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« Eléments de langage » ou le discrédit de la parole publique

Comment peut-on encore croire à la parole publique quand on sait qu’elle est dictée sous forme d « éléments de langage » ?

L’affaire Woerth-Bettencourt en donne aujourd’hui un exemple affligeant. Une fois connues révélations des entregistrements au domicile de Mme Bettencourt, le pouvoir a pris la mesure de l’évidence du scandale. Après quelques tatonnements (la piètre défense initiale d’Eric Woerth), la stratégie de communication a été mise en place et administrée à la majorité qui la reproduisent en kit, à quelques nuances de langage.

Outrances de langage plutôt. Xavier Bertrand qualifie de « fasciste » le site médiapart, Nadine Morano de « médio-politico-trotskiste ». La distance entre les deux n’est sans doute qu’un « détail »…

La stratégie générale avait été révélée par quelques imprudents avant même d’être mise en oeuvre ; nier et s’offenser, attaquer, discréditer, triompher. L’acte IV devant être celui du Président de la République, qui s’adressera aux Français lundi prochain.

Nous touchons-là à une sorte de sommet d’ absence-de-pensée unique. Elle n’est pourtant pas nouvelle et depuis l’avènement de Nicolas Sarkozy, largement pratiquée. Dès juin, 2007 nous avons connu « le choc de confiance et le choc de croissance » dont la prédiction était reprise en choeur par tous les Ministres pour faire passer la loi TEPA et le bouclier fiscal. Plus tard, on n’écoutait plus qu’une seule formule, sur tous sujets « personne ne sera laissé sur le bord de la route »…

Depuis lors, on a vu de quel « choc » il s’agissait en fait, et les bords de route n’en finissent plus de se remplir.

Une Préfète me disait récemment qu’elle avait décidé de quitter le corps préfectoral le jour où elle avait reçu les « éléments de langage » destinés à son discours de voeux. Ministres, hauts fonctionnaires, parlementaires de la majorité, sont désormais réduits au rôle de moulins à prière tibétains, répétant en boucles ce que le pouvoir leur adresse, déchargés du devoir de penser, d’exprimer leurs engagements et, pour les plus courageux, leurs inquiétudes, d’avoir un lien direct et sincère avec les Français qu’ils administrent ou qu’ils représentent.

Les parlementaires UMP reçoivent pour leurs « lettres » ou autres publications à leurs électeurs un CD rom préfabriqué, rendant compte uniformément de leurs faits et gestes sur tout le territoire. Les témoins qui expriment, photo à l’appui, leur pleine satisfaction de la politique en cours sont les mêmes d’un bout à l’autre de l’hexagone. Députés et sénateurs n’ont qu’à rajouter un choix de leurs meilleures photos, l’adresse et les dates de leurs permanences.

Qui peut croire désormais à une parole que l’on sait préformatée par les cabinets de communication et passée à l’imprimatur élyséen ? Qui peut-même continuer à l’écouter ? Et avoir envie d’aller voter ?

On retiendra de Nicolas Sarkozy, au moins autant que d’avoir largement contribué à vider les caisses de l’Etat, d’avoir vidé de son sens l’action publique. C’est incroyablement grave et je ne sais comment nous le supportons.

Où allons-nous ?

Extrême tension ce soir à l’Assemblée. Non pas tant dans l’hémicycle lors des questions d’actualité qu’avant et après elles. Nous sommes au coeur du système, dans le noyau dur de la Sarkozie, celui où tout le monde (la majorité) fait bloc parce que tout le monde en dépend. L’argent…

Bien sûr, une évidence n’est pas une preuve, mais elle reste une évidence. Et nous en sommes là.

Pour aller où ? C’est la question et elle est grave. Remontant dans mon bureau, après m’être arrêtée un moment dans la cour d’honneur de l’hôtel de Lassay pour chercher des réponses, je n’ai trouvé que des hypothèses ou plutôt d’autres questions dont aucune n’est rassurante.

La remise de fonds non déclarés pour la campagne présidentielle pourra-t-elle être démontrée ? Rien n’est moins sûr. Non que les renseignements donnés par la comptable ne paraissent pas fondés ni, partiellement au moins, vérifiables. Les dates sont précises que tous les banquiers du monde enregistrent avec précision et peuvent confirmer.

Les motivations du témoin (cette comptable) paraissent recevables. Du moins, comprendrait-on plus facilement qu’elle ait fait des déclarations contraires ou qu’elle n’en ait fait aucune. Se serait-elle tue, elle aurait certainement été accueillie de manière « amicale » par ceux qui avaient intérêt à ce qu’elle se taise.

