m

Intervention dans la discussion générale sur la proposition de loi Ump relative à la création et au maintien de l’emploi

 » Monsieur le président, madame la secrétaire d’État chargée de la prospective et du développement de l’économie numérique, mes chers collègues, le bouclier social de notre pays, dont le droit du travail constitue une pièce maîtresse, est un facteur de soutien de la consommation ; il constitue l’une des armatures de notre cohésion sociale.

Votre gouvernement nous laissera demain un pays déclassé et affaibli.

Si nous ne protégeons pas, tant qu’il en est encore temps, cette armature de droit, ce pays sera livré au désordre, sans repères ni cadres pour se reconstruire.

Car ce sont bien les fondements même du droit du travail que vous décidez aujourd’hui d’attaquer. Ces fondements, ce sont les liens entre l’employeur et le salarié – deux personnes, ou plutôt une personne et une entreprise, liées par un contrat. Ce projet de loi dénature ce rapport : nous glissons très sûrement vers la simple utilisation de la capacité de travail.

Nous revenons de nombreuses décennies en arrière, quand les petits paysans pauvres allaient se louer – on disait chez mon grand père « se gager » – là où il y avait du travail.

L’employeur n’est plus une personne, et même plus une entreprise – qui disposerait d’une culture d’entreprise, qui aurait une image, auxquelles le salarié pourrait se référer, sinon s’identifier. L’employeur devient un groupement de personnes anonymes, et le salarié une marchandise immatérielle que l’on peut prêter, et demain louer, selon les besoins et les intérêts du moment.

Quelle est en effet la pièce maîtresse, l’« innovation », selon les signataires de cette proposition ? Ce n’est bien sûr pas directement le prêt de salarié : ce serait trop clair, trop immédiatement choquant ; non, c’est la révision des règles régissant le groupement d’entrepreneurs.

Celui-ci se justifie, c’est vrai, quand il réunit deux petites entreprises proches, et qui se sentent engagées par cette réunion. Pour cela, trois règles ont été mises en place : nul ne peut appartenir à deux groupements ; les entreprises concernées ne peuvent dépasser le seuil de 300 salariés ; leur responsabilité est conjointe. Reconnaissons la sagesse de ces règles.

Vous les dissolvez au contraire. Les conséquences ne sont pas difficiles à imaginer ; c’est d’ailleurs pour moi une interrogation constante depuis les deux années que court cette législature : ceux qui votent et, plus encore, ceux qui conçoivent ces lois imaginent-ils un seul instant leurs conséquences sur la vie des Français qu’elles concernent ?

Nous lisons qu’il s’agit d’un « encouragement à la mobilité » : mais savez-vous ce qu’est la mobilité quand ce n’est pas un projet de vie choisi, quand, dans un couple, les deux conjoints travaillent, ont des enfants scolarisés et viennent d’acheter un appartement ? Savez-vous ce qu’est la mobilité pour une femme ayant des responsabilités familiales ? Immanquablement et j’oserai dire comme d’habitude, ce projet de loi pénalisera d’abord les femmes et le travail des femmes.

Votre projet de loi ne met aucune limite géographique à cette mobilité. Salarié à Limoges, vous deviendrez travailleur à gages à Dunkerque.

Elle aggrave la perte de sens dont souffrent si fort le monde du travail et le monde tout court ; car, s’il est concevable qu’une petite entreprise ne puisse se payer seule un comptable, comment imaginer qu’une entreprise de plusieurs centaines de personnes ne puisse trouver en interne les ressources qui lui manquent ponctuellement ? Comment accepter, partager, assumer quelque chose que l’on ne comprend pas, tout simplement parce que ce n’est pas compréhensible ?

La gravité inhérente à cette proposition de loi, sa cruauté interne, est bien rendue par l’expression « prêt de salarié ».

**Le président Pierre Méhaignerie l’a si bien perçu qu’il proposait pudiquement de le cacher derrière celui de « contrat de détachement ». Mais c’est bien d’un prêt qu’il s’agit. C’est bien ce mot que le bon sens utilise – ce mot qu’il interdit pour les brosses à dents et déconseille pour les voitures – que l’on va utiliser maintenant pour les salariés.

C’est même l’État, et donc nous, aujourd’hui, qui nous mêlons de l’organiser et de le généraliser.

La même logique préside à la promotion du télétravail. Certes, il ne faut pas méconnaître celui-ci. Il peut constituer une solution pour des travailleurs ayant des difficultés à se mobiliser ; il participe de l’aménagement du territoire. Certes, encadré, contrôlé et, mieux encore, choisi, il ne faut pas le bannir du champ de l’emploi.

Mais il constitue lui aussi un élément de rupture de lien avec le patron et la structure que constitue l’entreprise, donc avec les règles de celle-ci, ses protections, ses échanges, ses informations.

J’ai évoqué le temps de nos grands-pères. Je suis sûre que vous aurez plaisir à savoir que ma grand-mère, au début du siècle dernier, était une femme d’avant-garde : elle faisait déjà du télétravail. Elle faisait de la broderie pour les bourgeoises du chef-lieu – la nuit, le jour, à la pièce, sans protection d’aucune sorte. En sommes-nous si loin aujourd’hui ?

Reconnaissons-le, monsieur Poisson, votre proposition de loi est innovante, mais avec un siècle de retard, et elle remet au cœur de nos ambitions les salariés que l’on gage et le travail à la tâche.

