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Mais où allons-nous ?

Mais quoi ? Qu’est-ce que c’est que ça ? Qu’entends-je ?

Benoit XVI, en français, rappelle à tous le simple devoir d’accueillir ceux qui viennent, d’où qu’ils viennent. Le père Arthur, décoré par Brice Horfefeux, rend sa médaille du Mérite, parce qu’il n’est pas d’accord avec le Ministre sur sa politique à l’égard des Roms dont il s’occupe quotidiennement.

Où allons-nous ? Quelle invective va trouver Brice Hortefeux à l’encontre de ce Benoit, qui n’est même pas le premier, mais le seizième ? Milliardaire ? Il l’est, en nombre de fidèles même s’ils ne le sont pas tous autant qu’il voudrait. Bien pensant ? Sans doute aussi, mais quand on s’adresse à un Pape, ce n’est pas tout à fait comme quand on dénonce ces hordes angéliques de la gauche qui ne savent pas qu’un loubard est un loubard.

Mais que fait St Eloi (pas le vrai, ses mauvais disciples) ? Mais que dit Louis sur ce blog ? Et cette poignée d’internautes qui condamnent aux gémonies tous les rebelles à toutes formes d’inquisition ? Et ces sites pourfendeurs de toute chose publique, et d’abord de la République elle-même ?

Et Brice de Nice (l’Estrosi) qui va-t-il dénoncer coupable de laxisme ?

Et que fait donc la police ?

Aides à vivre ou empêcheurs de penser ?

Un article de Libé, intitulé avec bonheur « Vide fait, bien fait » (19 août) m’a suffisamment interpellée pour que j’aille farfouiller dans les blogs et les sites tournant autour du sujet.

Le sujet, moitié frivole, moitié posant de vraies questions, tourne autour de l’interrogation « Avec combien d’objets vivez vous ? ». Il m’a aussitôt précipitée dans un souvenir très marquant. C’était dans un village du Burkina, une poignée de cases où vivaient des familles entières. Dans chacune, moins de 5 à 10 objets. Une grande calebasse, une cuillère de bois, une sorte d’amphore de terre pour conserver l’eau. Dehors le soleil qui tapait comme sur une enclume et dedans, rien.

Il y a loin entre les photographies ou les films et la perception totale, brutale, d’une situation. Il en est ainsi du dénuement de l’Afrique. La question posée par Libé se double d’une autre : combien d’objets faut-il pour vivre ?

Les adeptes du « 100 things challenge » cherchent à y apporter une réponse occidentale. Il ne s’agit pas seulement d’acquérir le minimum mais de se débarrasser du maximum et de réduire à cent les objets que l’on possède. Inclus, tous les objets personnels, de l’ordinateur portable à la brosse à dents (avec son dentifrice) et aux chaussettes (par groupe de trois paires). Exclus, les biens partagés par la famille, si famille il y a : table de repas, frigo, bibliothèque … tous cependant revus selon les critères du minimalisme.

Il est intéressant de noter que tous les protagonistes internautes de ce nouveau mode de vie sont des hommes. Pour les femmes, avouons-le, le pari ne semble pas très réaliste. La moindre trousse de toilette, la plus petite penderie, le simple contenu d’un sac de ville compromettent radicalement les chances de ne pas outrepasser le nombre fatidique.

Je propose pour elles des aménagements : compter la trousse de toilette pour une unité, admettre les chaussures par groupe de 4 et les vêtements par catégories… A quoi l’on voit que je suis totalement de parti pris. J’assume.

Mon score ne serait en tous cas pas très favorable. La difficulté à jeter, le goût de la théorie des ensembles appliquée aux objets (ce qu’on appelle vulgairement collectionner) m’ont atteint très tôt, mais je me soigne avec de plus en plus d’efficacité. L’obligation de me déplacer chaque semaine m’a appris à faire des listes de ce qui est essentiel et à m’y tenir. La leçon est loin cependant d’avoir gagnée la partie casanière de la maison.

Il n’est jamais mauvais de débattre, surtout quand on n’est pas sûr d’avoir raison. Il n’y a pas que des vertus à cette nouvelle morale. D’abord est-elle bien écologique ? Car il s’agit non seulement de peu consommer mais de se débarrasser, de jeter à tout va, comme en témoigne le leitmotiv « Get rid of that crap ! » (« Débarrassez vous de ces saletés »), ce qui réduit à néant la possibilité de réutiliser, réparer, réinventer et de s’adonner au « vintage ».

Et puis il y a des objets qui aident à vivre. Amicaux à la main, plaisants au regard, familiers. J’ai comme ça tout un petit clan d’amis fidèles sans lequel j’écris moins bien, je me trouve plus moche, rien en tout cas qui incite à l’action et au dépassement de soi.

