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L’évidence de l’interdépendance et le devoir de réciprocité

Dans un précédent billet, j’essayais de traduire cette évidence, jamais enseignée, voire même obscurément considérée comme un risque ou une faiblesse : notre inter-dépendance. Ne dit-on, pour parler de la perte d’autonomie du grand âge ou du handicap, qu’une personne devient « dépendante », comme si elle ne l’était pas depuis sa naissance, et comme si cela ne faisait pas partie de notre humanité d’être dépendant les uns des autres ?

De cette conscience de notre dépendance, nait un devoir : le devoir de réciprocité.

En réalité, nous sommes sans doute nombreux à essayer de mettre en forme ce qui est en effet devenu un devoir, une nécessité de survie, en face du tout économique et même du tout scientifique.

Martine Aubry évoque depuis fort longtemps, même si cela n’est apparu que récemment dans l’actualité, une « société du « care » », du « prendre soin ». C’est aujourd’hui le tour du Pr Philippe Kourilsky, que j’ai eu la chance de rencontrer à plusieurs reprises dans mon chemin médical, de proposer un mot « le temps de l’altruisme » dans un nouvel ouvrage auquel « le Monde » consacre une page entière.

Il y apporte un éclairage scientifique très frappant en racontant ce qui fut un tournant pour lui : découvrir que malgré l’existence d’un vaccin très peu cher et sans effet fâcheux, 800 000 enfants mouraient encore chaque année de la rougeole. Ce n’est pas la science, mais la « générosité » qui a aujourd’hui réduit ce chiffre à 200 000, par l’intermédiaire du « programme global » de Bill Gates.

Je préfère à vrai dire la « réciprocité » à la « générosité » : elle nous enseigne qu’on ne donne pas sans recevoir et surtout que chacun a également besoin des autres. Et une fois encore : qu’aucun ne se sauvera seul.

La réforme des retraites et la politique de l’âge en général vont constituer le champ d’application parfait de ce devoir de réciprocité.

Entre nous

Ce qui est terrible, c’est de ne jamais parvenir à faire la moitié du quart de ce qu’on a envie et besoin de faire. Un samedi comme celui-ci, déclaré libre, est avalé en moins de temps qu’il n’en faut pour s’en rendre compte. Les travaux, ménagers, jardiniers, plus ou moins intellectuels, se pressent, en génèrent d’autres, et pendant ce temps, ce temps finalement très court, le ciel change, le temps tourne, la journée pourtant longue et ascendante approche de sa fin et pas la moitié de toutes les belles choses qu’on s’était promises ne sont réalisées et pour une part, pas même entamées.

Les sages disent que la valeur du temps monte avec l’âge. Je ne peux pas même souscrire à ce qui parait pourtant une évidence : pas grande, ou en tout cas pas vieille, j’étais déjà saisie par cette disproportion entre le programme de ce qui nous est offert et le temps pour y parvenir. Les journées, les saisons, quand elles tournaient sur leur axe médian me plongeaient dans l’inquiétude et une sorte de compte à rebours de ce qui me rapprochait de leur fin.

Je suis devenue avec l’âge moins inquiète, mais plus pressée, plus désireuse de faire au moins une partie de ce « programme » que le seul fait de naître nous propose et que nous cultivons, que nous élargissons, au fur et à mesure des ans.

Je m’étais promise, en début de journée, d’évoquer dans ce blog, la nécessité d’un élargissement de tous les revenus à l’assiette des retraites, et la possibilité d’une TVA sociale différentielle (nulle sur les produits de première nécessité, forte sur les produits de luxe). « Les choses de la vie » ont pris la journée en mains et en ont décidé tout autrement. Sûr de chez sûr, le blog n’y coupera pas pour autant.

Maltraitance financière des âgés et des personnes vulnérables : un sujet éminemment difficile

Un sujet difficile, parce qu’il touche bien souvent aux liens familiaux, à l’appréciation toujours délicate du degré de lucidité d’une personne vulnérable et au nécessaire respect de sa liberté. Mais en tout cas un sujet que le législateur, non plus que ceux qui oeuvrent pour venir en aide aux âgés, ne peut ignorer.