**C’est avec détermination que, pour toutes ces raisons, nous ne la voterons pas »
/(Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

Les deux font la paire

Quels hommes exceptionnels que Frederic Lefèvre et Xavier Darcos !

Le premier, porte-parole de l’ump, si juste traducteur de la pensée et de l’idéologie progressiste de ce parti. L’autre, Ministre de l’Education, humaniste, tout en finesse et n’ignorant rien des aspirations de notre jeunesse.

A tel point que pour eux deux, je renoncerais volontiers à toutes les vélléités d’équité médiatique du CSA et leur ouvrirait l’antenne ad libitum…

Plus ils parlent, mieux on se porte. A peine ouvrent-ils la bouche que les voix tombent de l’arbre ump.

Qui a dit que la campagne du PS manquait de grands communicants ?

Question d’actualité au Ministre Hortefeux : amendement Lefebvre

« Jusqu’où irez-vous, Monsieur le Ministre, jusqu’où ira votre gouvernement pour définitivement briser notre bouclier social?

Le seul droit aujourd’hui que vous donnez aux salariés, c’est de renoncer à leurs droits.
Après le prêt de main d’oeuvre,
le travail du dimanche,
c’est aujourd’hui le travail pendant les congés maladie.

Oui, grâce à l’amendement UMP-Lefebvre-Bertrand, les salariés vont avoir le droit, je dirais presque la permission de travailler quand leur médecin aura jugé que justement ils ont besoin de s’arrêter.
Grâce à vous, ils pourront remplir des fichiers clients de leur lit, transformer leur chambre en centre d’appels et envoyer des factures entre deux allaitements.
Vous ne savez proposer que le télétravail qui éloigne le salarié, malade ou pas, de la vie de l’entreprise, le laisse seul sans aucune garantie de protection de sa vie privée ni d’horaires de travail.

Comment pouvez-vous ne pas sentir la provocation que constituent ces mesures quand nous perdons deux emplois par minute, quand en trois mois nous comptons 138000 chômeurs de plus, autant que pendant toute l’année précédente.

Oui, bien sûr, ce n’est que la suite d’une politique systématiquement menée par la droite en France comme en Europe et illustrée par la présidence française : pas une mesure sociale en 6 mois, pas d’autre choix donné aux travailleurs que de plier ou de partir.

Au moins nous sommes prévenus et Frédéric Lefebvre a clairement montré où nous mène en France comme en Europe la politique de la droite.

Et pourtant je vous le redemande M. le Ministre : allez-vous enfin donner aux salariés et aux chômeurs un autre droit que celui de renoncer à leurs droits ? »

Pour accéder à l’ensemble de mes questions au gouvernement (orales et écrites), vous pouvez vous rendre sur le site de l’assemblée nationale : https://www.assemblee-nationale.fr/

Une fois sur la page d’accueil, cliquez à droite sur « 577 députés » puis sur « Michèle Delaunay », puis sur « Questions ».

 

Ma grand-mère et le télé-travail

Je vous ai déjà parlé de ma grand-mère. Femme d’avant-garde, elle était écologiste bien avant qu’Alain Juppé ne soit l’ébauche d’une promesse pour la France.

J’en ai une fois encore la confirmation ce soir: adepte du télé-travail, elle avait tout compris de ses bienfaits, longtemps avant le député Poisson, et jusqu’à l’éminent Frédéric Lefèvre, pourtant progressiste entre les progressistes en ce qui concerne les avancées sociales.

Télé-travail, ma grand-mère ? Et que bien sûr ! Travail à distance de toute entreprise pouvant l’informer, la protéger, la relier au monde, sans heures comptées, pour un chiche salaire, ma grand-mère faisait des broderies pour les jupons des bourgeoises du chef-lieu.

D’accord, ce n’était pas devant un écran mais une sorte de rond de jonc qui permettait de tenir « l’ouvrage » tendu. Parce qu’à l’époque, c’est ainsi qu’on disait « avoir un ouvrage dans les mains », et dès qu’on en avait fini de tous les autres travaux, on le prenait, on s’affairait pour quelques sous de plus. Travailler plus pour gagner un peu moins. Quand je vous disais que ma grand-mère avait déjà tout compris.

Pas tout pourtant : les congés payés, les congés de maternité, les congés pour accidents du travail, n’existaient pas, elle ne pouvait pas même deviner le surcroît de créativité que le grand Fréderic Lefèvre, voix de l’ump, a apporté hier au projet de loi Poisson que nous débattons à l’Assemblée.

« Cheveux longs, idées courtes », l’appelions-nous jusqu’alors. Quelle erreur ! Frédéric Lefèvre voit loin, mais malheureusement en arrière. Il a inventé hier le congé au travail. Oui, les salariés pourront désormais librement, gaiement, c’est-à-dire sur la base d’un joyeux et dynamique volontariat passer leurs congés devant leur ordi, à faire du travail à la tâche. Surcroît de factures qu’ils n’ont pu écluser jusque-là, fichiers clients et pourquoi pas centre d’appel entre deux pauses d’allaitement, ces salariés heureux pourront continuer à alimenter les actionnaires et à creuser le différentiel entre leur salaire et celui de leur patron.

Tout ça, ma grand-mère le connaissait, ordinateur en moins, mais elle ne pensait pas qu’après un siècle de luttes sociales, les députés ump en reviendraient à ces bonnes vieilles pratiques qui ont fait leur preuve une vingtaine de siècles durant.

Suivi et Infogérance par Axeinformatique/Freepixel