Les banquiers livreront-ils les renseignements nécessaires ? Rien n’est moins sûr et, pour autant, pas impossible.

. Imaginons que l’on parvienne à faire de l’évidence une preuve. Que peut-il advenir ? J’ai interrogé sur ce point nos plus fins constitutionnalistes. L’élection présidentielle , au contraire de la plus modeste élection cantonale, ne s’invalide pas. Le Président ne pourrait être sanctionné que par un vote de l’Assemblée (trahison, prise illégale d’intérêt) : la majorité lui est acquise. Cela ne sera pas.

. Hypothèse 2. Le Président, sentant la situation perdue, garde le pouvoir de la dissolution. La gauche a, alors, de fortes chances de l’emporter. Le Président peut miser sur son épuisement en face du double enjeu de faire face au discrédit du pouvoir et de la préparation de la prochaine présidentielle.

Pari hautement risqué, dont l’expérience de 1997 parait préserver le pays. Peu probable mais possible cependant.

. Hypothèse 3 , le contraire de la campagne de Russie : l’enlisement. Non dans l’hiver russe, mais dans la torpeur du mois d’août. Sarkozy et Woerth font le gros dos, tiennent et tiennent la majorité et on recommence à la rentrée avec deux ans de plus de décadence morale et de naufrage économique.

On comprendra aisément que mon moral n’est pas ce soir à la hauteur du déficit public. Je compte très fort sur les fidèles de ce blog pour apporter l’éclaircie d’une hypothèse 4 (ou, comme on voudra, d’un « plan D ») qui nous permette de nous sentir moins mal ou moins inquiets.

D’une affaire d’Etat à une crise de régime

Blaise Pascal comparait le connaissance à un escalier que l’homme éclaire de sa lanterne, marche après marche, mais dont il ne connaitra jamais le fond…

C’est ce matin, au retour de longues vacances de trois jours, ce qui me saisit : ira-t-on jamais au bout des turpitudes de l’ump et du pouvoir en place ?

Ce qui était d’emblée une affaire d’Etat se révèle aujourd’hui une véritable crise de régime. Et malheureusement c’est aussi la République et l’image de la France à l’étranger qui s’en trouve fissurée, blessée, avilie.

Je me souviens d’un dessin de Jacques Faizant en 1970 : Marianne pleurait devant le chêne abattu qui figurait de Gaulle. Elle pleure aujourd’hui de voir le bois tombé foulé au pied.

Affaire d’Etat, la situation d’Eric Woerth le fut dès le début : qu’un Ministre-clef du gouvernement ne démissionne pas dans l’instant quand il est l’objet d’un évident conflit d’intérêt, pire qu’il n’ait pas, de lui-même, jugé comme impensable que l’épouse du Ministre du budget soit salariée de la première pourvoyeuse de fonds de l’ump et qu’il n’ait pas aussitôt abandonné sa fonction de trésorier de l’ump en devenant Ministre du budget, tout cela est contraire à la morale et même -eh oui !- à l’honneur.

Mais nous sommes aujourd’hui plusieurs marches plus bas. L’écran de fumée Joyandet-Blanc, la crise du chef de l’Etat quand il découvre qu’il perd l’initiative, les proclamations d’intégrité dont l’ump entoure Eric Woerth comme autant d’encensoirs douteux ; beaucoup plus gravement encore, le retour de l’image terrible des « porteurs de valise », avec dans le rôle nos plus hauts responsables. Bien sûr, rien n’est avéré et ne le sera pas aisément. L’argent liquide porte bien son nom : il coule sans laisser de trace.

Pensons au contrôle légitimement pointilleux des comptes de la plus petite élection cantonale et à ceux dont l’élection a été invalidée pour un achat oublié ou un meuble prêté ne figurant pas au titre d’ « avantage en nature ». Que peut-être la conséquence d’un financement non déclaré de campagne présidentielle de 150 millions d’euros ?

Tout à l’heure, à l’issue des questions d’actualité, écoutant le Ministre Christian Estrosi déclarer « les parlementaires socialistes veulent voir le sang couler », j’ai eu honte. Les parlementaires socialistes, comme tous les Français, ont besoin de connaitre la vérité.

Assemblée nationale et PASSAGE SUR LCP

10h30 Réunion des Vice-Présidents

11h00 Réunion du groupe socialiste

14h00 Réunion des commissaires socialistes

15h00 Questions d’actualité

15h45 PASSAGE SUR LCP : LA SEANCE CONTINUE

16h00 Réunion projet de loi immigration

19h00 Vote débat d’orientation sur les finances

19h30 Réunion/ Pot de fin de session ordinaire à la Questure

Suivi et Infogérance par Axeinformatique/Freepixel