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Une mise en examen, deux inquiétudes

Dans un billet d’il y a 7 ans presque jour pour jour (mars 2011), je posais la question d’une intervention militaire française à Benghazi, ville libyenne assiégée et j’approuvais l’urgence de ne pas la laisser détruire. Cette intervention a eu lieu, mais les événements ultérieurs, s’ils ont amené à la fin d’une dictature, ont débouché sur le chaos. Où se situait alors le moins pire, je ne le sais toujours pas.

Aujourd’hui, la mise en examen de Nicolas Sarkozy aggrave cette interrogation et lui donne une nouvelle dimension, assez terrible pour tous ceux qui croient et veulent croire en la noblesse de la politique. L’éviction de Kadhafi se double désormais d’une présomption de cynisme et de duplicité . Je ne dois pas être seule à faire face à une double et grave interrogation sur nos motivations dans le drame libyen aboutissant à la mort de Kadhafi  et sur le rôle de ce même Kadhafi dans la campagne présidentielle française de 2007.  Ceux qui, au Parlement, ont voté notre intervention militaire (j’en faisais partie), ceux qui, membres du Gouvernement d’alors, l’ont approuvée, voire dirigée, ne doivent, eux-non plus,  pas être exempts de ce qui constitue une authentique souffrance.

Une mise en examen ne dégage en aucun cas de la présomption d’innocence. Et j’ose dire que pour la France, pour la Politique,  je souhaite ce soir encore que les faits évoqués aujourd’hui soient faux.

 

« Âgée », comme les jeunes sont « jeunes »

Je suis « âgée », comme les jeunes sont « jeunes ». Ni plus, ni moins. Ni « personne âgée » qui évoque derechef la marche hésitante et la fragilité du cerveau. Croisant le Maire de Bordeaux, auriez-vous l’idée de dire « ah, tiens, j’ai rencontré une personne âgée ». La réponse est évidemment « non » et j’espère qu’il en serait de même pour Jean-Yves le Drian, Dany Cohn-Bendit, et .. pour moi : nous sommes, tous les 4, « conscrits » .

« Âgés », donc, pas « anciens », pas même « seniors », pas non plus « vieux ». Moins encore, si ces termes sont agrémentés d’un détestable pronom possessif « nos anciens », ou pire encore de quelque qualificatif du genre « les petits vieux ». « Âgé » dans sa simplicité dit l’exacte vérité et constitue l’exact contraire de « jeune ». Âgée, je suis, âgée je reste, juste au jour où j’accéderai au grand âge et où je l’avoue, je préfèrerai « grand âgée » à « petite vieille ».

Sans importance le vocabulaire ? Tout au contraire, il est la base de tout, de l’image que l’on se fait et qu’on donne de l’âge. « Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement », et j’ajouterais : simplement. Dire les choses dans leur vérité nue, sans s’emberlificoter de formules, toujours aussi maladroites que délétères, démontre d’une gène, voire d’une incapacité à concevoir. C’est en partie ce qui explique la difficulté des hommes politiques à parler de l’âge et du vieillissement de la population, comme de tout ce qui concerne la transition démographique. Je dis bien « les hommes politiques » : les femmes du même métal sont beaucoup plus à l’aise, ne serait-ce que pour dire, et même affirmer, leur âge.

Mais justement que penser des mots « vieillir » et « vieillissement » ? Qu’ils sont porteurs d’une nuance d’amoindrissement et de limitation. Il nous manque un verbe qui existe en anglais (to age, qui donne par exemple « active ageing »). La traduction la plus proche en français est « avancer en âge », qui n’a pas cette jolie simplicité de son équivalent anglais. « Vieillir », c’est un peu comme « diminuer en âge » et si cela peut être juste (« elle a beaucoup vieilli »), ce n’est pas obligatoire : les années peuvent s’empiler sans régression justifiant d’être contenue dans le mot.

