Mon intervention en Conseil Municipal, le 29 janvier 2018
« Monsieur le Maire, ce rapport de la cour des comptes constitue un verdict très lourd de la gestion municipale. Ne croyez pas que votre opposition s’en réjouisse, même s’il vient confirmer des éléments que nous avons précédemment dénoncés et que vous avez constamment déniés. C’est avec beaucoup de regret que nous constatons ici la liberté que votre municipalité prend avec la loi nationale, ce qui est peu républicain, et de plus l’absence de délibération en notre conseil sur de multiples décisions, ce qui est peu démocratique.
J’y ajoute un point supplémentaire : la distance entre la rigueur dont vous avez fait preuve à l’occasion de votre programme présidentiel, en particulier à l’égard de la fonction publique et de la dépense publique, et la liberté avec laquelle vous gérez les fonctionnaires territoriaux de votre commune. J’ose dire qu’a posteriori cela décrédibilise lourdement ce programme et même si les Français ne l’ont pas ratifié, c’est une autre raison de déception. La crédibilité de la parole politique est ici largement remise en question.
Logements de fonction
La question des logements de fonction a été à plusieurs reprises précisée par la loi et nul ne devrait pouvoir l’ignorer, particulièrement dans le contexte actuel de cherté du logement qui rend les Français, Parisiens et Bordelais en tête de liste, particulièrement sensibles à ce sujet. La stupéfaction à la découverte des 1700 mètres carrés mis à disposition des principaux fonctionnaires de l’Assemblée dans le VIIème arrondissement temoigne de cette sensibilité hautement justifiée.
Les critères de mise à disposition de ces logements de fonction sont l’exigence de disponibilité totale des agents, à laquelle s’ajoutent dans quelques cas des questions de sécurité. Peut-on imaginer que 85 fonctionnaires municipaux relèvent de cette exigence ? Dans aucun texte d’ailleurs, hors le Maire lui-même, ces fonctionnaires municipaux ne sont cités comme bénéficiaires potentiels .
Peut-on ne pas etre abasourdi en comparant leur situation à celle des médecins hospitaliers, citons par exemple les médecins en radiologie interventionnelle, de garde un jour sur deux et devant intervenir dans les minutes suivant l’admission d’un patient victime d’un AVC ? Ceux ci ne bénéficient que d’un lit de repos dans une petite chambre de garde qui ne leur est bien sûr pas personnelle.
Outre ces conditions d’attribution, ces logements de fonction
-doivent etre considérés comme des avantages en nature et déclarés comme tels
-imposent de s’acquitter de la taxe d’habitation et du coût des fluides, or il nous est signalé pour ces derniers que ce n’est pas le cas à la mairie de Bordeaux.
-Si le bénéficiaire a par ailleurs une autre résidence, celle-ci doit alors etre considérée et imposée comme résidence secondaire. Ces conditions sont elles respectées à Bordeaux ?
J’ai demandé la liste de ces logements de fonction. Beaucoup m’apparaissent comme des logements de commodité quand il s’agit de gardiens ou d’agents d’entretien. Des directeurs généraux adjoints de services culturels ne me paraissent pas relever de la nécessité absolue de service comme il est indiqué dans tous les cas et je rejoins la cour qui vous demande de réviser cette notion.
Nombre de fonctionnaires et durée de travail
Je veux rappeler en préalable les grands axes de votre programme présidentiel :
Réduction de 200 à 250 000 fonctionnaires et 100 milliards d’euros de réduction de la dépense publique en 5 ans (20% concernant les collectivités territoriales, si on s’en tient à la part relative des différents secteurs).
La contradiction entre cette rigueur et la gestion municipale bordelaise est totale. Plus encore, comme précédemment signalé les libéralités accordées par la municipalité ne s’appuient sur aucune base légale, ce que la Cour souligne à plusieurs reprises et sans délibération au Conseil Municipal.
