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Le discrédit des lois

« Je ne vois rien de comparable dans notre Histoire proche ou lointaine à ce qui se passe en ce moment. Jamais les conséquences d’une politique n’ont accablé ses auteurs dans un délai aussi court ».

Le bloc-notes de Mauriac en 56. C’est Guy Mollet qui va prendre un lourd paquet dans les lignes qui suivent ces deux-là. C’est aujourd’hui à un autre qu’on pense.

Les unes après les autres, à un rythme qui s’accélère, les lois qui nous ont été imposées se dégonflent. Leurs effets attendus, ou du moins promis à grande publicité, se montrent ou néfastes ou nuls. La cathédrale de papiers de la rupture s’effondre pans après pans.

La première votée a été aussi la première à s’écrouler. Des trois volets de la loi TEPA, que reste-t-il de crédible ? Le bouclier fiscal est rapidement devenu le boulet fiscal et il est aujourd’hui le boomerang fiscal que l’affaire Woerth renvoie à la tête de ses auteurs. Remboursement de 40 millions d’euros à la plus généreuse donatrice de l’ump et autres arrangements ne laisseront pas le gouvernement indemne. La défiscalisation des heures supplémentaires qui devait doper l’emploi et récompenser ceux qui voulaient « travailler plus pour gagner plus » n’a produit ni relance, ni confiance et pas davantage de pouvoir d’achat. L’exonération d’impôts pour les intérêts d’emprunts pour l’achat d’un logement a si fortement alourdi la dette que le gouvernement lui-même est contraint de revoir la copie et d’accepter avec trois ans de retard ce que nous plaidions à l’Assemblée : la mise sous condition de ressources et la réservation aux seuls primo-accédants à la propriété.

La loi sur la récidive, pilule particulièrement amère n’a pas davantage fait diminuer la récidive que la délinquance. Elle n’a fait qu’engorger les prisons : moins cependant qu’on pouvait le craindre, la majorité des juges se faisant une règle de ne pas l’appliquer.

La diminution de la taxe sur la restauration de 19,6 à 5,5% a fait un coûteux flop. Flop en terme de création d’emplois, de baisse des tarifs et de sauvetage des petites entreprises en difficulté. Une inconnue : son impact sur les adhésions à l’ump, puisqu’un bon d’adhésion était joint par le Ministre à la lettre d’annonce de cette mesure qui nous a coûté la paille de 4 milliards d’euros.

Le travail du dimanche devait lui-aussi permettre aux salariés « volontaires » d’arrondir fortement leurs fins de mois puisque le salaire devait être doublé le dimanche. Il n’en a rien été : comme nous l’avions prévu, les volontaires du dimanche n’ont guère le choix, les fraudes s’accumulent et peu fréquents sont les cas où le salaire est éffectivement doublé.

Je cherche sans trouver des lois pour lesquelles nous ayons connaissance d’un bilan positif. Elles existent sans doute, ne soyons pas manichéens, mais sont à l’évidence si marginales que même la droite ne pense pas à s’en glorifier.

« Notre malheur, c’est cette pérennité à Paris d’une équipe de malheur. Le constater ce n’est pas céder à la passion politique. La chute de Monsieur Woerth ne sauvera rien puisqu’il sera remplacé par un autre lui-même ».

C’est Mauriac de nouveau qui parle. A deux mots près.

Parfum de vacances

Commencé la journée avec Lucrèce, commenté par une philosophe qui avait, à s’y méprendre, la voix et le ton chic de Christine Lagarde. Tout à l’heure, ballade comme si on y était, la culture en plus, dans Buenos Aires, en m’attaquant à une tranche de pastèque grande comme une roue de charrette.

Hier soir, après le rayon vert (le vrai, le fugitif rayon vert, juste devant ma fenêtre), un long commentaire politique sur les deux Corées, passé, avenir et soubresauts. Tout cela, avec un petit poste, excellent, gros comme une boîte de sucre en morceaux.

Tout cela aussi pour rendre une fois hommage à France-Culture, affectueusement nommée dans la maison, pour lui enlever tout caractère guindé, « France cul ». France cul sans lequel nos étés seraient bien démunis.

Nos hivers aussi. Mais avouons-le, hors de cette parenthèse de grand large, la nécessité de suivre l’actualité politique comme un gros chien qui renifle et essaye d’en décrypter toutes les odeurs, me détourne souvent vers d’autres fréquences. France cul a pour moi, comme le simple fait de déposer ma montre dans un tiroir pour ne la reprendre qu’au départ, comme le courant d’air qui tape les portes à grands risques pour les chiens et les chats qui viendraient à s’y faufiler, un riche, entêtant et toujours renouvelé parfum de vacances.

