Vous avez dit « hate food » ?
Qu’est-ce que la « hate food » : une nourriture grossière, compulsive et indigeste, que certains provoquent, dont beaucoup se repaissent et qui prend aujourd’hui un caractère épidémique, aussi difficile à contenir qu’à comprendre.
En bon français -le vocabulaire argotique en fait partie- on dirait « bouffe de merde ». L’argot a souvent raison.
Aux trois questions contenues dans ma première phrase (qui, pourquoi, comment), que répondre ? Tout interroge dans ce déversement quasi-pavlovien sur les médias sociaux ou les médias en ligne, de cette « nourriture grossière » en réponse à un certain nombre de mots clefs, concernant la race, la religion, l’orientation sexuelle, l’engagement politique, mais aussi l’âge, le genre ou la condition sociale.. . Ce qui n’était, il y a relativement peu, que pratiques de groupes isolés ou extrêmes, connaît aujourd’hui un développement exponentiel, à l’égal de toutes les autres addictions.
Car, ces réactions, ces injures, ces attitudes ont en effet à voir avec l’addiction : besoin difficile à contenir, impression de soulagement après libération d’insultes ou de violences physiques, sentiment d’être plus fort et surtout d’appartenir à un groupe construit autour des mots clefs précédemment évoqués, immense difficulté à revenir à une pensée construite, exprimée et expliquée en termes logiques et à partir de faits..
Les causes de cette addiction nouvelle, sorte de boulimie de l’injure, sont aujourd’hui un véritable objet d’étude. Le sentiment de rejet, la difficulté à s’exprimer de manière logique, le fait de ne disposer que d’un vocabulaire insuffisant pour argumenter, l’absence d’horizons professionnels ou affectifs autres que cette appartenance quasi sectaire, entrent en jeu. Ceux qui se sentent vaincus, exclus, injustement privés du destin ou des responsabilités qu’ils auraient dû obtenir, utilisent toutes les variantes de l’injure, de la diffamation, de l’invective et de l’insulte pour marquer leur pouvoir et solidariser une communauté autour d’eux. L’approche de ces causes, quand elles sont perçues ou explicitées, attise la rancoeur et la fait déborder en propos d’autant plus haineux, violents et irréfléchis. Comme pour l’addiction, la dose doit augmenter régulièrement pour satisfaire le besoin.
C’est une interrogation majeure pour nos sociétés que le caractère épidémique de toutes les variantes des comportements addictifs. Des comportements alimentaires (et je n’utilise pas au hasard l’expression de hate food), aux drogues dures, au jeu, au sexe et à un moindre degré de gravité, aux écrans, ce qui a toujours existé est devenu aujourd’hui contagieux et épidémique, à la mesure des moyens de transmission qui leur sont offerts. Avec bien sûr en tête de peloton, les médias et en premier les médias dits sociaux, où sous le couvert d’anonymat, on peut menacer d’euthanasie, de viol, de sodomie, humilier les femmes, les noirs, les blancs, les pratiquants de n’importe quelle religion comme ceux qui n’en ont pas.
Je n’ai pas de solution, sauf une, très modeste : ne nourrissons d’aucune façon tout ce qui provoque ou entretient ce langage de haine et/ou de discrimination (les deux en général). Que les médias ferment les commentaires quand des propos haineux s’y introduisent, que chacun de nous, individuellement ne sollicite pas ces propos pour montrer qu’il a de l’audience et qu’une communauté d’imbéciles (au sens propre : « qui marche sans bâton pour le guider et le soutenir »), ne le retranscrivons pas, comme il m’arrive pourtant d’en avoir envie), restons dans, sinon dans la « bienveillance »(elle ne la mérite pas) , mais dans la raison et le contrôle.
Déontologie de la presse
La Une du quotidien SudOuest le 13 septembre : « le chien de Michèle Delaunay mord un petit garçon », évoluant en page 14 vers « le chien de Delaunay mord un enfant » (pleine page), m’a amenée à me questionner une fois encore sur la déontologie de la presse. Celle-ci, on s’en souvient, a été rudement malmenée lors de « l’affaire Baudis » qui transforma l’alors Maire de Toulouse en prédateur sexuel : celui-ci fut innocenté après des mois de calvaire dû au risque judiciaire mais, plus encore, à l’opprobre qu’il encourut.
Depuis lors, combien de fois, des faits non démontrés ont entaché l’image de l’un ou l’autre politique. Plusieurs médias s’entourent d’immenses précautions et d’une vérification des preuves pour avancer des faits généralement graves. Beaucoup d’autres, au contraire, utilisent l’ambiguïté des titres, l’allégation et l’insinuation pour donner aux faits une gravité que rien ne pourra plus effacer. Le soupçon pour un élu l’emporte en conséquence sur la condamnation (quand elle advient). Ceci enfle d’années en années en raison du relais par les médias sociaux qui touche un nombre beaucoup plus grand d’abonnés que les journaux eux-mêmes.
