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L’essentiel, ou du moins son approche

Quand je sens une légère odeur de désarroi dans l’air, je me demande « où est l’essentiel ». Variante du conseil d’Heminway en face de l’angoisse de la page blanche : « Ecris la plus petite phrase vraie, et toutes les autres viendront derrière elle »

La page du socialisme n’est pas blanche, mais elle est ce soir raturée, peu lisible, voire même peu franche. Toutes les contributions toutes les motions, tous les discours de Reims nous ont appelé au « rassemblement ». Combien l’ont voulu vraiment, autrement que derrière eux ?

Les quelques dizaines de participants à la commission des résolutions ont-ils tout fait, ou ont-ils fait tout le contraire ?

Vous le savez : quand on s’interroge, c’est bien souvent qu’on s’est déjà répondu.

Je suis rentrée hier de Reims peu contente et dans cette odeur un peu âcre dont je parlais tout à l’heure. Je le dis maintenant : ma solution favorite, dans la connaissance où nous étions qu’aucune motion ne pouvait être largement majoritaire, eût été un ticket entre le leader de la motion arrivée en tête, et le leader (ou une personnalité choisie) de la motion arrivée deuxième, ou -si elles se mettaient d’accord- des deux ou trois motions suivantes.

Je ne suis sans doute pas la seule à y avoir pensé. Personne ne l’a voulu. La guerre est si belle ! Et profitable ! Et utile !

Alors, où est l’essentiel ? Dans le train du retour, gavé de socialistes, sans doute un certain nombre se posaient-ils des questions similaires. Tant d’heures passées, d’énergie engloutie, et pour certains, tant d’années. « Tout ça, pour ça ? » entendait-t-on sur les plis des visages.

Aujourd’hui est presque pire. Le ralliement de Bertrand Delanoë sonne comme un aveu. Pourquoi ce qui ne fut pas possible l’avant-nuit précédente l’est aujourd’hui ? Quelle pression ? Quel instinct conservatoire ? Quelle aversion, plus forte que la raison ?

L’essentiel ? Vous avez remarqué qu’il fuit toujours un peu plus loin, comme la ligne d’horizon qui s’éloigne avec la marche.

L’essentiel : soyons nous-mêmes .

Pour moi, dans ce débat devenu confrontation, c’est

– être libres dans notre choix. Ni mot d’ordre, ni détestation superficielle, ni stratégie locale. Quel parti voulons-nous ? Celui qui a donné Reims ou celui qui fera que Reims ne se reproduira plus ?

– être individuellement responsables. Entre un parti réformiste, qui affirme ses priorités (éducation, santé, salaires, prévention sociale) ou un parti proclamant à Reims qu’il doit « s’ancrer à gauche » tout en faisant objectivement le jeu de la droite ? Entre un parti élaborant et soutenant des idées ou un parti mettant son intelligence dans le billard à trois bandes ?

– être unis, savoir être bien ensemble. Dès aujourd’hui, même en ne votant pas pareil. Combien j’ai détesté à Reims des visages glaciaux, des regards qui se détournent, des grands élus absents des repas militants !

Peut-être (sûrement) qu’il y a encore plus essentiel que cet essentiel. Mais nous sommes tous un peu cabossés et, ce soir, je ne sais pas le formuler.

(12) : Petites phrases

Petites phrases, glanées au vol :

Arnaud (Montebourg) : « Salariés du monde entier, unissez-vous ! » . Sous-entendu : suivez notre exemple !

Bertrand (Delanoë) : « Ce qui importe, c’est que les vainqueurs de ce congrès ne soient ni la droite, ni Sarkozy, ni Bayrou » . Eh bien, Bertrand, c’est raté : jusque-là, ce sont eux ! L’ « Union » de Reims ajoute malignement que beaucoup ont entendu « Ni Ségolène Royal ».

Bertrand (le même) : »Il faut que celles et ceux qui ont des nuances fassent un compromis ». Subtil, Bertrand, subtil…

Razzi (Hamadi) : « Le socialisme n’est ni une concession, ni une adaptation, il est une révolte ». J’hésite entre Hugo jeune et Rimbaud (lui n’a jamais été vieux) …

Martine (Aubry) : « L’important est d’avoir une ligne claire… Sans jeu de mots ». Un instant de silence et elle a ajouté « Encore que… »

Martine (la même) , découvrant une araignée sur le pupitre : « Adeline (Hazan, Maire de Reims), on aurait quand même pu faire le ménage cette nuit ».

