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Travailler plus pour être moins élu

La non inscription de Gilles Savary pose plusieurs problèmes de fond. C’est l’un d’eux que j’aborde ici : la contre publicité faite par le Parti Socialiste du travail, de l’engagement et, partant, de la compétence.

C’est pour moi une véritable blessure que cette contre pub’ vienne du Parti Socialiste. Je parle du travail matin, midi et soir, et je relève parfois la nuit pour en rajouter un couplet. Je crois en sa force émancipatrice (le mot est ringard), thérapeutique et, dans le cas qui nous occupe, sur sa nécessité absolue quand il s’agit dans la situation actuelle de peser sur les enjeux politiques. L’enjeu européen n’est pas le moindre.

Le site rue 89 a analysé de manière très rigoureuse le travail des parlementaires européens, en ne le résumant pas à la présence dans l’hémicycle, laquelle est une présence au moment du vote, souvent faussée par rapport au travail réel en séance.

Il a donc été établi une pondération de plusieurs parametres : interventions en séance, questions, propositions de lois ou de directives, commissions..

La mise en parallèle du classement des socialistes et de la liste des éligibles est accablante.

Les quatre derniers des sortants socialistes sont en position rééligible, deux ont été promus comme têtes de liste.

Les quatre premiers sont renvoyés à leurs chères études (Carlotti, Lienemann, Savary, Ferrara)

Encore faut-il remarquer que l’excellent classement de Gilles Savary doit être examiné en tenant compte des deux campagnes électorales qu’il a dû mener : municipales de Talence où il était en mission pour solidifier la majorité PS à la CUB, puis élection cantonale pour regagner son siège de Conseiller général dont le Préfet l’avait automatiquement démissionné.

Maigre consolation : l’analyse de rue 89 a été consultée par près de 24000 visiteurs. Espérons encore que Martine Aubry en a été informée.

Des mots et des maux

Ouverture de la journée de travail ce matin dans mon bureau de l’Assemblée. Fenêtre ouverte, « soleil par dessus le toit » comme dit le poête. J’ai la chance d’être entourée de silence : les bruits de Paris, roulements de voiture, klaxon, en ce moment une sirène d’ambulance, paraissent très loin , confus, et sont presque réconfortants.

La loi Hôpital qui nous a tenus plus d’un mois touche à sa fin, une grande partie des nuits comprise. Bilan : pas grand chose. Je veux dire, pas grande amélioration obtenue malgré des débats de qualité, très « pro », malgré une convergence initiale lors des commissions entre de nombreux députés de droite et de gauche. La Ministre « a mouillé sa chemise » me disait hier soir le Président de séance Rudy Salles : présente en totalité à chaque séance, prenant soin de répondre à toutes les interventions, avec beaucoup de courtoisie, le plus beau sourire de l’Assemblée, mais surtout beaucoup de sens politique. Dans le fond, elle n’a rien cédé, ni à la gauche, ni à la droite. Sur 2000 amendements en effets, 1500 venaient des rangs de la majorité. Beaucoup ont été retirés sur ordre, dont ceux de Bernard Debré, attaché lui aussi au service public hospitalier, les autres ont été « repoussés » ou « rejetés ».

La nuance entre les deux termes, introduite par le rapporteur Jean Marie Rolland, échappait même aux plus chevronnés d’entre nous. C’est finalement Rudy Salles qui, avec un certain humour, difficile à transcrire, a expliqué : « A vrai dire, il n’y en a aucune ». Puis après un moment d’intense réflexion a ajouté « on peut même dire que c’est pareil ».

Cette difficulté à transcrire m’incite à parler d’un malentendu dont je tiens à m’expliquer jusque dans ce blog. Je l’ai fait auprès des intéressés de vive voix et par mail, mais comme il peut survenir à nouveau sur n’importe quel sujet, je préfère l’éclairer tout de suite.

