Au conseil municipal hier, l’opposition socialiste s’est adressée très posément au Maire de Bordeaux pour que soit éclairé le dossier de l’affaire Saint Eloi-Saint Projet, elle-même consécutive à la dévolution de l’église Saint Eloi aux intégristes de Mgr Lefèbvre.
Cette église historique est, depuis la loi de 1905, propriété communale. Les Bordelais sont au premier chef en droit d’être informés avec transparence des divers développements de l’affaire. Plusieurs questions exigent une réponse de la part de leur Maire.
– Pourquoi, la dévolution de 2002 ayant été déclarée illégale par trois jugements successifs, ni le Ministre de l’intérireur (Nicolas Sarkozy), ni le Préfet Frémont (actuel directeur de cabinet de NS), ni le Maire lui-même n’ont-ils demandé l’exécution des jugements ?
Comme on voit, la réponse n’appartient pas qu’au Maire, mais celle du Maire est importante.
– Depuis la dévolution à ce groupe intégriste alors excommunié et connu pour sa proximité avec l’extrême droite, les services de l’Etat (Renseignements Généraux, police) ont-ils surveillé ses agissements et ceux des groupes et institutions qui se sont développés à côté d’elle ? Le Maire de Bordeaux a-t-il été tenu au courant ?
Dans les deux cas, la réponse ne peut-être que « oui », sinon nous ne pouvons que conclure à une grande et coupable complaisance de l’Etat envers ce type d’extrémisme. Pour autant, le Maire de Bordeaux m’a répondu de manière un peu sibylline « que la ville n’a pas eu antérieurement d’informations sur les pratiques et le fonctionnement de ce groupe ».
– Le Maire de Bordeaux a-t-il eu transmission du dossier financier de la restauration somptueuse et rapide de l’église Saint Eloi ? En a-t-il fait part au Conseil municipal comme il sied s’agissant d’une propriété communale?
La réponse est obligatoirement « oui » à la première partie de la question. Elle est malheureusement « non » à la deuxième et l’interrogation de l’opposition municipale hier ne semble pas l’y disposer.
– Le Maire de Bordeaux s’est-il enquis de l’origine des fonds permettant cette restauration ainsi que des conditions fiscales l’accompagnant ?
Cette question, le Maire de Bordeaux n’a pas pu ne pas se la poser, particulièrement en connaissance de la personnalité qui est aujourd’hui à la présidence de l’école Saint Projet : maître Thomas Rivière, du cabinet Rivière qui a en charge la très grande majorité, pour l’ensemble de la France, des dossiers de défiscalisation patrimoniale relatifs aux monuments historiques et aux secteurs protégés.
Au moment de la diffusion de l’émission « les infiltrés », je travaillais pour ma part à éclairer les méandres et les insuffisances de contrôle de la défiscalisation des travaux concernant les monuments classés, sur lesquels un article du « Monde » en date du 15 octobre 2009 m’avait alertée. Il faisait état de plusieurs opérations d’ « arnaque aux bâtiments historiques » impliquant l’architecte Philippe Tillet et le cabinet Rivière.
Lecteur du « Monde », le Maire de Bordeaux n’a pu, comme moi, qu’être alerté, d’autant qu’il avait précédemment confié à Philippe Tillet le rôle d’architecte-conseil pour la campagne de ravalement des façades des quais et que la majorité des dossiers évoqués concerne le patrimoine bordelais.
Il ne peut non plus ignorer l’intérêt pour cette question de la défiscalisation patrimoniale de son fidèle adjoint, Hugues Martin. J’ai pu découvrir dans son oeuvre législative, un amendement signé par lui ayant pour objet le déplafonnement de ces défiscalisations.
Rappelons que Bordeaux a le plus grand secteur sauvegardé de France, avec 150 hectares classés et 5000 immeubles candidats à la restauration ou déjà restaurés. Une très grande vigilance s’impose donc, d’autant que de multiples procédures sont aujourd’hui même en cours.
A ces cinq questions, que j’ai posées dès le 30 avril lors d’une conférence de presse sur le sujet, les Bordelais doivent recevoir une réponse. Elle leur permettra peut-être de répondre à une sixième :
Pourquoi Alain Juppé a-t-il sciemment décidé de dévoluer une église historique de notre ville à un groupe intégriste, alors qu’il n’avait, un an après l’élection municipale, nul besoin personnel de rallier les voix de l’extrême droite ?