« La dernière génération du feu »
L’expression m’a percé le coeur ce matin au congrès de la FNACA, venant d’anciens combattants des deux dernières guerres (40-45) et Algérie, qui avaient tous essuyés le feu. De la « première génération », comme on sait, il ne reste aucun acteur vivant, Lazare Ponticelli, Italien d’origine ayant fermé la porte derrière lui il y a quelques mois. Il disait s’être battu « autant pour remercier la France qui l’avait accueilli que pour ne pas mourir de faim ». Sobre raccourci que je trouve très fort.
Quant à la FNACA, kekcekça ?
Une modeste association de… 363 500 membres, dont 2000 étaient à Bordeaux pour un congrès national de trois pleines journées. Pour la séance de clôture, où je prenais la parole au nom de Philippe Madrelle et en mon nom propre, la grand amphithéâtre du Palais des Congrès était rempli au delà de sa capacité, et plusieurs salles équipées de caméras vidéos avaient du être ouvertes.
330 000 membres, tous apparemment très actifs et réunissant aisément 2000 personnes, voilà qui fait rêver n’importe quel parti politique ! L’association est née, en partie au moins, de l’initiative d’un jeune lieutenant en Algérie, Jean Jacques Servan-Schreiber. Peu après, elle devenait la « Fédération Nationale des Anciens Combattants en Algérie, Maroc, Tunisie ».
Son but : « faire progresser les droits matériels et moraux de la troisième génération du feu ». Côté droits matériels, ils réclament la revalorisation de la retraite du combattant, pour qu’elle atteigne le seuil européen de pauvreté. Le budget 2009 n’en porte pas trace, contrairement aux engagements du Président de la République.
Les intérêts moraux sont pour autant au devant de leurs préoccupations, et ceci dans un esprit qui m’a paru très éloigné de l’image plan-plan que l’on peut avoir des « anciens combattants », souvent taxés de ressasser leurs souvenirs plutôt que de regarder l’avenir.
Pourquoi y suis-je si sensible ? Nous sommes d’ailleurs beaucoup à l’être : dans quelle famille n’y a-t-il pas un père ou un grand-père mort à la guerre, une veuve de guerre et ses enfants « pupilles de la nation » ? Quelquefois, toute une fratrie, tombée pendant la guerre de 14-18.
Ce fut le cas dans ma famille, mais c’est autre chose qui a marqué dans mon esprit le poids et le prix de cette « troisième génération du feu ». Mon père était le premier à être informé quand un jeune homme du département où nous habitions était tué en Algérie, et je l’entends reposer le téléphone « voilà un enfant tué à Philippeville ». Ou à Bône, ou à Maringot… Et il contactait personnellement la famille.
J’ai appris comme ça le nom de toutes les villes d’Algérie. Elles étaient pour moi comme des lieux proches, presque familiers, où ils se passaient des événements dramatiques. Trente mille « enfants » sont morts ainsi entre 52 et 62 et ils étaient les compagnons des 2000 qui étaient présents au palais des congrès.
Une des revendications très fortes de la FNACA n’a rien de financier. L’association veut voir rétablie la réalité historique, à savoir la célébration de la paix en Algérie le 19 mars, jour du cessez-le-feu, et non, comme on le fait aujourd’hui le 5 décembre « qui n’a pour ceux qui étaient là-bas d’autre signification que d’être la saint Gérald ».
Ils refusent au nom du devoir de mémoire, du drame particulier qu’ont connu chacune de ces « générations du feu », un « memorial day » à l’américaine, jour de célébration unique dans l’année de toutes les guerres et de tous les combattants. J’ai compris à les entendre qu’ils avaient raison et que chacune de ces journées rappelait ce que portent aujourd’hui les anciens combattants : la solidarité dans l’épreuve, la capacité de servir quelque chose qui les dépasse.
Dix jeunes gens sont morts en Afghanistan. Lors de ma dernière consultation à Bergonié, un jeune patient que je suis depuis plusieurs années est venu chercher auprès de moi l’autorisation de partir en mission de six mois dans les montagnes de ce pays. Sa maladie ne donne pas signe de récidive, le temps est maintenant long depuis l’opération, j’ai donné le feu vert qu’il souhaitait ardemment.
Et j’ai pensé que ces vertus que porte la FNACA traversaient le temps.
Rendez-vous au marché
Petit soleil timide, air vif et piquant : le temps idéal pour rencontrer les Bordelais sur les marchés !
Le parti socialiste, dans son unité, ne peut rester silencieux sur toutes les interrogations que comporte la crise actuelle et ce qui va la suivre.
Je l’ai dit ici plusieurs fois. La crise financière confirme ce qui est au coeur même de la pensée socialiste : le besoin de régulation par l’Etat. La crise économique et sociale qu’elle porte en elle confirmera, s’il en était besoin, l’exigence de solidarité et l’urgence d’un nouveau modèle de société.
Je vous donne rendez-vous dans la demi-heure qui suit sur tous nos marchés : Capucins, Saint Michel, Grand Parc, Mériadeck (devant Auchan), Ornano Gavinies, La Bastide (devant Champion).