Lors de mes interventions sur le possible transfert des missions de service public au privé, j’ai souvent pris l’exemple de deux services de chirurgie particulièrement performants, rentables et dont l’activité constitue à Bordeaux un des pôles d’excellence de notre CHU.

Mon propos avait un double but :
– démontrer que dans les conditions proposées par la loi le directeur de l’ARS (Agence Régionale de Santé), s’il était mal intentionné, pouvait réduire les moyens d’un de ces services et l’amener ainsi à la « carence » . Il a pour cela tout pouvoir.
– Il a tout pouvoir également pour constater cette carence et décider de transférer ce service et cette mission au secteur privé.

Le compte-rendu des débats, dans l’une des interventions, laisse croire que j’ai dit qu’à Bordeaux, la chirurgie du rachis n’était plus pratiquée. Alzheimer aurait frappé très fort de me faire croire à cette absence car je collaborais régulièrement jusqu’à il y a quelques mois avec cette équipe pour le dramatique problème des métastases du rachis.

Volée de bois vert d’un des médecins de cette équipe ; j’ai été très peinée qu’il puisse croire que j’avais oublié à ce point la réalité de la vie hospitalière et je m’en suis expliquée auprès de lui comme auprès de son chef de service.

Pourquoi j’en parle ici ? Pour rétablir la vérité, bien sûr, mais aussi parce qu’à la lecture des compte-rendus, on s’aperçoit de la distance qu’il y a entre l’expression orale, vive, allant du couroux à l’humour, et ce que la prise en sténo retranscrit. La plupart de mes collègues écrivent leurs interventions et donnent le document au service de la séance pour être sûrs d’avoir une formulation parfaite et fidèle. Pour ma part, hors les questions d’actualité, je préfère la vivacité de l’expression directe, mais j’en ai découvert à cette occasion les limites.

Merci à ceux qui lisent les compte-rendus des débats de tenir compte de cette distance entre le réel et l’écrit, la formulation plate et les mille tonalités de la parole.

Obésité, la grande dérobade (II)

Je n’ai pas décoléré depuis cette nuit ; ce matin serait plus juste : la séance s’est terminée (à notre demande, la Ministre voulait poursuivre) à 3 heures 10 du matin. Avoir passé tant de temps, discuté tant d’amendements qui auraient dû s’imposer « sur l’ensemble de nos bancs » selon l’expression d’usage, nous avons assisté à une reculade en rase campagne ; cela fait lourdement douter du débat parlementaire.

Bilan concernant l’obésité : rien de chez rien. Les enfants vont pouvoir continuer à vider des sacs de chips devant la télé, et la télé continuer à leur en vanter les bienfaits. L’amendement Méhaignerie-Boyer, pourtant prudent au delà du raisonnable, si l’on peut oser cette expression paradoxale, a été penaudement retoqué (voir billet précédent). Sans Pierre Méhaignerie, auquel il tenait à coeur, il aurait d’ailleurs été retiré sans discussion.

Le comble a été qu’il serait passé aisément sans cette dérobade généralisée à l’exception d’un seul. Nous avions indiqué que nous le voterions sans exception, si les trois députés ump signataires n’avaient pas renié leur propre texte, il était accepté.

J’ai donné des exemples chiffrés de l’influence des pubs télés sur les goûts des enfants et les achats des parents. Cet amendement bien que trop prudent (il ne concernait pas les adolescents) constituait une vraie mesure de prévention. Eh bien, elle est passée par pertes et profits, sous prétexte d’une charte passée opportunément en février avec 4 « gros » de l’agro-alimentaire (dont Mac Do, qui n’a pas besoin de cela pour continuer à engraisser à la fois les jeunes et son bilan financier), tous les autres pourront continuer à remplir nos écrans de pizzas baveuses, d’acides gras trans convertis en pâtisseries collantes et autres barres chocolatées.

