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Député : élu national, ovni territorial ?

La question se pose aujourd’hui de la «réalité » du rôle de Député, et elle se pose d’abord par les Députés eux-mêmes. Ceci, à partir de deux aspects nouveaux de leur fonction. Le premier : la mise en œuvre du non-cumul du mandat de Parlementaire avec un mandat exécutif local. Ceux qui étaient auparavant Maires, fût ce d’une commune de petite taille, et ont fait le choix du mandat de Député, découvrent qu’ils ne sont plus celui que l’on vient voir, pour un problème de trottoir, d’assainissement, d’emploi… Toute la kyrielle de questions concretes pour lesquelles le Maire est en premier sollicité. Ils se sentent désormais sans pouvoir, mais aussi bien souvent sans informations.

Deuxième raison, une majorité de Députés sont aujourd’hui des « nouveaux », bien souvent sans mandat local antérieur et sont peu au fait de la marche des collectivités, dont ils apprennent les débats et les décisions par la presse locale. Cet isolement est d’autant plus grand que la plupart ont choisi de n’avoir pas de permanence, c’est à dire de n’avoir pas même l’écho des réalités de terrain par les habitants eux-mêmes. « Vous n’êtes pas des assistantes sociales » a été le mot d’ordre distribué aux élus LREM, vous êtes là pour faire de la pédagogie sur l’action du gouvernement. Autrement dit les élus n’ont pas mission d’écouter les électeurs, dans leur difficultés comme dans leurs ambitions, mais pour être écoutés d’eux, recevant pour cela du Gouvernement des diaporamas, « power points », et autres argumentaires tout préparés.

Là est le constat. Il n’est pas tout à fait nouveau et le mandat de député manque d’insertion dans les instances locales. J’avais l’habitude de dire dans mes années de députée: « C’est la grandeur de ce mandat de ne disposer d’aucun moyen financier et de ne bénéficier d’autre pouvoir, sinon celui de son crédit personnel. » Avouons que ce n’est pas aisé et qu’il faut du temps et du travail pour le construire.

Dans cette perspective, j’avais proposé lors de la précédente législature, que les Députés puissent avoir une représentation de fait dans les grandes instances de son territoire. Je donne, issu du territoire de la métropole bordelais, un exemple concret : le projet Euratlantique concerne pour une part notable de ce qui fut ma circonscription. Je n’avais pendant mon mandat aucune entrée pour participer à ce projet majeur. Mes deux collègues députés également territorialement concernés y avaient au contraire accès parce qu’ils étaient… Maires.

Autre exemple, le plus gros employeur (9000 salariés) de la 2ème circonscription (9000 salariés) est le CHU de Bordeaux. Je n’ai pu accéder à son conseil d’administration que le temps où j’ai été conseillère générale et au titre de cette collectivité qui n’y a en réalité qu’un faible rôle. La santé était du domaine de ma commission à l’Assemblée nationale, j’avais en outre passé 45 ans de ma vie dans ce centre hospitalier, mais la porte des informations sur ce pôle prestigieux et identitaire de mon territoire m’était fermée.

Loin de moi l’idée de prôner un retour au cumul des mandats. Député est un mandat exigeant et je demeure dans l’idée que celui qui l’exerce ne doit devoir son pouvoir qu’à son crédit et à sa compétence, c’est à dire sa connaissance des réalités de son territoire comme de ses habitants. L’un comme l’autre constituent ses outils pour exercer son mandat, à savoir faire et/ou amender la loi et porter les dossiers locaux à l’échelon national. Des prérogatives de représentation, en particulier dans les instances qui le concernent localement, en particulier du fait de la commission où il siège.

La difficulté de cet ancrage territorial risque d’être encore aggravé par la diminution d’un tiers du nombre des Députés : l’élargissement de leur territoire, bien souvent déjà très vaste, ne facilitera pas une bonne appréhension des enjeux locaux.

Si, au contraire, nous ne progressons pas dans le lien entre le député et son territoire d’élection (de nombreuses autres propositions que celles précédemment évoquées sont envisageables), le Député ne sera qu’un exécuteur des décisions et des choix de l’exécutif, si celui-ci a, comme aujourd’hui, une large majorité à l’Assemblée. J’oserais presque dire « un exécuteur testamentaire », car cet état de fait signera alors la fin du pouvoir législatif qui fonde notre système républicain.

Casino de Bordeaux : lettre au Ministre Gerald Darmanin

Courrier des élus socialistes à Gerald Darmanin concernant la situation fiscale du casino de Bordeaux

Monsieur le Ministre,

C’est en notre qualité d’élus municipaux de Bordeaux que nous vous adressons ce courrier. Nous nous préoccupons grandement de l’état financier de notre ville, laquelle est malheureusement aujourd’hui régulièrement obligée de vendre des éléments de son patrimoine foncier mais aussi de réduire les subventions de nombre d’associations, ainsi que nombre d’investissements publics utiles aux Bordelais.

