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Consternant chef-d’oeuvre

Le communiqué de la Présidence de la République concernant la visite du Dalaï Lama est un chef-d’oeuvre de faux-cul-isme, en même temps, une fois de plus, que le parfait exemple du mélange des genres public-privé qui ne devrait pas exister en République.

Avoir réussi l’un et l’autre en si peu de lignes relève de l’exploit. Qu’on en juge :

« Le Président de la République comprend les raisons qui conduisent le Dalaï Lama, compte tenu des circonstances présentes, à ne pas solliciter un entretien durant son séjour au mois d’août en France. Son épouse sera présente à la cérémonie religieuse présidée par le Dalaï Lama qui marquera l’inauguration le 22 août d’un important temple bouddhique. »

Est-ce que, étant donné justement « les circonstances présentes », c’était bien au Dalaï Lama de « solliciter » un entretien ou au contraire, au Président de la République, à l’inviter à une rencontre pour manifester son attention au peuple tibétain ?

Est-ce qu’il était opportun de lier dans un même communiqué la présence de son épouse à l’inauguration d’un temple ? Cela implique aussitôt qu’il s’agit d’une contrepartie, et d’ailleurs tous les commentaires ont été dans ce sens (« le Président ne recevra pas le Dalaï Lama ; en revanche, son épouse sera présente… »)

Une fois encore, et à tous les niveaux, présidentiel, ministériel, municipal, l’épouse ou l’époux n’ont aucun rôle officiel, aucune fonction politique. Que Carla Bruni se rende à l’inauguration d’un temple, c’est tout à fait son droit, la presse peut même en être informée par son secrétariat mais cela ne doit en aucun cas être annoncé au même titre qu’une action officielle de son époux (ou épouse). Vous avez aimé Cecilia à Tripoli, vous allez adorer Carla, comme Tintin, au Tibet.

N’en plaisantons pas. Le sujet du Tibet est hautement politique, des hommes souffrent, sont emprisonnés, le respect et la simple décence veulent que l’on ne le « pipolise » pas.

Publier des livres dont le public ne veut pas

C’est une phrase de l’éditeur allemand Fischer, prononcée à l’instant par Robe-Grillet sur France-culture.

-« En quoi consiste le mêtier d’éditeur ? »
– « Eh bien, à la réflexion.. A publier des livres dont le public ne veut pas ».

Robe-Grillet cite la phrase avec délectation. Gaston Gallimard venait de lui refuser un livre « parce qu’il n’y a pour cela aucun public » quand il a entendu l’éditeur Allemand la prononcer.

Je cite une phrase au vol de cette rediffusion de France-culture, un peu comme j’enverrais une carte postale de ma vie « ici ».

« Ici », c’est à quelques encablures de Bordeaux, là où je viens de transporter mes pénates, pour deux à trois semaines : aucune confidence ne vous sera décidément épargnée.

En face de moi, très en contrebas de ma fenêtre, la plage, remplie à touche-touche, et que je regarde à cette heure de plus en plus comme les singes dans les zoos regardent les humains passer devant leur grille : on sait qu’il y a une parentée, mais on ne sait plus très bien qui regarde l’autre.

Pour tout dire, je déteste la plage à l’heure où il n’y a guère d’autre choix que de s’y allonger, mal à l’aise, ne pouvant pas davantage lire que parler commodément à son voisin. Ne la sauvent que les groupes d’enfants qui sautent dans la bordure d’écume et dont les cris montent avec le vent jusqu’à mon ordi.

Je reviens à France-cul, que j’appelle ainsi par dérision autant que par affection. Employée aux « choses de la vie » (ranger, ménager, préparer, ordonner, désordonner, faire semblant…), je m’y réfugie comme chez un vieill ami poussiéreux. L’été surtout : c’est l’heure des rediffusions et des élucubrations variées. Tout à l’heure, un débat sur « la responsabilité de l’écrivain », centré sur la Drieu la Rochelle, ensuite Robe-Grillet (du moins je crois avoir reconnu sa voix, j’étais occupée ailleurs quand l’émission a été annoncée). Combien sommes-nous à nous réjouir de ces débats, à aimer occuper « le temps de cerveau disponible » pour autre chose que vendre des espaces publicitaires ?