Nadine Morano attribue à Elisabeth Guigou ce qui appartient à Alain Juppé

Faut-il même en sourire ? La première zélote de Nicolas Sarkozy ne prend, avant ses déclarations tonitruantes, pas même le soin de demander à son cabinet de vérifier ce qu’elle va dire. Elle est à bon exemple : Nicolas Sarkozy lui-même aligne sans sourciller les fausses vérités, les chiffres arrangés et les comparaisons fautives. Sa dernière intervention télévisée en a donné un florilège.

Concernant Nadine, Elisabeth et Alain, de quoi s’agit-il ? Du sujet très sensible de la déchéance de nationalité. Voulant une fois encore soutenir les paroles imprudentes du Président, Nadine s’est référée à Elisabeth Guigou qui aurait en 1998 étendu cette possibilité aux actes de terrorisme.

Double erreur. EG a au contraire limité cette possibilité en l’interdisant pour toute personne que la mesure rendrait apatride. Et en abrogeant un décret du mémorable Charles Pasqua qui permettait de l’étendre aux crimes de droit commun.

Celui qui a étendu la possiblité de déchéance de la nationallité, c’est Alain Juppé. Qui doit aujourd’hui vivre avec tristesse que Nadine Morano ne l’ait pas considéré comme une caution morale suffisante et lui ait préféré Elisabeth Guigou. Je ne me prononcerai sur ce point, d’autant que c’est Jacques Toubon qui officiait alors au Ministère de la justice dans le gouvernement d’Alain Juppé.

Intentionnels ou pas, ces quiproquos, ces bricolages destinés à enfumer le débat, atteignent une fois encore la force de la parole publique. A laquelle on devrait pouvoir se référer.

Le 4 août

L’Histoire n’est pas chiche en manifestations d’humour, quelquefois en sarcasmes ou en dérision. On choisira. C’est aujourd’hui 4 août qu’Eric Woerth se voit attribuer le César du dégrèvement fiscal. La formule est d’Alain Youpi, je n’ai pas résisté à la lui emprunter.

Le 4 août, véritable coup d’envoi de la Révolution française, dans une atmosphère de révolte et de peur, une poignée de députés, tous aristocrates, s’avise qu’il faut faire quelque chose. Pas question de déclarer la déchéance de la nationalité pour ceux qui attentaient à l’ordre : elle n’existait pas encore. De propositions en propositions, on en vint à proclamer l’abolition des privilèges et des droits seigneuriaux, et aussi (tout le sel vient de là), l’égalité de tous devant l’impôt.

Plus de trois siècles après, les jacqueries et les révoltes, n’ont ni le même sens, ni le même objet. Rien n’est vraiment comparable, sauf la nécessité d’une réponse de rigueur et d’égalité. Pas la rigueur de Fillon, la rigueur tout court, et l’égalité des droits. Justice, fiscalité, ceux-là même dont l’affaire Woerth-Bettencourt met en scène à la façon d’un feuilleton américain, le déni et le mépris.

En vacances depuis hier, le Président aura le loisir de lire, outre la princesse de Clèves, l’histoire de la Révolution. Il en existe bien des versions et les plus grands historiens l’ont marquées de leur nom. Il y a même des abrégés, Carla sans doute saura trouver.

Je plaisante, c’est souvent la facilité et quelquefois la faiblesse. Occupée à des entreprises toutes plus favorables les unes que les autres et où le cerveau est peu engagé, j’ai peu de goût à obscurcir ce jour où l’on perçoit déjà que l’été est proche de passer sa moitié. De ce 4 août qu’est aujourd’hui, sauvons avant tout la douceur.

L’incroyable silence de l’été

L’incroyable silence de l’été, si émouvant, si paradoxal, ce n’est ni sur les plages, ni dans aucun lieu de villégiature, bien moins encore dans les aéroports ou dans les gares, mais au coeur des villes, abandonnées, oubliées, désertées, qu’on le trouve. Et le silence n’est jamais plus silencieux que dans les lieux habitués au bruit et à l’agitation.

Bordeaux, aujourd’hui. Vide, vacant pour je ne sais quelle aventure. Même les jardins sont désertés par la menace d’averses brutales et chaudes. Je m’affaire à de modestes entreprises dans la maison toutes fenêtres ouvertes, bannissant la radio, bannissant tous les bruits pour mieux écouter ce silence des villes quand tous ceux qui les habitent et qui les agitent, qui oublient même de les regarder, sont tous ensemble entrain de les fuir.

Premier jour de vacances. Est-ce que les vacances ne sont pas d’abord le dépaysement ? Bordeaux était alors le vrai bon choix. Humide, d’un gris d’été, tiède comme un vêtement, poétique, un brin -juste ce qu’il faut- cafardeux.

Et surtout, silencieux, incroyablement silencieux.

Suivi et Infogérance par Axeinformatique/Freepixel