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Brice, sinon de Nice, pas d’où il faudrait

Ce matin, à la radio, Brice Hortefeux, commentant, mi-hautain, mi-goguenard, les manifestations du 19 mars :

« Je ne connais aucun autre pays qui manifeste contre la crise… »

Mais non, M. Hortefeux, ce n’est pas contre la crise, mais contre le gouvernement, votre gouvernement que nous manifestons.

Difficile début dans un ministère difficile dont, semble-t-il, il ne connait rien.

Welcome !

Le 13 septembre 2007, je recevais du Préfet de la région Aquitaine, une mise en garde « sur quelques pratiques et errements qui ont pu concerner des étrangers en situation irrégulière ». Il attirait mon attention sur les peines qui peuvent s’appliquer à « toute personne qui aura, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irrégulier, d’un étranger en France » par application de l’article 622.1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

J’étais à l’époque (et au demeurant, toujours) coupable d’accompagner des étrangers me paraissant le mériter dans leurs démarches pour obtenir un permis de séjour, et je me proposais de pratiquer le parrainage républicain de l’un d’eux.

Il s’agissait d’un jeune Kurde, prénommé Bilal. Ceux qui ont vu le film « Welcome » sauront pourquoi je précise l’origine et le prénom de mon jeune homme..

L’histoire de Bilal, ce Bilal bordelais, est toujours en cours : il travaille et reçoit des renouvellement de permis de séjour tous les six mois que nous espérons parvenir à faire pérenniser, car c’est pour lui une épreuve bi-annuelle d’attendre le papier qui l’autorisera à continuer de travailler et de se faire soigner dans notre pays.

Comme beaucoup d’entre nous, j’ai été très choquée de découvrir qu’une loi de notre République pouvait instaurer un « délit d’humanité » et le groupe socialiste s’est mis au travail pour rédiger une proposition de loi modifiant cet article 622.1

Le film Welcome est sorti à point nommé : il rend sensible « les errements et les pratiques qui concernent les étrangers en situation irrégulière ». Je reprends les mots du Préfet, mais bien sûr non pas à l’adresse de ceux qui les aident mais de ceux qui condamnent ces « aidants ».

Nous avons visionné hier à l’Assemblée « Welcome » en présence du metteur en scène Frederic Lioret et présenté notre proposition de loi. Elle est écrite avec un parfait sens de la mesure et de la responsabilité de manière à ne pouvoir, en aucun cas, faciliter ou absoudre le vilain travail des passeurs ni de tous ceux qui font commerce de la détresse des migrants.

Espérons qu’à l’inverse de la plupart de nos propositions, elle viendra en discussion complète à l’Assemblée et pourra être signée par des députés de toutes sensibilités. Sur ce sujet, le consensus honorerait les députés de droite.

Des fissures dans le bouclier

Le bouclier fiscal, mesure phare du sarkozysme triomphant, se fissure, ce qui n’est pas de très bonne augure pour un bouclier.

Vendredi dernier, en commission, le Président PS Didier Migaud a proposé de le « redéfinir » afin que le calcul du plafond de 50% prenne en compte l’ensemble des revenus, sans exonérer la part qui, soumise à déducations d’impôts diverses, lui échappe encore. C’était lui porter un premier coup, et aurait constituté une victoire très forte pour notre groupe, difficile à retoquer complètement dans l’hémicycle.

Hélàs, comme à l’habitude, branle-bas de combat à l’UMP, députés appelés en hâte par SMS en salle de commissions et le vote de cette « redéfinition » a été négatif à quelques voix.

Quelques uns des députés et sénateurs les moins obtus de la majorité ont pourtant bien pris conscience du cynisme d’une telle mesure en temps de crise : on demande des efforts supplémentaires aux Français, mais seuls les plus fortunés échappent à ces efforts du fait du bouclier. Pierre Méhaignerie, Gérard Larcher et une poignée d’autres ont demandé une « suspension » du bouclier.

Niet de l’imperatoir élyséen que nous a répercuté hier le Ministre Eric Woerth lors des questions d’actualité au gouvernement. A notre nouvelle interrogation « allez-vous supprimer le bouclier fiscal », le Ministre a répondu sans embages : « Non (nous l’attendions), parce que c’est une mesure de justice fiscale « . Là, nous n’avons pu échapper à un mouvement de surprise.

Explication de cette justice, conception Eric Woerth « c’est justice que dans notre pays personne ne puisse travailler plus d’un jour sur deux pour l’Etat ».

Tollé sur nos bancs : Eric Woerth sait bien que les contribuables sous bouclier ne se lèvent pas chaque matin pour embaucher. Ils gèrent leurs patrimoines, leurs actions… Et d’ailleurs, Johny, non plus qu’aucun de ses semblables, s’est-il réinstallé en France ?