Bien évidemment, en tant qu’anciens élus nationaux pour plusieurs d’entre nous, nous ne sommes pas moins préoccupés des finances de l’Etat. Notre courrier concerne les deux sujets évoqués.

Le casino de Bordeaux, géré par les établissements Barrière, est aujourd’hui le 3ème plus rentable casino de France. Il ressort cependant de son rapport annuel que sa situation fiscale n’a pas été correctement actualisée, ceci au détriment du budget de l’Etat comme de celui de la Ville.

Permettez-nous de vous préciser les faits et les étapes de ce défaut de fiscalisation :

-En décembre 2015 le casino acquiert au nom la Société d’exploitation SEHBL l’hôtel Sofitel Aquitania situé dans son très proche voisinage à Bordeaux-Lac. Cet hôtel fera l’objet de frais de rénovation, ce qui accorde à la SATB un abattement total et définitif sur les jeux à hauteur de 50% des dépenses soit 4 524 186 euros

Ce dégrèvement a été imputé fiscalement en 4 montants de 1060 K euros

-En juin 2015, l’hôtel change d’enseigne pour devenir l’hotel Pullman ; il est revendu en décembre 2015 et sort du groupe Barrière

-Au regard de l’article 34 de la loi 95-1347 en date du 30 decembre 1995, l’administration fiscale est en droit de remettre en cause la totalité du dégrèvement octroyé à la SATB ;

Malgré  une demande de régularisation de la ville –laquelle date du 18 octrobre 2016- , il apparaît que cette régularisation n’a toujours pas eu lieu.

Si, comme nous le craignons, vos services confirment cette non-régularisation, cette situation se fait au détriment du budget de l’Etat comme de celui de notre ville.

Nous comptons sur votre vigilance aux intérêts de ces deux parties et sur votre diligence pour donner mandat à vos services d’obtenir enfin cette régularisation.

Nous vous remercions bien vivement de votre attention à ce courrier et vous prions de recevoir nos meilleures salutations

 

Cet « entretien » était une conversation

En fait, j’ai compris ce qui m’a si fort dérangé en voyant l’interview d’Emmanuel Macron. C’était une scène de film entre 2 personnages devisant entre eux, à l’issue d’une réunion où d’une reception quelque part dans un palais. La caméra allait du visage de l’un au visage de l’autre, puis entre les pauses s’attardait sur le décor. Il y a une scène comme ça dans le Guépard. Le Prince Salina va rendre visite au Roi dans son bureau. Le Roi devise des affaires du royaume, l’autre écoute et ravive à point nommé la conversation bien conscient qu’il s’agit plus de la mettre en valeur que de la partager. Puis le Roi raccompagne le visiteur jusque dans l’escalier et jusqu’à la porte du palais…
La conversation, si l’on peut dire, était brillante, rapide, sauf qu’ici le maître de cérémonie n’était pas le Roi mais bien le jeune Guépard. Tout était beau, bien dit et sans aucun doute brillant, mais j’étais tenue à l’écart de la conversation, je n’en étais pas partie, je n’étais pas celui auquel elle est adressée. Je verrais le film, mais plus tard, quand les rushes auraient été revus, choisis, les éclairages contrôlés, la bande son approuvée..
Les paroles, le texte, dont j’essaye maintenant d’accrocher les morceaux, s’il ne m’a rien révélé, était parfait, mené avec rapidité, son vocabulaire à la fois ferme et élégant et j’ose dire que, de tout ce dont je me souviens, je n’ai à dire qu’approbation ou louanges. Mais j’étais gardée au dehors, ce n’était ni à moi, ni de moi que l’on parlait, j’étais ce spectateur sans visage et sans voix qui n’ose pas même tousser tant que dure la séance.

De l’extension du don de RTT à tous les aidants… Et aux employeurs.

Ma loi, dite « loi d’adaptation de la société au vieillissement » (2014) connait un coup de projecteur avec la question de l’extension des dons de RTT aux aidants de personnes âgées ou handicapées.

Ces « aidants » ont acquis, de fait, un statut, en apparaissant dans le champ de la Loi avec le « droit au répit » de la loi ASV. Ce droit permet de financer deux semaines d’accueil de la personne âgée en accueil institutionnel temporaire sous la forme de 2 semaines continues ou de jours isolés. On trouvera le détail de cette disposition dans la loi elle même ou, plus facilement encore, dans son rapport annexé.

La possibilité d’extension du don de RTT par les salariés dont un enfant est malade aux aidants de personnes âgées ou Handicapées, est susceptible de compléter et de faciliter ce « droit au répit », encore mal connu et pas forcément applicable dans tous les territoires.