De la même manière, a été retoqué un amendement qui demandait que lors des visites de médecine scolaire, les enfants soient, une fois l’an, pesés et passés à la toise. Raison du refus : il ne faut pas stigmatiser les enfants qui ont tendance au surpoids ! ». Nous sommes en plein dans le principe « si non ne veut pas voir la fièvre, il faut casser le thermomêtre ». Les députés de gauche sont restés sidérés sur leur banc.

Un dernier exemple concernant un aspect très différent et non moins grave, de l’obésité. Beaucoup d’études montrent que la grande obésité est la PREMIERE cause de discrimination à l’embauche. Nous avons demandé à ce que la Halde « conduise des travaux d’études et de recherches sur les discriminations à l’égard des personnes obèses ». Révolutionnaire, n’est-il pas ? Et pourtant là aussi, refus. Motif : « j’ai rencontré le Président de la HALDE, il est tout à fait en accord avec mes préoccupations ». Mondain mais insuffisant. Quel inconvénient y avait-il à adopter cet amendement dont l’ambition était déjà trop modeste si tout le monde était d’accord sur son principe.

Le bilan de la longue soirée d’hier est donc le vote (à l’unanimité) de l’interdiction de vente d’alcool et de tabac aux mineurs. Ceci sans autre mesure de prévention, sans politique d’éducation et d’information, sans aucune mesure à l’encontre des autres formes d’addiction. Un exemple supplémentaire de « la politique en kit » : on prend une pièce du puzzle, en sachant bien que si elle n’est pas encadrée d’une politique d’ensemble.

Résultats : les 15% de petits Aquitains en surpoids continueront à croître et prospérer.

Lutte contre l’obésité : un amendement-clef

En direct de l’Assemblée où nous débattons du volet santé publique de la loi « portant réforme de l’hôpital »

Après le chapitre concernant l’alcool, nous sommes entrés dans une série d’amendements destinés à lutter contre l’épidémie d’obésité, chez les enfants bien sûr, mais aussi chez les adultes puisque 80% des enfants obèses demeureront obèses.

Un amendement-clef arrive en discussion. Il prévoit que « les messages publicitaires télévisés ou radiodiffusés portant sur des boissons et des produits alimentaires manufacturés avec ajout de sucres, matières grasses ou édulcorant de synthèse, ne puissent être diffusés pendant des programmes qui sont qualifiés par le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel, d’émissions dont une partie importante du public est constituée d’enfants ou d’adolescents. Ces messages ne pourront être diffusés dans les quinze minutes qui précèdent ou suivent de tels programmes ».

Rappelons que 60% des enfants regardent la télé tous les jours en rentrant de l’école, et que les 3/4 d’entre eux reconnaissent préférer les produits promus à la télévision plutôt que ceux qui ne sont l’objet d’aucune pub.

Quant aux parents, ils sont plus de 80% à acheter les produits « vus à la télé » et réclamés par les enfants.

L’amendement vient de la droite (nous en présentons un comparable) et a été excellemment exposé par le Président de la commission des affaires sociales, Pierre Méhaignerie.

Y a-t-il, devant la gravité des données, la moindre raison de ne pas voter cet amendement ?

Madame la Ministre DE LA SANTÉ, vient pourtant d’inviter au vote « non », sous prétexte d’une charte de bon comportement signée en février avec quelques unes des firmes agro-alimentaires. Mais en quoi cette charte serait-elle trahie si tous sont invités (à vrai dire même contraints) à suivre les dispositions que quelques-uns ont déjà adopté ?

En réalité « la charte » a été signée en février, alors même que la discussion sur la loi avait déjà commencé, pour essayer de détourner la Ministre et les députés de voter la loi, plus contraignante et surtout contraignante pour tous.

Eh bien, que croyez-vous qu’il arriva ?

Une fois encore, les députés de droite, ceux-là mêmes qui avaient proposé l’amendement, ont voté contre lui, à l’exception de Pierre Méhaignerie. Mme Boyer elle-même, responsable de la santé au groupe ump, auteur d’un rapport sur l’obésité largement médiatisé, s’est piteusement reniée, enlevant toute crédibilité future à ses travaux et à ses déclarations.

