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Affaire saint Eloi – saint Projet : le double mensonge

On se rappelle du bon Saint-Eloi qui avait tancé le roi Dagobert, ne le trouvant pas culotté à sa guise. Il aurait pu faire de même hier à l’issue de la question d’actualité posée au Ministre de l’intérieur.

Ou Brice Hortefeux s’est trompé par méconnaissance du dossier ou il a voulu enfumer le téléspectateur. Comme il avait eu communication du sujet de la question, on devine quelle réponse a ma faveur.

J’ai en effet mis en cause l’absence d’application de trois décisions de justice rendant illégale la dévolution de l’église par Alain Juppé :

 »La dévolution de cette église à des catholiques intégristes a été déclarée *illégale *par *trois* décisions de justice, la dernière issue du Conseil d’Etat. L’application de ces décisions n’a été demandée ni par le Ministre de l’Intérieur d’alors, Nicolas Sarkozy, ni par le Préfet, son actuel directeur de cabinet, ni par le Maire de Bordeaux, Alain Juppé. Depuis lors, *rien n’a été fait *pour empêcher ces dérives ».

A cette triple vérité, le Ministre a répondu que seul l’archevèque pouvait demander l’exécution des décisions.

Faux. L’église avait été déclarée non désaffectée par le Préfet Christian Frémont dans un courrier écrit adressé à Gilles Savary et même si c’était un mensonge la qualité de son auteur officialisait la propriété pleine et entière du Maire sur l’église. L’exécution de la décision de justice relevait de l’autorité publique.

Au passage, même dans le cas d’une église non désaffectée, c’était aussi le cas : l’archevèque n’a qu’une autorité morale et reçoit l’affectation pour la pratique du culte, le Maire restant propriétaire des lieux.

C’est donc un deuxième mensonge qui fait suite au premier. Brice Hortefeux est décidément très culotté.

voir le texte de l’intervention en page « à l’Assemblée

Saint Eloi-Saint Projet : ce que les Bordelais doivent savoir

Au conseil municipal hier, l’opposition socialiste s’est adressée très posément au Maire de Bordeaux pour que soit éclairé le dossier de l’affaire Saint Eloi-Saint Projet, elle-même consécutive à la dévolution de l’église Saint Eloi aux intégristes de Mgr Lefèbvre.

Cette église historique est, depuis la loi de 1905, propriété communale. Les Bordelais sont au premier chef en droit d’être informés avec transparence des divers développements de l’affaire. Plusieurs questions exigent une réponse de la part de leur Maire.

– Pourquoi, la dévolution de 2002 ayant été déclarée illégale par trois jugements successifs, ni le Ministre de l’intérireur (Nicolas Sarkozy), ni le Préfet Frémont (actuel directeur de cabinet de NS), ni le Maire lui-même n’ont-ils demandé l’exécution des jugements ?

Comme on voit, la réponse n’appartient pas qu’au Maire, mais celle du Maire est importante.

– Depuis la dévolution à ce groupe intégriste alors excommunié et connu pour sa proximité avec l’extrême droite, les services de l’Etat (Renseignements Généraux, police) ont-ils surveillé ses agissements et ceux des groupes et institutions qui se sont développés à côté d’elle ? Le Maire de Bordeaux a-t-il été tenu au courant ?

Dans les deux cas, la réponse ne peut-être que « oui », sinon nous ne pouvons que conclure à une grande et coupable complaisance de l’Etat envers ce type d’extrémisme. Pour autant, le Maire de Bordeaux m’a répondu de manière un peu sibylline « que la ville n’a pas eu antérieurement d’informations sur les pratiques et le fonctionnement de ce groupe ».

– Le Maire de Bordeaux a-t-il eu transmission du dossier financier de la restauration somptueuse et rapide de l’église Saint Eloi ? En a-t-il fait part au Conseil municipal comme il sied s’agissant d’une propriété communale?

La réponse est obligatoirement « oui » à la première partie de la question. Elle est malheureusement « non » à la deuxième et l’interrogation de l’opposition municipale hier ne semble pas l’y disposer.

– Le Maire de Bordeaux s’est-il enquis de l’origine des fonds permettant cette restauration ainsi que des conditions fiscales l’accompagnant ?

Cette question, le Maire de Bordeaux n’a pas pu ne pas se la poser, particulièrement en connaissance de la personnalité qui est aujourd’hui à la présidence de l’école Saint Projet : maître Thomas Rivière, du cabinet Rivière qui a en charge la très grande majorité, pour l’ensemble de la France, des dossiers de défiscalisation patrimoniale relatifs aux monuments historiques et aux secteurs protégés.

Au moment de la diffusion de l’émission « les infiltrés », je travaillais pour ma part à éclairer les méandres et les insuffisances de contrôle de la défiscalisation des travaux concernant les monuments classés, sur lesquels un article du « Monde » en date du 15 octobre 2009 m’avait alertée. Il faisait état de plusieurs opérations d’ « arnaque aux bâtiments historiques » impliquant l’architecte Philippe Tillet et le cabinet Rivière.

Lecteur du « Monde », le Maire de Bordeaux n’a pu, comme moi, qu’être alerté, d’autant qu’il avait précédemment confié à Philippe Tillet le rôle d’architecte-conseil pour la campagne de ravalement des façades des quais et que la majorité des dossiers évoqués concerne le patrimoine bordelais.

Il ne peut non plus ignorer l’intérêt pour cette question de la défiscalisation patrimoniale de son fidèle adjoint, Hugues Martin. J’ai pu découvrir dans son oeuvre législative, un amendement signé par lui ayant pour objet le déplafonnement de ces défiscalisations.

Rappelons que Bordeaux a le plus grand secteur sauvegardé de France, avec 150 hectares classés et 5000 immeubles candidats à la restauration ou déjà restaurés. Une très grande vigilance s’impose donc, d’autant que de multiples procédures sont aujourd’hui même en cours.

A ces cinq questions, que j’ai posées dès le 30 avril lors d’une conférence de presse sur le sujet, les Bordelais doivent recevoir une réponse. Elle leur permettra peut-être de répondre à une sixième :

Pourquoi Alain Juppé a-t-il sciemment décidé de dévoluer une église historique de notre ville à un groupe intégriste, alors qu’il n’avait, un an après l’élection municipale, nul besoin personnel de rallier les voix de l’extrême droite ?

C’est la faute à Voltaire !

On commente beaucoup le parallèle établi par Martine Aubry entre Sarkozy et Madoff « Sarkozy donnant des cours de maîtrise budgétaire, c’est comme Madoff donnant des leçons de comptabilité ». Remarquons que c’est la comparaison de deux actions, pas de deux personnes en tant que telles.

On a moins parlé d’une autre partie de son discours que je trouve très savoureuse. En réponse à Sarkozy mettant sur le dos de Mitterrand nos difficultés à financer les retraites, elle a évoqué un autre grand ancien.

« Si Jules Ferry n’avait pas rendu l’école obligatoire, nous aurions quand même moins de problèmes… ». Sûr : que des élèves de même milieu social, tous venant des mêmes quartiers et surtout tellement moins nombreux, c’est plus facile !

On pense irrésistiblement au petit Gavroche mort sur les barricades en chantant « C’est la faute à Voltaire ! »

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