Sujet frivole en effet. Sujet d’été ou de week end qui m’a donné l’occasion de réviser mon anglais familier et de me sentir quelque part sur la west coast. Dans un pays où on bouge, on pose des questions et où on cherche à faire, même mal.

Tribute to the dead patient

Une de mes patientes, il y a une bonne vingtaine année de cela, m’avait dit cette drôle de phrase : « Il faut sortir tous les matins comme si on devait rencontrer le Président des Etats-Unis ».

Je venais de la louer pour son élégance, sa mise soignée et bien choisie, jusque dans sa chambre d’hôpital et si je la revois, aujourd’hui comme souvent, je n’ai pas conservé son nom et cela m’attriste, comme m’attriste toutes ces « disparitions » d’identité pour des hommes et des femmes dont j’ai partagé des moments de vie cruciaux, et qui se sont, plus ou moins effacés de mon souvenir.

Cette patiente, à laquelle manque un nom, mais je ne veux pas lui en inventer un, avait passé une longue partie de sa vie aux Etats-Unis. Elle était rentrée dans sa ville, celle de mon hôpital, depuis une dizaine d’années mais avait conservé quelque chose de particulier à la bourgeoisie professionnelle américaine qui m’a marqué.

Ce quelque chose, c’était ce que j’appelerai aujourd’hui « l’élégance professionnelle ». Les Américains des labos, surtout sur la côte ouest, sont souvent très décontractés dans leur allure, mais ceux des hôpitaux ou des bureaux sont toujours assez stricts et nets. Je ne me souviens pas non plus de la profession de ma patiente dans sa période américaine, mais je suis certaine qu’elle en avait une et qu’elle la respectait.

Ce drôle de souvenir, un peu inhabituel dans le cadre de ce blog, rejoint un propos de ma mère « il faut respecter le travail ». Elle déduisait de cette phrase toute une série de comportements, qu’elle ne manquait pas d’enseigner, comme celui d’offrir aux travailleurs de tous âges, des locaux propres, bien éclairés et agréables pour que tous puissent s’adonner à sa double marotte : travailler et respecter le travail. Elle a ainsi faire repeindre des salles de classe ou des écoles entières avant la rentrée et menacé rectorats et inspections académiques s’ils ne s’exécutaient pas en temps utile.

J’ai dérivé, comme souvent. Ma patiente avait un critère tout autre : la rencontre du Président des Etats-Unis. J’essaye de l’analyser avec un maximum de justesse. Il y avait dans cette expression un mélange entre respect des Etats-Unis, qu’elle aimait, respect de ses institutions, et plus encore sans doute respect de soi même qui doit se montrer en toutes circonstances à la hauteur (sa propre hauteur).

J’ai conservé un peu de tout cela. Bien sûr, j’ai conscience de la part de conformisme et même de déguisement qu’il y a dans cette attitude de vouloir correspondre à ce qu’on fait, et avec un peu de chance, à ce qu’on est. Un jeune chercheur d’emploi, malin comme un singe, se plaignait à moi de sa répugnance à se déguiser pour se rendre eux entretiens. Je lui ai répondu « Mais n’est-ce pas normal ? En ce moment-même si je n’étais pas déguisée en conseillère générale, est-ce que vous n’auriez pas été surpris ».

Il en a convenu. L’ai-je convaincu pour autant ? Sans doute un peu. En tout cas, il a trouvé du travail, c’était le but, ou au moins une partie du but.

Voilà, c’était juste comme ça un hommage en forme de dette à ma patiente disparue. Ce que les Américains qu’elle aimait appellent « Tribute to ».

Les Gens du Voyage

Rien que l’expression est belle, presque aussi belle que « les fils du vent » et toutes les deux attirent la sympathie, voire l’envie. Imagine-t-on en contrepoint « les gens du sur place » ou « les fils de l’immobilisme », quand ce n’est pas de l’immobilier ?

Les dernières catégories sont pourtant les plus nombreuses et certainement pas les moins dangereuses. j’en donnerais à preuve bien des affaires récentes.

Revenons à Bordeaux où l’imprévision de l’évidemment prévisible a failli faire monter en crise l’hypersensibilité légitimement causée par les déclarations malencontreuses, voire honteuses, du chef de l’Etat à Grenoble. J’écris « a failli » car, à cette heure, il parait probable que la maturité des gens du voyage et leur sens de la responsabilité les ont détournés d’une démonstration de masse, dont Bordeaux aurait été l’épicentre.

