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Une très belle, grande et forte année 2008 !

Je ne sais si nous avons quelque prise sur le destin, mais chaque année, du fond du coeur, nous tentons l’entreprise ! J’adore faire des voeux, écrire des cartes, donner signe, dire « je pense à vous », en un mot, y croire une fois de plus.

Il y a en tout cas une part où nos voeux sont utiles : l’essentiel de nos joies et de nos ennuis vient des autres. « L’enfer, c’est les autres », mais quelquefois aussi le paradis, du moins des morceaux de paradis, et c’est le puzzle qu’on fait avec tous ces morceaux qui est vraiment le paradis. Mais ça, on ne l’explique jamais.

Aujourd’hui, je fais des voeux très simples, pour cette part qui vient de nous et sur laquelle nous pouvons quelque chose. Non, je ne vais pas vous faire le coup de Ségolène (qui, elle-même le tenait de quelqu’un d’autre) : « Aimez-vous les uns les autres ! » . Mais seulement : « mettez-vous à la place les uns des autres », ça ira déjà mieux.

« Parce que la politique c’est d’abord se connaître, se comprendre et construire ensemble », alors je souhaite à tous les amis du blog beaucoup de bonne politique, et aux Bordelais la chance de construire quelque chose de beau et de nouveau !

Voeux présidentiels

Finalement, je ne résiste pas… Je ne voulais pas commenter les voeux de Nicolas Sarkozy pour ne pas finir l’année en étant moi aussi le gogo, qui commente, qui suit, et qui en fin de compte obéit.

Pourtant. J’ai vu cette intervention de Berlin, sur France 24 où elle était présentée comme une manifestation de la « rupture », d’un nouveau style, plus proche des Français, plus spontané au motif que la diffusion se faisait en direct. Ce qui nous fait une belle jambe, si j’ose dire, et qui ne change quelque chose que pour Sarkozy lui-même, obligé à une concentration très grande pour lire son texte sur son « prompter ». Ce qu’il a très bien fait, nul ne contestera à NS de mettre tout son art à bien maîtriser les médias.

Deux parties dans l’intervention. L’une, compassée et compassionnelle à souhait : s’adresser à tous les Français, ceux qui préparent la fête, ceux qui travaillent pour les autres ce soir, ceux qui sont seuls.. Rien d’autre que ce que nous avons entendu de tous les chefs d’Etat dans tous les pays du monde. J’attendais, puisqu’on nous avait annoncé une « rupture » qu’il parle de ceux qui le regardait en prison, de ceux qui ne regardaient pas parce qu’ils étaient dans la rue, des paumés de chez paumé, des extra-pauvres, des épuisés … Non, comme tous les chefs d’Etat dans tous les pays , il s’en est tenu aux isolés et aux affligés « ordinaires ». Qu’on ne se méprenne pas sur cet « ordinaire », je connais la mesure de cet isolement-là et de cette affliction-là. Seulement, il n’a pas transgressé les limites décentes du malheur.

Deuxième partie : un discours de candidat. Un bon discours, plein de promesses non-concrètes, d’injonctions à croire, d’explications sur la méthode, le sens, la direction… Et aussi de mise en évidence de sa personne et de son rôle si, par chance, on venait à l’élire : je ferai, je dirai, je ne tromperai pas, je ne trahirai pas… Je, Je, Je.

Normal, c’était ses voeux. Normal, et pourtant, il manquait ce parfum de rupture dont il veut (dont il a voulu serait plus juste) être porteur. Le discours était peut-être « en direct » mais il était formidablement convenu.

Au pouvoir, aurions-nous fait mieux ? J’ai cette faiblesse de toujours m’interroger là-dessus, mais de ne pas savoir toujours me répondre. Ici, pourtant, il me semble … La matière en tout cas ne manque pas.

Helmut Schmidt, le Rhin, la paille ou la poutre dans l’oeil des médias

Pour prolonger le débat bien entamé à la suite des billets précédents, j’essaye d’extraire de ma mémoire une histoire qui m’a fait beaucoup rire, il y a quelque 25 ans…

Nous sommes en pleine crise pétrolière. L’Allemagne déplore le nombre élevé de ses chômeurs, la panne de la croissance, le pouvoir d’achat qui flanche… Vous voyez facilement le tableau. Le chancelier socialiste Helmut Schmidt (1974-82) veut marquer fortement l’opinion, et peut-être -qui sait ?- la détourner un peu de ses difficultés quotidiennes. Je pense que vous voyez toujours facilement…

Il convoque la presse au bord du Rhin, dans la capitale d’alors, Bonn. Les médias sont rassemblés, un peu surpris de cette convocation inopinée et inexpliquée. Rang de ministres le long de la rive. Helmut Schmidt arrive, donne quelques poignées de mains et, sans autre forme de procès, s’engage et marche sur les eaux. Arrivé au milieu du grand fleuve, le Rhin est large et majestueux à Bonn, il rebrousse chemin (si l’on peut dire), reprend sa marche sur les eaux et rejoint la rive.