Nous devons être là, répondre aux inquiétudes et donner de la force pour l’avenir. Les leçons de cette crise, nous devons les porter ensemble afin que semblable catastrophe ne puisse plus se reproduire.
En un mot : nous ne voulons plus subir. Le gouvernement n’a pas su anticiper, au contraire il s’est précipité dans ce qui était entrain de couler, c’est à nous de le faire désormais.
A Bordeaux, Ségolène évite de se mouiller !
Oui, j’imagine assez bien les titres de la presse nationale ou de certains blogs si Ségolène, à Bordeaux, avait ouvert les eaux de la Garonne, entrainant derrière elle les employés de Ford et le peuple des militants socialistes…
« A Bordeaux, Ségolène Royal évite de se mouiller »
« Plus biblique que jamais, Royal se prend pour Moïse »
« Le programme économique vaseux de l’ex candidate socialiste «
« Avec Royal, le PS marche en eaux troubles »
« La motion Royal prend l’eau à Bordeaux »
Si on croit que j’éxagère, allez voir le titre de Libé hier soir…
Une ‘indiscrétion » de Sud Ouest épingle Ségolène sur le fait qu’elle ait voyagé de Paris à Bordeaux en train de 2ème classe : « soucis d’économie ou volonté de se mêler au peuple ? » interroge le journal. J’ai partagé ce voyage avec elle et son équipe pour mettre la dernière main à son discours. Ambiance fort studieuse, Ségolène tenant compte de très près des avis et corrigeant par pages entières, ajoutant, modifiant. Avant cela, plusieurs voyageurs sont venus lui parler, un grand nombre l’ont salué d’un grand sourire.
Mon voisin d’en face lui a parlé longuement, et j’ai prolongé ensuite la conversation avec lui : il est le père âgé d’un enfant de 30 ans, handicapé cérébral (qui était présent), sa femme est en dialyse, sa fille a un cancer du sein (ils rentraient d’aller la voir à l’hôpital Foch) et 9 membres de sa famille sont morts de ce cancer. Cette longue attention, l’échange avec Ségolène, très attentive, ont certainement constitué pour lui un moment d’éclaircie. Je ne sais pas comment l’écrire pour ne pas tomber dans le pleurnichard.
Ségolène voyage toujours en train et en seconde. Est-ce plus mal que de voyager en avion classe affaire, attendre le départ de l’avion dans le salon VIP’S et arriver en toute dernière minute pour s’asseoir au premier rang ? Bilan carbone comme connaissance des conditions de vie des gens normaux, gagnent-ils davantage à l’une ou à l’autre attitude ?
Le socialisme est une idée neuve
Neuve comme ce qui est fondamental et, en tout cas, radicalement actualisée par la crise financière et la crise économique et sociale qui la suivra.
Ce vieux mot, pour lequel des hommes sont morts, au premier rang desquels Jean Jaurès, est aujourd’hui au coeur de l’actualité. Le monde financier, que l’on a laissé sans contrôle et sans règles, fait la démonstration par l’absurde de la nécessité des piliers du socialisme : la nécessité de la régulation par l’Etat, la suprématie du bien public sur les intérets particuliers.
Cette idée de l’actualisation brutale du socialisme a été hier au coeur du discours de Ségolène Royal à Parempuyre. Le mot lui-même de socialisme a été prononcé 22 fois. Avec raison : face à une droite « décomplexée », sachons être une gauche sûre d’elle.
Pour contrer la crise, il faut d’abord la comprendre : elle est née de l’excès de crédit pour pallier à l’insuffisance des salaires. Pour acheter une maison, les banques ont prêté en tablant sur la valeur du bien sans prendre en compte la faiblesse des revenus. De nombreuses maisons ont dû être vendues et le prix de l’immobilier a baissé. Les banques ont alors cherché à se débarrasser de ces crédits insolvables, joliment appelés « toxiques », se « contaminant » les unes les autres.
Six axes principaux :
– maintenir les « prises d’intérêt » de l’Etat dans le capital des banques pour qu’il puisse jouer durablement son rôle de régulation et empêcher que les mêmes causes ne produisent demain les mêmes effets.
– moraliser le système financier et lutter contre les paradis fiscaux en n’acceptant aucun investissement en provenance de ces « paradis »
– endiguer les rémunérations des mêtiers de la finance pour que l’élite des grandes écoles et des universités ne s’y précipitent plus, au détriment des mêtiers de recherche, d’innovation et d’investissement
– le contrôle des fonds d’investissement et des fonds de pension qui imposent des normes de rentabilité extravagants aux entreprises qui sont atteintes principalement par la réduction du nombre des salariés et les délocalisations
– l’abandon de la privatisation de la poste, qui est bien en effet une « banque postale » et qu’il serait plus que paradoxal de privatiser quand on nationalise partiellement les autres organismes bancaires
Un millier de militants (chiffre officiel) a participé à cette soirée. De très nombreux journalistes nationaux avaient fait le déplacement. Ségolène est une star, et ce n’est nullement une critique. C’est aussi grâce à cette qualité qu’elle renouvelle l’attrait de la politique.