J’avoue que je l’ai grandement craint. On ne manie pas impunément le vieux démon du bouc émissaire et on n’humilie jamais sans provoquer la révolte. Après le discours de Grenoble, on pouvait s’attendre à des manifestations de fierté blessée et à une hypersensibilité sur les conditions d’accueil proposées par les villes et le retard pris par la plupart d’entre elles à appliquer la loi Besson (Louis Besson, 0 combien plus recommandable que son homologue homonyme !). La ville de Bordeaux, qui était prévenue depuis deux semaines de l’arrivée des itinérants basés à Anglet n’en a pas tenu compte en amont et nous sommes passés assez prês d’incidents. Saluons le fait qu’il n’aient à cette pas eu lieu.

Restons cependant attentifs et plus encore, actifs. On a trouvé sans difficulté apparente un terrain où implanter le Grand Stade et ses voies d’accès. Ne peut-il en aller de même pour une « aire de grand passage ». Et si nous en concevions une qui honore Bordeaux ? Qui fasse d’elle un exemple ? Qui de manière différente, mais pas davantage négligeable, la situe dans le « top ten » des capitales européennes ?

C’est la leçon en tout cas que donne à notre ville ces « Gens du Voyage ». Avec majuscules.

voir aussi en page « Bordeaux » les communiqués adressés à la presse au fil de ces jours de crise

Faisons l’Europe des langues et de la culture

Les regrets sont pour moi comme une armoire trop remplie que je n’ouvre jamais. L’un pourtant revient souvent quand je rencontre quelqu’un qui possède plusieurs langues.

« Posséder » est le bon mot, pour signifier que l’on navigue familièrement dans une langue, qu’on la plie à ses humeurs et à l’humour, qu’on sait la déformer, l’utiliser façon « grand genre » ou façon triviale. Ce n’est pas mon cas. La médecine m’a donné l’occasion de conserver et d’entretenir l’anglais mais c’est un anglais parcellaire qui ne sert de rien quand il s’agit de parler de la crise économique ou du coucher de soleil. Je comprends CNN avec effort, et celui que me demande la lecture d’un grand roman dans le texte a le don de m’en décourager. Les rudiments que je connais dans d’autres langues me permettent tout au plus de m’y débrouiller et pour ainsi dire d’y survivre.

Comment peut-on être naturellement, maternellement européen sans cela ? Posséder au moins une langue voisine, hors l’anglais, se débrouiller dans d’autres, n’être nulle part étranger ? Le grand défaut du traité constitutionnel -que personne pourtant n’a signalé- a été de ne pas consacrer une seule ligne aux langues dont la variété est pourtant « constitutionnelle » (j’emploie le même mot avec intention) de notre morceau de continent.

En réalité, ce n’était pas aux langues elles-mêmes qu’il fallait consacrer au moins un paragraphe mais à leur enseignement, et à l’engagement que les pays auraient du prendre d’installer fermement et dès le jeune âge les langues voisines dans leur système éducatif.

Ce n’est certainement pas le plus difficile de nos projets européens. Imaginer que dans chaque école, dès les petites classes, l’enseignement d’une langue européenne commencerait d’être dispensé pour ensuite se développer tout au long de la scolarité. Mettre sur pied des systèmes d’échanges d’instituteurs, capables d’enseigner dans le pays d’accueil leur langue de manière « maternelle » n’est pas même d’un coût démesuré, mais demande initiative et acharnement.

Le choix de langues différentes dans les écoles constituerait un facteur de mixité scolaire. Ceci a déjà été fait et démontré. Dans les années 70, l’école Schweitzer du Grand Parc à Bordeaux (quartier d’habitat social) a été la plus performante en matière d’enseignement précoce de l’allemand et cela constituait pour cet école un attrait très réel. Malheureusement, ce qu’un ministère avait rendu possible, le suivant l’a défait..

Si j’étais maire d’une grande ville ayant l’ambition d’être une capitale européenne (…), voilà ce que j’aurais à coeur d’initier en partenariat avec l’Education nationale et les capitales européennes avec lesquelles cette ville est jumelée. Le vrai « grand emprunt » c’est celui de la culture et, ici, il s’agirait de l’échanger.

La volonté d’innover, de créer, d’inventer manque à Bordeaux, comme reconnaissons-le dans notre pays et de la part de son gouvernement dont le fond de commerce se développe sur des idées d’hier. Chaque lecture, chaque recherche, me montre que c’est bien souvent ailleurs que ça se passe. Pourtant, c’est le moment : le XXIème siècle a déjà dix ans et on a l’impression qu’il se fait sans nous, que nous le subissons au lieu de le créer.

Suivi et Infogérance par Axeinformatique/Freepixel