Je reviens un instant à mon chien. Titrer qu’il a « mordu » – ce qui est faux et donc diffamatoire – ne lui porte pas en premier lieu préjudice : le chien a été reconnu lors de la précédente législature comme « doté de sensibilité » mais non comme sujet de droit, bien que dans des circonstances gravissimes (sans relation avec l’incident relaté, non plus qu’avec la minuscule blessure de l’enfant qui a chuté sur le gravier) il puisse lui en coûter l’euthanasie. Le titre, évidemment, ne vise que sa propriétaire, bien que ce n’était pas elle qui tenait la laisse et qu’elle se tenait très en arrière de l’animal. Ce n’était pas le chien qu’il s’agissait de diffamer mais sa maîtresse. Je dois avoir grand crédit, puisque la situation et la taille des caractères de l’annonce en Une du meurtre horrible d’une femme enceinte de 23 ans (édition du 15 septembre) ont été les mêmes à la Une de SudOuest que ceux de la forfaiture de Dixie (13 septembre).
SudOuest a fait en l’occurrence bonne pioche: 165 commentaires sur le facebook du journal pour cet article, 130 partages, et 172 commentaires pour SudOuest en ligne. On les consultera avec profit : ils démontrent que l’objet du papier est bien, non le chien, mais sa propriétaire dont les commentateurs demandent qu’elle soit « piquée », soit avec le chien, soit à sa place ; en outre, ces commentaires mettent en avant le lectorat qui est visé.
Quelles conséquences pour ma vie quotidienne : être interpellée sur l’incident à tout moment, comme hier à l’aéroport de Bordeaux. Cela va, du pas trop méchant « alors, ce chien féroce…? », au plus grave « quand on est irresponsable, on en tire les conséquences », ou au pire « c’est bien vous qu’on devrait euthanasier ».
Mitterrand avait eu une belle formule s’agissant de ce type de publications, vraies ou fausses, mais en tout cas des suites de leur seule publication: »jeter l’honneur d’un homme aux chiens ». En l’occurrence, il s’agit de deux « femmes », moi et ma chienne Dixie, que je ne pourrai plus sortir sans que l’on s’approche de moi avec animosité, ce qu’elle perçoit immédiatement.
La déontologie de la presse est comme beaucoup de nos règles, chartes et lois : adaptable selon le bénéfice financier qu’on en espère.
Mon chien n’a pas mordu, contrairement à la Une de Sudouest
L’affaire est trop grave, je tiens à faire un démenti formel. Chaque mot de ce que je vais écrire est vrai et j’en donne ma parole d’honneur. Je suis prête à le jurer devant un magistrat.
Dimanche, en fin d’après midi, je suis sortie faire une courte promenade au jardin public, voisin de mon domicile. Apres quelques minutes, Mon mari, qui tenait le chien en laisse, s’est baissé pour ramasser ses déjections sans lâcher la laisse mais en la tenant sans doute moins fortement.
A ce moment un groupe d’enfants est passé dont l’un jouait au ballon. Mon chien a réussi à l’emporter sur la tenue en laisse et s’est précipité vers eux -sans doute d’abord vers le ballon mais cela ne minimise rien – en aboyant. Les enfants se sont mis à courir et l’un est tombé.
Je me suis évidemment précipitée, présentée à la maman en tant que médecin, demandé à examiner l’enfant s’il avait été touchée. Elle m’a déclaré qu’il avait été mordu au bras et à la main. J’ai examiné d’abord la main et un minuscule blessure, au niveau du pli digito-palmaire du 5 ème doigt de la main
était présente. Je n’ai pu constater aucune trace sur le bras et l’on imagine quelles auraient été les traces si ce petit bras avait été mordu par les crocs d’un berger allemand. J’ai proposé de désinfecter et de soigner la doigt à mon domicile à quelques metres de là et d’appeler la police.
Devant le refus de la maman, dont je comprends l’inquiétude mais non pas l’attitude de refus de mes propositions, j’ai photographié le petit doigt avec mon téléphone, puisqu’il constituait la seule trace visible, la mère a refusé violemment que je photographie le bras, disant que « son fils était mineur et que je n’avais pas le droit de photographier un enfant mineur » (ce qui n’est vrai que si l’enfant est identifiable, ce qui n’aurait évidemment pas été le cas.
Entre temps, un « témoin » est arrivé, m’a redemandé mon nom que j’avais déjà donné et m’a menacé de faire euthanasier mon chien. La maman a une deuxième fois refusé de donner son nom et son adresse, seul le témoin m’a donné son seul nom. Le témoin m’a pris aux épaules et à tenté de m’éloigner sans que je comprenne pourquoi (le chien était bien sûr tenu à distance par mon mari pour que l’enfant puisse s’apaiser plus rapidement. Il ne pleurait d’ailleurs plus)
J’ai senti presque dès le début qu’il y avait une volonté d’esclandre et pour cela j’ai insisté d’appeler moi meme la police. Le témoin m’a dit textuellement « vous pensez bien que cette dame (la maman) ne fera rien pour ça » sous entendant qu’il n’y avait pas de blessure réelle.
j’ai voulu moi meme le lendemain me présenter à la police pour une déposition : on m’a dit que sans plainte et sans identité de l’autre partie, il ‘y avait pas lieu de déposer. J’ai noté chaque mot, chaque minute de ces minutes et je vais me rendre à la police pour leur remettre ce texte. Mais le mal est fait : le gros titre à la Une de SudOuest.fr fait de moi une coupable. L’un de nous l’a dit : pour les politiques, la suspicion est la sanction.