Cette semaine est celle de « la langue française et de la francophonie ». Profitons-en pour essayer de gagner la bataille du langage de l’âge, ce qui permettra de libérer la parole de tous ceux qui ne savent pas se débrouiller du sujet (médias, élus ..) . Et, autre exemple, renonçons pour toujours à l’horrible expression de « maintien à domicile » qui fait froid dans le dos pour la remplacer par « soutien à domicile » qui, lui, est bien souvent nécessaire et légitime…

Libérer et surtout entendre la parole des Âgés

La journée de mobilisation des retraités du 15 mars 2018 et, parallèlement, celle du personnel des EHPAD, marque le début de l’ « empowerment » des Âgés qui ne se sont pas exprimés seulement pour leur pouvoir d’achat, mais pour manifester leur place et leur rôle dans la société. Ce sujet n’est pas facile à exprimer en slogans, mais leur nombre, le défi qui leur faisait crier dans les cortèges « Macron, t’es foutu, tous les vieux sont dans la rue » veut dire exactement cela.

Emmanuel Macron, auprès duquel je m’étais exprimée en ce sens lors d’un long entretien alors qu’il était encore conseiller de François Hollande, l’a aujourd’hui parfaitement perçu. La hausse de la CSG des retraités « aisés », la fixation très choquante du seuil de cette aisance à 1200 euros mensuels, l’absence de fléchage de cette contribution en faveur d’un plan grand âge/EHPAD, sont des erreurs majeures qu’il a cherché à expliquer lors d’une sorte de « spot télévisé » en face d’une retraitée qui lui posait opportunément la question du « pourquoi ». Les députés LREM eux-mêmes s’inquiètent, prenant conscience du poids politique considérable que représentent ces âgés (16 millions de votants fidèles sur 46 millions d’inscrits sur les listes électorales). Le mal est fait : espérons que pour y remédier, une plus grande latitude financière sera donnée à la Ministre Agnès Buzyn pour ses réformes dans le champ de la perte d’autonomie.

Mais revenons à cet « empowerment ». Après celui des femmes, celui des 25 % de Français âgés. J’utilise toujours avec réserve le terme de « retraités », d’abord parce que tous ne le sont pas, mais surtout par ce qu’il suppose de « mise en retrait », ce qui est l’inverse de la réalité pour la génération qui est la mienne. Ces « plus de 60 » sont la colonne vertébrale de notre cohésion sociale et ils veulent participer de ce « nouveau monde » dont la longévité constitue un élément essentiel. Les Etats-Unis le comprennent aujourd’hui, qui embauchent aujourd’hui les « seniors » comme consultants, conseillers, directeurs associés, dans leurs entreprises.

Avouons-le : cette journée de prise de conscience, par le gouvernement et par eux-mêmes, de la force des âgés, a ravivé pour moi l’immense regret de n’avoir pu réaliser l’acte II de la loi d’adaptation au vieillissement, que voulait Jean-Marc Ayrault, que voulait retarder au maximum la Ministre de la santé d’alors. L’acte I est centré sur le domicile, l’acte II devait l’être sur le grand âge et les établissements. Coûteux certes, il eût pu constituer le totem social du quinquennat de François Hollande. Toujours annoncé, toujours attendu, toujours repoussé, on mesure aujourd’hui son urgence et son exigence. Je le dis simplement : soutenons l’actuelle Ministre pour qu’elle puisse y parvenir.

J’ai déjà évoqué des pistes pour ce plan grand-âge et j’y reviendrai. C’est du devoir de ma génération d’y contribuer : son nombre, sa culture d’autonomie et d’émancipation, lui impose aujourd’hui de concevoir la « révolution de l’âge » que trop de politiques s’obstinent à ne pas voir, à la fois par crainte pour eux-mêmes et parce qu’elle ne peut se faire sans une profonde remise en perspective de notre modèle social.

Voir aussi : revoir le modèle des EHPAD

 

 

 

Les partenariats publics privés à l’index

La Ministre de la Justice, Nicole Belloubet, vient de rejeter l’idée de construire les 15 000 places de prison figurant dans le programme d’Emmanuel Macron via des partenariats publics-privés.

Cette décision est solidement étayée par plusieurs rapports de la Cour des comptes dont le principal, en 2015, et le dernier concernant la justice en 2017. De tous ces rapports résulte une sanction sans appel : ces partenariats, très coûteux à toutes les étapes de leur déroulement, grèvent le budget de l’Etat ou des collectivités qui y recourent. La mise en garde est sévère contre leur utilisation qui ne vise qu’à « différer le paiement d’une dépense et donc la constatation d’une dette ». Et en fait, cette dépense, les « PPP » l’augmentent largement, voire ils la multiplient.