A tous les niveaux de la société, quelquefois (rarement) sous la lumière de l’actualité comme dans le cas des liens entre Pierre-Marie Banier et Mme de Bétancourt patronne de l’Oréal, mais bien souvent au coeur de l’intime, des liens privés, des secrets de famille, les cas de maltraitance sont nombreux et demeurent en général cachés. Tous les niveaux de gravité sont possibles, de l' »indélicatesse » à la dilapidation pure et simple.

La maltraitance financière représenterait le quart de tous les cas signalés de maltraitance. Les évolutions démographiques et l’accroissement continu du nombre de personnes fragilisées par une maladie neuro-dégénérative ne peuvent qu’entrainer une augmentation du nombre de cas dans les prochaines années.

Où en sommes-nous sur le sujet ? Le code pénal n’envisage pas les âgés comme une catégorie spécifique, ce qui est à la fois légitime et quelquefois source de difficulté d’appréciation. Ils sont intégrés, quand la question se pose de leur fragilité, dans le groupe des personnes « d’une particulière vulnérabilité ». La vulnérabilité d’une victime constitue alors une circonstance aggravante de toute infraction de droit commun mais elle peut aussi être l’élément constitutif d’une infraction particulière qui n’est punissable qu’au regard de la qualité de la victime (comme par exemple en cas de délaissement).

Le manque de clarté et l’absence de définition juridique de la vulnérabilité limitent grandement les dispositions du code pénal et, dans la pratique, réduit d’autant le nombre des inculpations; pour toute l’année 2001 par exemple seuls 299 vols facilités par la vulnérabilité ont été identifiés et 14 seulement ont donné lieu à des peines d’emprisonnement ferme.

Par ailleurs l’obligation légale de dénoncer des actes de maltraitance se heurte également à deux difficultés. Les textes de loi parlent de « mauvais traitements infligés à une personne qui n’est pas en mesure de se protéger ». Cette notion de « mauvais traitements » ne trouve aucune définition précise et à aucun moment la maltraitance financière n’est évoquée dans le corpus jurdique français. De plus l’immunité familiale permet de ne faire peser ni sur les époux, ni sur les proches parents l’obligation d’informer les autorités. Or ce sont bien les proches qui sont le plus souvent en cause dans ces « indélicatesses » de tous niveaux et ampleur.

Non, je ne suis pas prise, d’une attaque sécuritaire, par contagion du dernier discours de notre Président. Mon attention d’élue est souvent attirée sur des cas dramatiques relevant de la maltraitance financière et j’en également rencontré dans le cadre de mon exercice médical, à l’égard de malades dont la fin de vie était proche. Je la trouve particulièrement grave et humainement dégradante et malgré l’extrème difficulté du sujet, j’essaye d’y apporter ma contribution.

Puis-je donner un exemple, pas le plus grave et de loin, mais un ceux auxquels on n’aurait pas même l’idée de penser. Plusieurs d’entre les lecteurs de ce blog ont été sans doute contactés pour établir des « contrats obsèques » ou souscrire des « assurances obsèques ». J’avoue que cela a été très récemment mon cas alors que je participais à un forum destiné aux retraités et aux âgés. Je n’ai d’ailleurs pas manifesté à cette proposition un enthousiasme excessif…

Mon attention a récemment été attirée sur des cas de non-observance des contrats. Après le décès du souscripteur, le prestataire, en accord avec les héritiers, réalise des obsèques d’un coût inférieur à ce qui avait été choisi (et payé) par celui qui vient de mourir. A bénéfice partagé bien sûr en assureur et héritiers. Sympa, n’est-ce pas ?

L’imagination en matière de délit ne connait pas de limites. C’est au législateur de lui en donner.

Suivi et Infogérance par Axeinformatique/Freepixel