Le charme discret des verbes déponents
A toute chose, malheur est bon, disaient nos anciens. Ils se trompaient : c’est avec des préceptes de ce genre qu’on a escroqué des générations de braves gens qui croyaient, qui au paradis, qui à la protection de leur seigneur, qui à rien du tout mais avaient la flemme de s’interroger.
Dans la catastrophique dévolution de l’église Saint-Eloi à une poignée d’intégristes, et sans doute à une poignée beaucoup plus grosse d’affairistes, j’ai trouvé un petit bonheur : renouer avec un de ces verbes déponents dont il ne reste presque rien, mais que j’aime pour cela, dans leur définitive nudité. Des exclus, des laissés pour compte, des mots de peu.
Pour les oublieux de la grammaire, un verbe déponent est un verbe qui a laissé beaucoup de plumes dans des siècles d’usage et perdu la plupart de ses temps et de ses formes de conjugaison. « Ci-gît » est le plus célèbre. Le vieux « dévoluer », du latin « devoluere » compte parmi ces pauvres hères du langage.
Il n’en reste guère que le participe passé « il m’a été dévolu une lourde charge » et deux subsantifs. L’un plutôt sympathique : « il a jeté son dévolu sur une jeune fille ». Pas très féministe, je le reconnais comme exemple. Disons plutôt « Véronique a jeté son dévolu sur ce beau gosse ».
Alain n’a pas choisi ce substantif, mais plutôt celui, appartenant au vocabulaire du droit et de la théologie, de « dévolution ». Et toc, au lieu de jeter son dévolu sur quiconque, a abandonné l’église Saint-Eloi à une poignée de jeunes gens qui ne l’ont pas dévolué qu’à l’esprit saint.
Les verbes ne manquent pas d’élégance quand il déponent. Quand les hommes politiques font quelque chose qui, à une lettre près, y ressemble, ils manquent carrément de discernement.