En effet, comment considérer comme « juste » une mesure
– qui met à l’abri de tout effort supplémentaire quand l’ensemble des Français y est au contraire appelé (par exemple pour le financement du RSA)
– qui touche pour l’immense majorité des cas des gros revenus avec des patrimoines plus gros encore.
– qui « rapporte » d’autant plus qu’on dépasse le plafond : les chèques de remboursement sont proportionnels à ce dépassement

Ce sont en France 23 176 personnes qui se sont partagés 221 849 413 euros. Le chiffre moyen de 16 613 euros par tête n’a pas de sens : la poignée de petits contribuables qui en bénéficie cache le fait que pour les plus riches l’enveloppe est beaucoup supérieure.

En Aquitaine, ils sont 499 à avoir empoché 5 212 048 euros.

Alain Juppé, lit-on à chaque page de tous les journaux d’Europe et de Navarre, cherche à se démarquer de Nicolas Sarkozy. Que ne rejoint-il Larcher et Méhaignerie ? Voilà une mesure parfaitement équitable, profitable au budget de l’Etat et surtout plus concrête que de gloser sur le sens de la rupture.

L’hôpital abandonné au privé Par Michèle Delaunay, députée PS

Libération, le 17 mars 2009

Peut-on concevoir une loi « portant réforme de l’hôpital » (c’est son titre) qui, à aucun moment, jusque dans le plus petit recoin du texte, n’utilise ce beau mot d’hôpital ? Cette disparition fera date dans l’histoire, pourtant très encombrée, de l’écriture législative comme La Disparition de Georges Perec a marqué celle de la littérature. Elle n’est dans le cas présent ni anecdotique ni innocente. Les mots sont l’arme souterraine de la politique.

(suite…)

Alain, un écrivain de notre temps

Lermontov aurait dit « Un héros de notre temps ». Les deux sont vrais pour Alain, héros et écrivain.

Trop ignoré des médias en ce moment et c’est injuste : radios, télés, et jusqu’à notre journal Sudouest, qui l’omettent sur leurs ondes ou dans leurs pages, alors qu’on devrait lui consacrer chaque jour des émissions et des éditions entières. Que fait donc Mme Albanel ? En plus du talent d’écrivain, Alain a une véritable pensée, un à propos, un retour sur soi et sur les puissants de ce temps sans complaisance qui force l’admiration.

A qui pense-t-il quand il écrit: « La psychologie de notre temps ne se relèvera point de son erreur principale qui est d’avoir trop cru les fous et les malades ». A qui, en effet ?

A propos du même , il confesse: « On nous réconcilia, nous nous embrassâmes et, depuis ce temps-là, nous sommes ennemis mortels ».

Plus loin, cette flèche acérée: « Si les locomotives étaient conduites par l’Etat, le machiniste aurait une femme sur les genoux ».

(Alors là, quand même, cher Alain, vous y allez fort ! Il n’est pas donné à tout le monde de faire « people »)

J’apprécie plus encore chez Alain, son optimisme, son désir affiché de « positive attitude », pas toujours évident au regard de l’actualité du temps. On sent qu’il se force un peu, que son tempérament naturel est plus atrabilaire. Et d’ailleurs, il l’avoue : « Le pessimisme est d’humeur ; l’optimisme est de volonté ». Et de la volonté, certes il en faut, même au grand écrivain qu’il est.

Même lucidité envers soi dans cette phrase : « Ce que j’appelle République, c’est plutôt une énergique résistance à l’esprit monarchique, d’ailleurs nécessaire partout ». Et il sait de quoi il parle !

Commentant certaines de ses récentes déclarations, il en livre la raison: « Les temps sont courts à l’esprit qui pense, interminables à celui qui désire ». Quel sens de la phrase, quelle justesse, pourquoi un tel homme ne nous a-t-il donné que quelques volumes, s’abîmant dans des activités tellement subsidiaires au regard de son talent ? Quand on pense qu’il a été jusqu’à gaspiller de nombreux mois à enseigner à des étudiants qui n’en demandaient pas tant !

Sur les déboires qu’il a subis dans sa fraîche maturité : « La ruse des gouvernants est vieille comme le monde, la ruse des gouvernés est bien jeune ». Et certes, il n’oubliera pas cette ruse injuste qui l’a frappé « On a plus de croyance à 60 ans qu’à 6 ans, car on a de la mémoire » ».

A tous ceux qui lui vantent un avenir parisien : « Ce n’est qu’en province que l’on apprend à se surveiller soi-même, à se surveiller et à ne dire que la moitié de ce que l’on peut dire ». Mais plus loin, on se rassure en trouvant « L’idée d’un destin invincible est plutôt politique, j’entends propre à ceux qui tirent leur subsistance des hommes, et de plaire, et de persuader ». Nous ne doutions guère, à vrai dire.

Un moment de lucidité pourtant dans cette phrase : « Je plains ceux qui ont l’air intelligent, c’est une promesse qu’on ne peut tenir ».

Tout est dit.

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