Il serait long de résumer les rapports. Retenons-en seulement les constats principaux faits à partir de tous les cas analysés : insuffisance de mise en concurrence, procédures de transparence méconnues, suivi insuffisant des contrats, impact sur la situation financière des collectivités à moyen et long terme…

La Ville de Bordeaux n’a malheureusement que trop usé de cette formule de « partenariat » très inégal pour deux équipements majeurs : le Grand Stade et la cité municipale. Je ne donnerai ici que le « stock de dette » facture » de la Ville (c’est-à-dire des  Bordelais) pendant 3 années consécutives. Les chiffres sont issus du compte administratif annuel.

Cité municipale 2014 : 31 116 371,82  ; 2015: 29 504 025 ; 2016 : 27 895 697, 44 euros.

Grand Stade 2014 : 123 953 938  ; 2015 : 122 275 865, 20;  2016 : 119 203 943 euros.

La Cour des comptes considère que le coût total des loyers passés sera de 310 millions d’euros  , soit pas très loin du double de ce qu’il aurait été en maîtrise d’ouvrage directe (186 millions). Vinci et Fayat ne s’en plaindront pas.

Pourquoi cette folie de partenariats ? La Cour des comptes l’a exprimé clairement : pour ne pas imputer la dépense sur la dette de notre collectivité. Lors des échéances électorales, creuser la dette n’est pas très porteur. Mieux vaut faire porter le coût sur les successeurs aux responsabilités…

Ces mauvais comptes ne font pas les bonne mairies, et c’est pourquoi la Cour des comptes met en garde ceux qui seraient tentés d’utiliser cette formule de (faux) partenariat en indiquant qu’on ne doit les mettre en oeuvre que, strictement, pour des équipements d’intérêt public. Les stades ne sont pas de ce point de vue en tête de peloton.

Dans le même esprit, la Ministre de la Justice, bien qu’à la tête d’un budget très contraint, réfute les PPP pour la construction des prisons. Salut à elle !

 

 

 

 

 

 

 

 

Menace sur les biens publics

Nous avons fait au fil des années l’expérience catastrophique de la vente des autoroutes au privé. Il s’en est suivi pour les Français une hausse constante des tarifs, et pour l’Etat, dans l’incapacité de renégocier les contrats de cession, une perte de revenus toujours croissante, alors que les bénéfices des actionnaires augmentaient continûment. Un rapport de la Cour des Comptes de 2013 a sanctionné le fiasco de ces ventes et nous pouvions espérer que la leçon aurait servi définitivement d’expérience.

La menace qui pèse aujourd’hui sur les deux aéroports parisiens, Roissy et Orly, démontre, au contraire, que les gouvernants n’apprennent rien. Ces deux aéroports sont les deux plus grands aéroports français, ils détiennent une part majeure des transports de passagers venant ou partant de France et leur fréquentation -et donc leur rentabilité- est en constante augmentation. Cette forte fréquentation est bien sûr un atout économique, elle peut s’avérer, en des temps troublés, constituer aussi un enjeu stratégique, car Paris est évidemment une plaque tournante majeure du transport aérien . L’acheteur éventuel est, comme pour les autoroutes un géant du BTP (Vinci en l’occurrence). Le prix avancé est de 8,5 milliards.

Quel est l’intérêt de ce « one shot » pour notre Gouvernement ? Je n’en vois qu’un et de court terme : afficher un meilleur équilibre budgétaire. Les inconvénients, voire les risques, sont d’une autre importance : privation de recettes régulières et croissance, perte complète d’autonomie de décision et de négociation en cas d’augmentation des coûts de location. Dans dix ans, nous serons tout aussi paralysés que nous le sommes en face des gestionnaires d’autoroutes, de parkings.. et de tant d’équipements imprudemment délégués au privé pour des raisons financières immédiates.

S’il y a un mouvement d’opinion, une pétition à lancer, c’est maintenant. Demain, il sera trop tard, comme ont été sans effet les mouvements en faveur du rachat des concessions autoroutières.

lire à ce sujet un article de « la Tribune » , journal économique peu suspect de gauchisme

 

 

 

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