Le lobby agro-alimentaire a gagné. Obésité et diabète ont de beaux jours devant eux.

Vin : binge-speaking contre binge-drinking !

Drôle de séance jeudi soir à l’Assemblée. Il était tard déjà et nous approchions de l’article 24 qui, en Bordelais comme dans toutes les régions vinicoles, a soulevé beaucoup d’émotion : il interdit les offres d’alcool gratuites ou au forfait.

En ligne de mire, les « open bars » et les soirées promotionnelles des alcooliers où l’on peut consommer à volonté et souvent, massivement ; mais, de facto, l’interdiction touchait les dégustations telles qu’on peut les faire dans les caves et lors des fêtes traditionnelles.

Les députés girondins étaient bien sûr en première ligne pour montrer qu’il s’agissait de deux problèmes radicalement différents. Je parle des députés girondins, en réalité seuls étaient présents les députés PS. Heureusement, il sont largement représentés dans notre département.

L’heure était tardive et de manière très malencontreuse, le Président de séance a décidé de réduire nos interventions de 5 minutes à 2 minutes. Pour ma part, je m’étais portée candidate pour laisser mon temps de parole à mes collègues de territoire directement viticoles. Mais non, la consigne a été de tous parler, en rang serré et à rythme soutenu.

Résultat : tout le monde a dû parler très vite. Venant presque en dernier, j’ai abrégé ce que je voulais dire, qui avait d’ailleurs été très bien exprimé par mes prédécesseurs girondins, mais j’ai attiré l’attention du Président sur le fait que ce « binge speaking », en toute hâte, allait bien mal avec ce que nous souhaitions soutenir : une tradition viti-vinicole multi-séculaire et une civilisation du vin qui est à l’inverse du « binge drinking » que nous condamnons.

Qu’est-ce en effet que le binge-drinking ? Je me permets de l’expliquer, pensant que les lecteurs du blog, comme son auteur, n’en sont pas coutumiers. C’est l’absorption rapide d’une grande quantité d’alcool fort, généralement d’un mélange d’alcools blancs avec prédominance de vodka. Le but du jeu, est d’obtenir une « cuite express », pour parvenir brutalement à un état quasi-comateux. On voit que le terme de « jeu » est d’ailleurs mal choisi et il arrive que « mort s’en suive » quand l’absorption a été trop importante, trop brutale et quelquefois accompagnée d’autres toxiques.

C’est un substitut de drogue, ou plutôt c’est bien affectivement une drogue. Le but recherché, le moyen, le risque sont les mêmes que pour les autres addictions chimiques. Le succès de ces pratiques vient de ce qu’il est plus facile de se procurer de la vodka que des drogues, moins cher, et il faut lutter contre ce nouveau drame avec tous moyens. Regrettons au passage, qu’à l’exception de l’alcool, aucune autre forme d’addiction ne soit envisagée dans la loi de mme Bachelot. C’est bien démontrer la force des lobbies qui sont derrière.

La culture du vin, telle que Bordeaux la représente et la promeut, est à l’opposé : consommation modérée, absorption lente, savourée avec des mets, recherche de partage et de convivialité. Les régions viti-vinicoles comme la nôtre ne sont pas des régions d’alcoolisme. Quant aux jeunes, ils consomment très peu de vin (moins de 5% de la consommation nationale). Avouons qu’ils ne « binge-drinkent » guère au château Margaux !

Je crois que nous avons bien soutenu le dossier : le gouvernement a présenté un amendement revu, faisant bien la part des choses et autorisant l’offre gratuite dans « les fêtes et foires traditionnelles » ainsi que lors des stages d’oenologie. Nous l’avons évidemment voté.

La bataille continue à partir de lundi 16 heures sur les autres articles sur le sujet.

Suivi et Infogérance par Axeinformatique/Freepixel