Beaucoup plus qu’on ne croit, ou qu’on fait semblant de croire. A force de gaver les gens de stupidités diverses, on assure qu’ils n’aiment que cela. C’est incontestablement une part de cette dépression larvée, de cette angoisse latente qui se résout (ou plutôt s’anesthésie) dans les médicaments, l’alcool, la drogue, les jeux …

Propos de privilégiée ? C’est bien sûr la question et je suis capable de plaider une réponse ou son inverse. L’âge, aussi. Cette « maturité » faite de distance et d’intériorité qu’il me semble avoir reçue.. presque au berceau.

Ce genre de billets, plus journal que blog, je ne le mets par d’ordinaire en ligne. Mais c’est le privilège des vacances de changer d’être et de paraître

Dix ans

Il y a dix ans, à l’heure presque où j’écris, mon Papa est mort. Je dis « mon Papa » pour désacraliser un peu le souvenir de ce moment. Il me semble que ne pouvais pas laisser cette date dans l’éphéméride qu’est le blog sans, non pas lui faire un signe, mais faire un signe aux amis qui perpétuent son souvenir.

Ce matin dans Sud-Ouest, quelques lignes « in memoriam » qui ont fait se rejoindre Henri Amouroux, mort le 5 août 2007, et Gabriel Delaunay, le 5 août 1998. Tous les deux étaient amis, ont gardé contact jusqu’aux derniers mois, et le destin leur a fait cadeau de ce petit signe.

Je pense souvent à une tradition qui veut que les Malgaches retournent le cadavre de leurs proches un an après leur mort, puis à intervalles réguliers. Un ethnologue qui me parlait de cette coutume d’une dureté inouïe me disait qu’elle avait largement influencé la mentalité de cette population et entravé son inscription dans la modernité, qui a une relation tellement plus légère avec la mort et qui bien souvent la nie.

Mon père est mort chez lui. Il le souhaitait, je le voulais, mais même pour une fille médécin, prête à y consacrer tout son temps, aidée d’infirmières, c’est un challenge d’une grande difficulté pour les familles. De cela, il n’est presque jamais question, hors de l’hôpital quand la demande est faite et qu’il faut mettre en oeuvre tous les soins possibles.

Ils ne suffisent pas toujours. L’éloignement, l’importance des soins à donner, le contexte proche rendent bien souvent moins périlleuse (en terme de douleur et d’apaisement) la mort à l’hôpital. Beaucoup de familles aussi le préfèrent et plus de 80% des décès ont lieu à l’hôpital. Je ne suis pas sûre que ce soit en tous points une bonne chose. L’expérience de la mort donne beaucoup de poids et de gravité à la vie, et aussi une certaine distance de ce qui n’a qu’une faible ou passagère importance.

Conversation de vacances

Sur le trottoir de ma rue, je rencontre mon voisin-ami Patrick Berthomeau. Nous parlons, comme souvent, des mérites et des défauts comparés des Allemands et des Français.

Il me fait part d’une interrogation qui le taraude : pourquoi le rugby, qui a gagné les pays anglo-saxons, n’a-t’il jamais pénétré les terres teutones ?

Il me laisse supputer un moment, et ajoute, avec un air qui ne trompe pas :

– Tu sais, j’ai bien réfléchi et je crois que j’ai trouvé. Entrer dans la mêlée avec un casque à pointe, c’est quand même délicat…

Voilà, je vous le disais, le blog aussi est atteint par l’air des vacances !

Heureux comme quand il pleut

« Heureux comme quand il pleut et que l’lon sait un ami dehors.. ».

Peu de (faux) proverbes m’amusent autant que celui-là. Dans mon jardin d’un calme irréel, au milieu de la désertée, j’y ai pensé plusieurs fois ce week-end en écoutant la liste des kilomètres de bouchons ici ou là. Et en me réjouissant de n’en faire pas partie.

Suivi et Infogérance par Axeinformatique/Freepixel