– Nombre d’agents : augmentation supérieure à celle de la population + 4,9% pour une augmentation de 2,6% de la population
1 agent pour 55 habitants
+ 207 agents de plus entre 2010 et 2015
La cour demande un plan d’évolution des effectifs et suggère que le fait qu’un cinquième des agents ayant 55 ans et plus après mutualisation facilite cette évolution à la baisse des effectifs.
Durée de travail
Votre programme : retour aux 39 heures, payées 35 . Négociation dans les entreprises mais 39 heures fermes dans la fonction publique.
Citation d’Alain Juppé dans la « Gazette des communes du 2 novembre 2015 » : « dans certaines communes les agents sont à 32 heures. Passer aux 35 heures est un impératif »
La réalité communale à Bordeaux est bien différentee. 1607 heures /an et 35 jours de congé, soit deux semaines de plus que ce que la loi fixe pour les fonctionnaires territoriaux.
41% des agents à Bordeaux après mutualisation échappent à cette règle, car ils sont déclarés « soumis à des sujetions particulières », non conformes en comparaison avec salariés de secteurs identiques comme par exemple le secteur des crèches.
L’écart à la durée légale est restitué à Bordeaux par attribution de jours de congé supplémentaires en non par la mise en aménagement des horaires quotidiens (jugé par la cour comme « de régularité incertaine »).
Qui plus est:
- Comptes de stockage engrangés entre 98 et 2006. Même chose, récupérations en jours de congé ; correspondent à 546 786 heures soit 730 équivalents temps plein.
- Motifs d’absence non reconnus par les textes nationaux
Et en particulier des libéralités incompréhensibles concernant les mariages :Mariage d’un enfant 5 jours, d’un frère, d’une sœur ou d’un enfant de conjoint 3 jours,
Le mariage étant en général un événement programmé, il peut etre l’objet de prise de congé légal.
Pas de clémence particulière par contre pour le deuil d’un époux ou d’un frère..
Accomplissement de la journée de solidarité grâce au rajout de deux minutes quotidiennes ce qui ne correspond pas à l’objectif que ce supplément horaire correspond à un travail supplémentaire effectif. Aucune comptabilité globale des jours d’absence autorisée n’est tenue ce qui ne permet pas d’en apprécier l’impact. Aujourd’hui, cette mesure de « disparition » de la journée de solidarité paraît particulièrement choquante au regard de la situation difficile des EHPAD..
Récupération de 3 à 5 jours pour 1 journée d’activité de participation aux opérations électorales alors que celle ci est déjà indemnisée.
Notons un sujet de dépenses qui va au delà de l’imaginable : Le cabinet du Maire comporte 115 personnes. Pour mémoire, après François Hollande qui avait déjà sévèrement réduit le nombre de membres de cabinet des membres du Gouvernement, Emmanuel Macron a fixé par décret la règle suivante : pas plus de 10 membres de cabinet pour un ministre plein, 8 pour un ministre délégué, 5 pour un secrétaire d’Etat. Le cabinet d’Alain Juppé est celui de 10 ministres…
La Chambre régionale ne précise malheureusement le coût annuel de ce cabinet pléthorique, peu soucieux de la dépense publique.
Parc automobile
En novembre 2014, j’étais déjà intervenue sur la consommation de carburant inexplicable du parc automobile municipal : le coût des carburants était de 1 300 000 euros . Il est de 2 050 955 dans le compte administratif 2016. Ce parc automobile, sa consommation de carburant n’est pour autant nullement pris en compte dans le plan de déplacement de la métropole.
Au total :
Dans cette intervention sur les ressources humaines et les libertés prises par la municipalité avec la dépense publique, je n’ai pas présenté la totalité des points considérés comme non adéquats par la Chambre (régimes indemnitaires..).
Je souhaite que chaque Bordelais puisse vérifier chacun de ces points dans le rapport de la Cour et, ce faisant, la liberté que prend le Maire avec la loi nationale de même qu’avec la dépense publique. Il pourra également mesurer en comparant ces faits avec le programme présidentiel du candidat Juppé, la triste vérité de l’adage « faites ce que je dis, pas ce que je fais chez moi ».