Quelques poignées de mains encore, il remonte sans mot dire dans une Mercèdes noire ; le vice-chancelier Genscher s’engage dans sa roue, suivi des ministres, laissant le public médusé sur la rive, et les médias en proie aux affres de leurs engagements journalistique …

Titres le lendemain dans la presse allemande :

Frankfurter Allgemeine (= « le Figaro ») : « Crise en Allemagne : comme d’habitude, le Chancelier évite de se mouiller« . On imagine la suite des commentaires : pas un mot des vrais problèmes, le Rhin ne résume pas à lui seul l’ampleur des difficultés du pays…

Bild (= « Match », mâtiné de « Gala ») : Helmut Schmidt à deux doigts de se noyer. Sa femme et sa fille en pleurs« . Photo des deux dames, prise à l’enterrement d’une tante éloignée, le tout sous un titre sur cinq colonnes « Bonn : le drame ! ».

Stuttgarter Zeitung (mi-chêvre, mi-chou, comme qui dirait Bayrouïste d’outre-Rhin) : « Schmidt marche sur le Rhin, mais fait demi-tour à mi-chemin ! ». Commentaire : oui, c’est pas mal, on n’a pas vu ça depuis longtemps, mais quand même, c’est bien du Schmidt de ne pas finir l’ouvrage et de s’arrêter en cours de route….

Passauer Neue Presse (= »La Croix », en beaucoup plus vaticaniste, pardon pour « La Croix ») : « Les eaux du Rhin s’ouvrent devant Schmidt ! »

Frankfurter Rundschau (de gauche, pour contrebalancer l’autre Frankfurter) : « Schmidt : c’est possible !__ ». Commentaires : la volonté du chancelier a triomphé des prévisions pessimistes. On croyait l’Allemagne proche de sombrer. Le chancelier démontre au contraire sa capacité à garder la tête hors de l’eau…

Si il y avait une vraie presse d’opposition en France, je vous aurais raconté l’histoire version Sarko marchant sur le Nil…

OpinionFabric

Je lis avec un intérêt particulier un chapitre du livre de Ségolène Royal « Ma plus belle histoire, c’est vous ». Le titre n’est pas mon favori, remake tronqué d’une merveilleuse chanson de Barbara « Ma plus belle histoire d’amour, c’est vous » que j’ai encore dans l’oreille rien qu’à écrire ces mots. Mais le livre lui-même est intéressant.

Le chapitre en question a trait aux sondages, à leurs questions inductrices de réponses, mais aussi à de nouvelles agences qui ne s’adressent plus à « un panel représentatif » mais à des interlocuteurs recrutés, payés et disponibles pour ce qu’on attend d’eux. C’est le cas d’une agence « OpinionWay », largement mise à contribution pendant la campagne présidentielle et depuis lors.

Replaçons-nous au moment du débat d’entre deux tours entre Ségolène et Sarkozy. Les jeux étaient pratiquement faits, l’enjeu était pourtant de montrer la capacité de la candidate, et la réalité de ce qu’elle portait. Je l’ai écouté, avec un certain nombre sans doute des lecteurs de ce blog, à la salle Son Tay, où Jacques Respaud avait eu la bonne idée de réunir les militants et sympathisants socialistes qui avaient plaisir à se retrouver et à discuter ensuite.

Le débat a été incontestablement à l’avantage de SR, malgré une colère un peu longue qui l’a désservie. Des sympathisants de droite m’ont dit simplement qu’ils l’avaient trouvée bonne et que Sarkozy avait à plusieurs reprises été mené, voire décontenancé.

Surprise le lendemain : un sondage d’OpinionWay, envoyé aux médias dans la nuit, proclamait NS plus convaincant sur tous les sujets essentiels, ne laissant à Ségolène que quelques bribes sur les sujets « de proximité » ou « de société ». Rien de commun avec ce que nous avions écouté.

Gros titres des journaux, annonces des radios et télé, les uns et les autres embrayant, les chiffres publiés à dessein dans la nuit. Le but était atteint : le public était dérouté, les téléspectateurs de droite se reprenaient et pensaient qu’ils avaient eu tort de douter; ceux de gauche se mettaient à douter : eh, oui, finalement, elle a eu des moments faibles…

Tout ce chapitre est d’une grande justesse. Personne n’a intenté de procès à Ségolène : il n’y a pas matière. Elle ne dit pas qu’elle a été la meilleure, elle montre que cela ne pouvait changer le résultat. Son analyse nous aide à aiguiser, et aiguiser encore notre sens critique, et chaque jour, envers notre équipe, comme envers toute autre, a avoir notre propre jugement.

Quelqu’un que je connais dirait : à rester droits dans nos bottes. Disons, dans nos ballerines ou dans nos baskets…

Suivi et Infogérance par Axeinformatique/Freepixel