Pour la deuxième fois et alors que je m’étais faite une règle de l’éviter, je me vois contrainte de répondre au blog du Maire de Bordeaux. Pour deux raisons : il contient une insinuation inacceptable, il ne répond à aucune des questions que nous (les élus bordelais n’appartenant pas à sa majorité) lui posons au nom des Bordelais.
1 – Avec une admirable perfidie, Alain Juppé dénonce toutes les interrogations levées par l’affaire Saint Eloi-Saint Projet comme une manipulation (une « manip ») contre lui et la met en parallèle avec l’affaire Terrasson qu’il n’a vécue, à son habitude, qu’en se plaçant en son centre. Accusant « deux ou trois élus socialistes » de la « manip » actuelle, il laisse entendre de manière souterraine que la « manip » précédente était de même origine.
La calomnie n’est jamais si grosse que quand elle est souterraine. Alain Juppé aurait-il demandé avec clarté « les socialistes sont-ils à l’origine de l’affaire Terrasson ? », nous lui aurions répondu vigoureusement, mais le dialogue eût été clair. Pourquoi, une fois encore, dans cette affaire comme dans l’actuelle, n’a-t-il pas le courage d’un discours direct, non plus que de la reconnaissance de ses torts ou de ceux de son proche entourage ?
Pourquoi n’a-t-il pas le courage de dire que s’il y a eu « manip » dans l’affaire Terrasson, elle vient de son camp ?
Ici, n’est-ce pas lui qui manipule ?
« Dans l’idée que je me fais du combat politique, des procédés aussi déshonorants » que celui qu’il utilise ici n’ont pas de place. On devine que j’utilise les mots exacts d’Alain Juppé.
2- Le Maire de Bordeaux prétend dans son blog donner « les faits dans toute leur transparence ». Si les Bordelais attendent depuis plusieurs semaines qu’il s’exprime sur le fond, autrement que par des citations de l’évangile, ils ne trouvent ici aucune des réponses à leurs questions. L’oubli de quelques mots, de quelques nécessités de la fonction de Maire contredit jusqu’à l’utilisation du mot de « transparence ».
« La Mairie donne suite à l’association dirigée par l’abbé Laguérie qui s’engage à rénover à ses frais… » . Cette sympathique association présentée comme « culturelle » au Conseil Municipal était en effet « dirigée » (AJ a raison : « présidée » ne correspond pas à la réalité) par un abbé intégriste excommunié dont les sympathies avec l’extrème droite étaient connues de tous parce que traduites dans de nombreux faits. Du Maire de Bordeaux lui-même qui, lors de la délibération, a dit qu’il voulait faire pièce à « ‘extrème gauche qui jouissait de l’église saint simeon (cinéma utopié) en dévoluant saint eloi à l’extrème droite (la citation est juste mais non littérale. On la trouvera dans le compte rendu du conseil municipal). Pourquoi ne trouve-t-on aucun de ces mots « excommunié », « intégriste » dans la relation que fait Alain Juppé ?
Et surtout pourquoi, connaissant l’énormité du coût de la restauration de l’église Saint Eloi, laissée « dans un état d’abandon », n’informe-t-il pas aujourd’hui son conseil municipal du dossier financier qui lui a obligatoirement (en sa qualité de propriétaire des lieux) été transmis ? L’a-t-il analysé ? En a-t-il validé tous les aspects ?
En 7 lignes ensuite, il résume la procédure qui a suivi la dévolution de l’église. Ne voulant pas allonger à l’excès ce billet, je renvois à l’article|fr] de rue 89 qui en a donné le compte-rendu le plus exact et le plus précis qui soit possible. Les documents de justice, les courriers du Préfet, actuel directeur de cabinet de Nicolas Sarkozy y sont reproduits. On jugera de la distance entre les propos « transparents » du Maire et la réalité du dossier.
Une sorte de sommet de l’hypocrisie bienséante qui préside à beaucoup de rapports humains et dont la politique n’est pas exempte réside dans cette phrase « il faut une imagination puissamment créatrice pour établir un lien entre la fiscalité applicable à la rénovation du patrimoine historique (…) et les agissements scandaleux révélés par l’émission « les infilltrés ».
Qu’il soit en effet beaucoup pardonné à cette « imagination créatrice » qui depuis un certain nombre de siècles, grâce à des rapprochements simples relevant de la simple logique, a permis de sortir de l’ornière tant de vérités assénées, d’oraisons et de péroraisons, de dossiers pourris, de scandales en tous genres, par lesquels, quelquefois, notre société se régénère. Bernanos et Mauriac ont beaucoup usé de cette « imagination » créatrice et pour autant coupable. S’interroger sur les liens entre la restauration de saint Eloi et l » « arnaque aux batiments historiques » dénoncée par ce même journal le monde en octobre 89 relève de l’impiété autant que du délit. Comme le dit le Maire de Bordeaux « je fais confiance à la justice pour punir ceux qui auraient transgressé les lois ».
Pour finir, un délice : le Maire de Bordeaux « n’en veut pas à Caroline Fourest », l’auteur de la chronique « Saint Emoi » dans « le Monde ». Se fâcher avec ce quotidien n’est jamais bien prudent quand on est candidat à l’élection présidentielle.
Caroline Fourest, délaissant tous ses devoirs de journaliste, n’a fait que « fidèlement reproduire les allégations de deux ou trois élus socialistes bordelais qui me poursuivent depuis quinze ans d’une haine tenace ».
Quelle injure pour les journalistes !