Le titre de l’article et son contenu sont diffamatoires. Je viens d’avoir au téléphone la journaliste et je n’ai sur mon téléphone qu’un seul appel, sur le téléphone de mon époux, hier à 16 heures 39. Tout cela est bien sûr vérifiable.
La presse écrite est irremplaçable
D’aucun s’interrogent aujourd’hui, et plus souvent s’inquiètent de l’avenir de la presse écrite. Ventes et abonnements en berne, retard de l’information relativement à l’info en continu, coût de production, justifient en partie ces interrogations et ces inquiétudes.
Nombreux sont ceux, à l’inverse, qui plaident en sa faveur, arguant de la possibilité de réflexion qu’elle autorise, de sa rémanence et du caractère référentiel de ce qui a été écrit et imprimé ; voire même de son rôle dans la perpétuation du lien social dans nos communes, avec toutes les activités qu’elle entretient (aller acheter le journal, le lire au café du coin, i tout..)
Tout ces arguments pourtant ne sont que fariboles et billevesées au regard des enjeux de la planète. Je veux quant à moi ramener l’attention sur l’intérêt écologique de cette presse et sur son rôle dans le développement durable.
Mon premier exemple a trait à son apport majeur dans la gestion des déchets et l’économie circulaire. La Ministre de l’écologie du précédent Gouvernement a esquissé le sujet en interdisant la production et l’usage des « sacs de caisse » en plastique dans les magasins et principalement dans la grande distribution. Hélàs, comme souvent lors de ce quinquennat aujourd’hui achevé, la réforme n’a pas été jusqu’au bout et a ignoré le sac poubelle qui depuis les années 50-60 déshonore poireaux, épluchures et poissons et dégrade l’environnement.
Outre le fait que le « sac de caisse » finissait généralement en « sac poubelle », la vraie révolution aurait été non seulement d’interdire, aussi et radicalement, le sac poubelle, mais de rendre obligatoire l’usage du brave journal qu’utilisaient les générations précédentes pour envelopper ces modestes produits qui sont aujourd’hui au coeur de l’économie circulaire, celle qui depuis des temps immémoriaux transforme le vivant en mort, la mort en humus, et l’humus en source de vie. Epluchures de concombres et de courgettes, fanes de carottes, épines dorsales de thons et de bars… tout cela dans une mixité végétale admirable se transformait en ce compost que l’on vante aujourd’hui dans nos cités et métropoles, sans aller quand même jusqu’à ouvrir des composts publics dans les jardins du même nom…
La presse écrite apportait à cette mixité première, une authentique mixité sociale et culturelle qui manque aujourd’hui cruellement à nos pays. « Les échos », le « Figaro » et jusqu’à « valeurs actuelles » se retrouvaient indifféremment dans l’emballage de la sardine ou de la côte de bœuf, aux côtés de France Soir ou du petit bleu du Libournais. « L’Humanité » mêlait ses pages à « La croix » . Bref, la diversité des déchets complétait la diversité des opinions. Bref, je compte sur Nicolas Hulot pour rendre obligatoire, au fond de nos poubelles, un tapis de presse écrite dont le choix demeurera, pour chacun, libre et démocratique.
Ceci n’est qu’un exemple. Qui a jamais réussi à allumer un feu en précipitant entre les buches un ordinateur ? Dûment froissée, au contraire, une page de journal fait l’affaire et réchauffe le coeur desséché par trop de lectures et d’opinions opposées de l’heureux bénéficiaire d’une cheminée. Je le reconnais : point ne faut abuser du feu de bois. Mais un petit feu dominical, où l’on jette vieilles factures, programmes électoraux adverses et publicités pour diseurs de bonne aventure, prépare à la dureté de la semaine à venir, et oblige à pardonner les quelques nano-particules diffusées dans l’atmosphère.
Chacun de nos quotidiens devrait insister sur ce rôle socio-écologique, voire même à réclamer au Gouvernement un « bonus vert » pour chaque abonnement souscrit. Certes, il faut à la presse écrite le sacrifice de quelques arbres , mais elle peut aussi compter sur le recyclage d’écrits antérieurs, d’emballages divers, de « réclames » inutiles.. Circulaire, vous dis-je, remarquablement circulaire.
Pour ma part, moi qui suis une écologiste de n-ième génération, j’invite notre Ministre d’Etat, Ministre de l’Ecologie, à finir le job entamé par sa prédécesseure : dégrèvement d’une part de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères les foyers pouvant faire état d’un ou plusieurs abonnements à la presse écrite, faire bénéficier nos chers quotidiens d’un « label vert » au prorata de la vente papier…