deux mains et l’embrasse. Un peu de surprise dans mon expression le fait s’expliquer :

– Vous vous rappelez, il y a quelques années, vous descendiez tous les deux la rue Sainte Catherine. Il est venu me saluer et en me serrant la main, il m’a regardé droit dans les yeux!

Il laisse passer un instant :

-Les politiques, j’en ai vu beaucoup. Jamais qui regardent en face.. Sûr que je voterai pas pour un autre.

Pas de force sans confiance

Un Président narcissique a posé hier la question « Que penserait-on d’un Capitaine qui quitterait le navire quand il affronte une mer difficile ? »

Mais ce n’est pas la question. La vraie question aux Français est celle-ci : « Referiez vous une croisière avec le capitaine du Concordia et son équipe ? »

Chacun répondra et il en aura bien vite l’occasion. Les référendums-gadgets faits pour masquer le bilan catastrophique du quinquennat ne comptent pour rien face au référendum majeur que constituent les 4 tours de l’élection présidentielle : deux tours pour le Président, deux tours pour lui donner une majorité et un gouvernement.

L’important, bien sûr, n’était pas l’annonce, il n’y en avait pas, mais la présentation elle-même. Nicolas Sarkozy a fait comme on lui a dit de faire et paradoxalement, alors qu’il est le Président sortant, a mis ses pas dans les pas de François Hollande : plus posé, un poil moins grimaçant. Malheureusement pour lui, il n’a ni le charisme, ni le naturel, ni le sourire de Hollande. Ce dernier point n’est pas un détail : le sourire, c’est l’homme. Les Français compareront.

Alain Juppé a pieusement exprimé que « Nicolas Sarkozy était habité par le sens de sa mission ». Tout à fait entre nous, plus langue de bois c’est difficile, et cela m’a fait penser à Carla minaudant un jour de 14 juillet « mon mari est habité ». Eh bien, non, il ne l’est pas. Il n’est habité que de lui-même, s’agitant dans un costume trop grand, paraissant en permanence essayer d’en placer les coutures au bon endroit. Comme Sarkozy, je crois en le peuple et le peuple n’a plus confiance ; et si le slogan de Sarkozy est bon « La France forte », la personnalité de celui qui prétend l’incarner le ruine : il n’y a pas de force sans confiance.

La France ne sera forte que si les Français le sont et ils ne le seront que s’ils ont confiance. Ce que leur Président ne leur a pas donné hier, le candidat a bien peu de chances d’en trouver aujourd’hui les clefs.

Suivi et Infogérance par Axeinformatique/Freepixel