Deux points :

  • cette extension est par principe très positive. Elle aidera à franchir par exemple la barrière qui fait qu’une femme est totalement comprise et aidée quand son enfant est malade, mais qu’elle ose à peine avouer devoir passer ses nuits auprès d’un parent âgé et en grande souffrance. Femme, moins souvent homme (mais cela existe), cet aidant doit être lui même aidé de la même manière qu’il s’agisse d’un enfant ou d’un grand âgé.
  • le deuxième point concerne toutes les situations où le don de RTT est possible : celui-c- exonère aujourd’hui l’employeur de la solidarité dont font preuve les salariés envers leur collègue et j’ai proposé que cet employeur bonifie le don d’un supplément de 20 à 30% de journées. Si le salarié donne dix jours de RTT, l’employeur y ajoute 2 à 3 jours.

C’est simple et réaliste. J’ai assez souvent téléphoné à des employeurs pour expliquer que monsieur X devait être présent à coté d’un malade qui lui était très proche et qu’il ne pourrait être à son travail pendant quelques jours. Je me présentais seulement comme responsable d’une unité de cancérologie : point n’était besoin de trahir le secret médical. Je dois dire que j’ai TOUJOURS eu la réponse suivante : que Monsieur X fasse ce qui est nécessaire. La solidarité n’est pas un vain mot, mais il ne faut jamais la faire porter sur un seul groupe et la participation des employeurs au don de RTT ne soulèvera pas de boucliers mais au contraire soudera les uns aux autres.

Je me réjouis de l’implication de plusieurs députés sur ce sujet et plus encore de celui de la Ministre Agnes Buzyn.

Les dandins de la farce

Aïe… Le « Petit manuel de survie à l’Assemblée » qui leur a été remis largement en début de mandat ne suffit pas à tenir la tête hors de l’eau de nombre de députés LREM. Les soupirs montent des rangs, « la parole se libère » comme on dit maintenant, bref, y’a comme un malaise du côté du « nouveau monde » et des nouveaux élus, pourtant jeunes, fringants et portant beau.

Premier grief : trop de travail, pas assez d’argent. Un remake de la formule sarkozienne devenue « travailler plus, pour gagner moins ». Telle députée a fait un large buzz en gémissant que « depuis l’élection, elle devait « manger plus souvent des pâtes et aller chercher de vieux vêtements à la cave ». Je la rassure :  la  prétendue réforme de l’IRFM* a judicieusement omis de mettre fin à la possibilité de remboursement des vêtements des honorables députés, elle pourra s’épargner le chemin de sa cave. Le jeune député Rufin peut ainsi décliner pour la galerie maillots de foot, chemises ouvertes et autres vêtements débraillés comme autant de messagers de la belle et haute idée de Révolution.

Trop de travail, c’est pire : des journées entières, non pas dans les arbres, mais dans les gradins de l’hémicycle, quand ce n’est pas des nuits abrégées, des levers tôt pour les commissions et les petits déjeuners de travail. Des « conditions de travail inhumaines et dégradantes », pourtant dénoncées  par la « Convention européenne des droits de l’homme »  que notre pays a ratifiée..

Ce faisant, nombre de ces députés, ne manifestent pas une présence assidue sur le terrain. Ils ne tiennent pas de permanences régulières où recevoir les habitants de leur territoire, n’ont pas non plus de local où ces habitants pourraient être sûrs d’être entendus. De tout cela, point question, « le social, on oublie, nous on est là pour construire la loi ! ». Cette citation est littérale de la bouche d’une de ces élues.

Quant à l’absence de Permanence parlementaire, avouons qu’elle déroute un peu associations, syndicats, collectivités mais aussi citoyens voulant exposer un projet ou un problème. Cela me vaut beaucoup de courrier. Ma permanence de la rue Saint Laurent était bien connue des Bordelais et à défaut de trouver l’adresse des député(e)s de la promotion 2017, l’ont transformée en « maison des députés ». et y dépêchent sous ce nom, missives, placets et invitations. J’ai ainsi reçu un courrier du MEDEF (lequel m’avait ignorée pendant dix années précédentes) m’enjoignant de m’occuper des programmes scolaires et de m’assurer que ceux-ci aillent bien en conformité avec les besoins de l’entreprise. Ce fut je l’avoue une révélation : je ne savais pas jusque-là que le MEDEF était en charge de l’Education Nationale…

Instructif… Mais ce n’est pas tout : la souffrance du député LREM va bien au delà : il ne se sent pas utile. J’avoue que… Je les comprends. Quand on a fait campagne, sans autre programme, sur la promesse de co-construire la loi avec les électeurs, de « faire remonter » leurs projets, ils se sentent un peu comme Georges Dandin : il ne leur est même pas permis de proposer des amendements de leur crû. Tout vient du groupe, doit être approuvé par le groupe, comme les boites de Whiskas que le chat ne peut consommer que si elles portent l’estampille de sa patte.

Quant à la Loi, elle-même, elle tombe toute cuisinée de la table même de Jupiter. Comme pour les tables de la loi, personne humaine n’aurait garde d’y toucher.

« Tu l’as voulu, tu l’as voulu, Georges Dandin .. » En l’occurrence, je m’interroge : la farce de Molière désigne-t-elle sous ce nom, les Députés ou les Français eux- mêmes ?

 

*IRFM : indemnité de représentation et frais de mandat

 

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