Hamon (Benoit) : « Ce n’est pas parce qu’on est la plus grosse minorité qu’on n’est pas capable de rassembler ». La plus grosse majorité n’a pas réussi. Mais au Parti Socialiste, l’Union défie l’arithmétique.

Henri (Emmanuelli) (avant le congrès : « La candidature de Ségolène Royal est une preuve que les frigidaires ne sont pas des congélateurs »

Ségolène (Royal) : « il faut nous soigner de tous ces mots désagréables entre nous, de ces chagrins, de ces offenses. Un jour, il faudra nous les pardonner ». J’ai fait croire autour de moi que c’était Savary qui avait écrit le discours. Certains doutent encore…

Une autre toute petite histoire. Ce matin, où nous sommes tous arrivés la tête un peu basse après les nouvelles de la nuit, je hèle un groupe des « Egales », arborant un énorme auto-collant rose où était écrit « Egales ». Je leur ai proposé de barrer « égales » au profit de « Supérieures ». A bien regarder en effet la composition de la commission des résolutions, c’est pleinement justifié.

(11) : la voie royale

Non, je ne parle pas de Ségolène, mais d’André Malraux. Le capitalisme financier sombre et appelle l’Etat à son secours. La régression s’installe. Chaque jour nous annonce la fermeture d’une entreprise et la majorité des Français s’enfonce dans les difficultés. A cette majorité, il n’est apporté ni soutien, ni secours, ni politique salariale, de la part de ce gouvernement.

Nécessité de la régulation de l’Etat, exigence de solidarité et de santé sociale : le socialisme par la preuve, la possibilité d’être entendu et compris par cette majorité de Français qui souffrent et plus largement, par l’ensemble des Français qui pensent.

C’est cela, la voie royale. A laquelle nous avons préféré Gide et « la porte étroite ».

(10) : Trois candidat (e) s

Trois candidats au poste de Premier Secrétaire : Aubry, Hamon, Royal.

Si la langue avait le souci de la majorité dans les genres, nous devrions dire « candidates » et « Première Secrétaire ». Deux femmes, ne boudons pas le plaisir de le souligner.

Trois discours, tous trois de grande qualité et j’espère qu’ils seront disponibles sur le net. Celui de Ségolène vient de s’achever, nous entrons dans une nouvelle phase de quelques jours, que les militants trancheront.

Moment de grande responsabilité pour chacun d’eux. Et derrière, nous nous en faisons une règle, l’Unité du Parti Socialiste.

Feuilleton (9) : La sombritude de Reims

Pour tout dire, j’ai hésité entre deux titres, l’autre étant « la preuve par le pire ».

Ce qui se dessinait hier s’est cristallisé cette nuit : l’arc-boutement des motions A à D sur la question des alliances. François Bayrou et ses deux députés n’en demandaient pas tant. Sans doute recevrons-nous un message de remerciements dans la journée.

C’était malheureusement prévisible depuis le début de la journée d’hier, et c’est devenu évident à l’occasion des grands discours. A la fin de son intervention, et avec le talent qu’on lui connait, Laurent Fabius a embouché les trompettes de l’alliance avec le modem : c’était plié. J’ai arrêté mon compte rendu (voir billet précédent) pour ne pas insulter l’avenir. L’avenir n’avait pas besoin d’être insulté, il était ficelé dans les salles arrière. Malheureusement, c’est chez nous qu’il a élu domicile

Vincent Peillon, à l’instant, nous rend compte de la commission des résolutions, dont nous avons eu régulièrement des nouvelles par SMS tout au long de la nuit. La presse aujourd’hui rend compte de l’essentiel.

D’entrée, il a été exprimé par Bertrand Delanoë, qu’il n’y avait pas motif à négociation avec la motion E et qu’il s’était déjà exprimé par courrier à ce sujet. Ubu a alors pris la direction des opérations et « les alliances » ont occupé tout l’espace. Relisez le discours de Mitterand à Epinay disant qu’après avoir réuni la gauche, « il faudrait aller chercher les libéraux ». Point n’est besoin d’épiloguer : tout cela est une posture, contradictoire avec la pratique de la plupart, contradictoire même avec nos statuts qui fixe clairement les conditions d’éventuels accords. Il n’en est pas moins vrai que notre motion aurait été bien inspirée de ne pas introduire le sujet dans le texte.

Les motions qui ont refusé cette nuit toute négociation avec la « E » se sont absentées une heure et demie de la salle de commission sans parvenir à un accord entre elles. Les voix de Lucifer sont aussi obscures que celles du Seigneur.

Pendant ce temps, Nicolas Sarkozy est au G20 et le pays souffre.

Suivi et Infogérance par Axeinformatique/Freepixel